Algérie

L'étrange pari d'une entreprise suicidaire



L'étrange pari d'une entreprise suicidaire
Dans le monde journalistique de Grine, la liberté de presse se conjugue forcément avec la doctrine propagandiste du Pouvoir.Sous le fallacieux prétexte de souscrire aux principes d'éthique et de professionnalisme qu'il faut, à ses yeux, scrupuleusement encadrer, elle ne devra assurer son salut que si elle entre dans les cordes de la communication officielle. Depuis qu'il a pris ses fonctions il y a près de quatre ans, et agissant dans un gouvernement qui pratique lui-même la politique du bannissement de la liberté de la presse pour éviter de rendre des comptes, l'actuel responsable du secteur n'a eu de cesse à vilipender, souvent avec une violence inouie, les médias toutes tendances confondues-sauf bien sur les organes au service du Pouvoir- pour mieux les attaquer et donc au final mieux les affaiblir. En leur reprochant leur manquement à la déontologie, en rabaissant la profession au rang de la diffamation et de l'insulte, il s'est ainsi fourvoyé dans une opération dite de « normalisation » des médias qui devrait aboutir à brève échéance à un musèlement total de la presse tel que consigné dans sa feuille de route.Car c'est de cela qu'il s'agit. Un programme politique, un plan de bataille murement réfléchi dans les arcanes du gouvernement et de la Présidence de la République qu'il doit mener à bon port et qui consiste à laminer par touches progressives toute velléité de porter la contradiction à un régime éprouvant plus que jamais le besoin d'un unanimisme confortable pour se déployer. Si ce n'est pas carrément un retour à l'idéologie du parti unique avec ses injonctions et ses rappels à l'ordre en direction des « déviationnistes », ça a tout l'air de lui ressembler sous une forme plus tendancieuse. C'est que le ministre, en prenant à c?ur cette mission infamante de détruire les quelques poches de résistance d'une liberté d'expression arrachée au prix d'un long et noble combat par toute une génération de journalistes, assume au grand jour et sans aucune perplexité son implication dans le massacre programmé comme une volonté d'épuration d'un secteur réfractaire qu'il laissera totalement « assaini » derrière lui. D'ailleurs, avant même la fin de son mandat, il exhibe fièrement les résultats de sa performance en indiquant à ceux qui veulent l'entendre que la proportion d'insultes et de diffamations a considérablement reculé depuis sa venue.Comme si la presse, vulgaire et outrancière jusque là, a enfin trouvé son maitre dans le mode domestication. Dans cette confrontation provoquée mais néanmoins inégale avec les médias, le ministre ne fait jamais état des pratiques coercitives mises en branle ni celles du chantage exercé pour parvenir à ses fins. Il veut simplement que l'histoire retiendra qu'avec son passage, l'étouffement de la presse devient une réalité que le sérail appréciera à sa juste dimension. Et c'est de cette sombre réalité qui fait frémir dont il est question aujourd'hui et de laquelle on se rapproche de plus en plus à travers une offensive d'anéantissement encore plus meurtrière. Les deux circulaires d'orientation que vient d'adresser Grine aux médias audiovisuels ne laissent en effet aucun doute sur son intention à réduire encore plus dramatiquement l'espace conquis par la liberté d'expression et d'opinion dans notre pays.Déjà outrageusement malmenée par les sphères dirigeantes, cette liberté chèrement acquise grâce au long et noble combat mené par les femmes et les hommes de presse convaincus de leurs aspirations légitimes au droit d'expression dans notre pays inscrites dans l'historique mouvements des journalistes algériens , est plus que jamais en danger de mort devant cette nouvelle agression qui veut non seulement réduire au silence les medias audiovisuels dans le contexte des élections législatives, mais aussi les humilier en les transformant en courroie de transmission du régime. Le ministre veut qu'en contrepartie des agréments consentis pour couvrir l'évènement, ces médias perdent leur âme en s'écartant de leur esprit critique. Pas de direct, par de jugement négatif sur les élections, pas de parole aux citoyens, pas de place aux partisans du boycott, pas de liberté d'entreprendre, en somme un balisage complet pour faire entrer le travail médiatique dans les standards de l'éthique professionnelle vue à partir de la lorgnette gouvernementale. Jamais ministre de la communication n'est allé aussi loin dans les tentatives d'asservissement de la presse, du moins dans les approches académiques pour trouver les bons compromis nécessaires selon eux aux relations que le Pouvoir doit entretenir avec les médias.Tous ceux qui se sont succédé à cette fonction avant Grine ont plus ou moins réussi le difficile défi de défendre les positions du gouvernement sans trop abîmer le terrain de la liberté d'expression et ce travail d'équilibriste est tout a fait à leur honneur. L'actuel responsable du secteur, dans l'incapacité de faire ?uvre utile pour élargir encore davantage le champs d'action de la liberté d'expression là où elle doit se manifester pour faire avancer la démocratie, a pris le raccourci le plus brutal pour se démarquer de ses pairs au risque de créer des dégâts irréparables pas uniquement à la famille de la presse mais au pays tout entier, si tant est que la corporation reste l'incarnation la plus vivante d'une réalité démocratique.L'entêtement à vouloir domestiquer la presse algérienne qu'elle soit étatique ou privée? alors que celle-ci aspire profondément à son indépendance est une atteinte grave aux idéaux de liberté qui sont défendus par les forces de progrès et dont les journalistes intègres se réclament. La question qu'il faut poser n'est pas de savoir si les journalistes, ceux notamment qui exercent dans les télévisions privées, seront à la hauteur de leur rôle ou pas dans la couverture des élections, mais pourquoi les instances et le gouvernement ont-ils si peur de ces mêmes journalistes face à un évènement politique dans lesquels les enjeux sont si grands. Comment peu-on réussir une élection si on musèle l'esprit critique et si on dénie au citoyen le droit de donner son avis ' C'est l'étrange pari que veut gagner Grine en se radicalisant dans une entreprise qui s'annonce suicidaire parce qu'elle piétine d'abord les lois de ce pays, et de surcroit ne respecte pas les attributions des institutions compétentes en la matière comme l'ARAV écartée du jeu comme si elle n'existait pas.


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