Les problèmes politiques, dit-on, sont les problèmes de tout le monde et les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques. Faire bouger une société comme la nôtre, cela signifie qu'il conviendrait de remplacer l'actuel modèle politique centralisateur par un autre plus flexible, plus tolérant, fondé sur la négociation pour sa réelle modernisation. Confronté à un environnement international implacable qui impose un monde dominé par un besoin permanent d'innovation - mondialisation oblige -, le système algérien n'a d'autre alternative que de procéder à son innovation, ou tout au moins à une réforme en profondeur de son éthique politique et non seulement la révision cyclique de la Constitution. Pour ce faire, il faut un Etat de droit où la séparation des pouvoirs est réelle et non virtuelle. Une pareille innovation créera, sans nul doute, des conflits d'intérêts entre clans rivaux au pouvoir pour la sauvegarde des privilèges particuliers, voire des conflits de valeurs institutionnelles. Il est connu que tout changement dérange parce qu'il déroge aux règles habituelles. L'innovation politique est une des valeurs qui a permis à l'Occident d'acquérir son actuel niveau de développement. Le G8, aujourd'hui, gère le monde et le nourrit. L'Union européenne ne cesse de s'étendre. Passant de six pays, elle se trouve actuellement à vingt-sept et la liste n'est pas encore fermée. Ces pays n'ont rien de commun, ni la langue, ni la culture si ce n'est un commun dénominateur et... pas des moindres: la flexibilité des systèmes qui s'adaptent au temps et aux besoins des générations. Ces systèmes politiques ont compris que l'innovation est source de créativité et donc de richesse. Pour les régimes arabes, qui souffrent «d'arthrose politique endémique», toute innovation est une menace pour leurs systèmes allant à vau-l'eau. La résistance à toute réforme politique est due à la phobie proverbiale de nos chefs d'un véritable délire social pour la démocratie, l'équité et la justice sociale qui seraient la cause de leur perte. Pourtant, ces trois éléments ne peuvent poindre à nos horizons que si certaines conditions requises sont réunies : a/Une volonté politique clairement et sincèrement affichée. b/L'implication des intellectuels dans la prise de décisions nationales et la gestion du pays pour qu'elles aient plus de crédit aux yeux du citoyen. Il y a, donc, urgence de revoir et corriger les rapports Pouvoir/Société, particulièrement Pouvoir/Intellectuels. Faute de quoi, toute réforme entreprise resterait inopérante parce que la crise de confiance est profonde. Par contre, si ces rapports s'améliorent, le système guérira de son «arthrose» et, du coup, toute la société recouvrera la mobilité de ses mouvements. Le processus du développement social, moral, culturel et même économique pourrait, alors, s'enclencher. Cependant, une pareille réforme est trop importante pour la laisser aux mains de quelques idéologues. Tous les acteurs sociaux doivent s'impliquer tels que les institutions civiles et militaires, les médias, les intellectuels parce qu'elle touche, à la fois, l'Etat et la Nation. Pour que cette réforme soit effective, il faut qu'elle soit aussi affective, c'est-à-dire souhaitée par l'ensemble des membres de la société. Vu les promesses politiques non tenues, les enquêtes nationales non abouties, il est difficile au Pouvoir de se frayer un chemin vers les c?"urs des citoyens. Pourtant, cette réforme est non seulement nécessaire mais indispensable, faute de quoi le conformisme persistera à l'avantage des conservateurs et ralentira, sinon freinera l'enthousiasme conscient et rationnel qui permet à la société de garder un filon d'espoir, aussi ténu soit-il. Conscient, car notre participation collective à cette réforme peut lui donner un sens civique. Rationnel, parce qu'à partir de la rationalité, on peut échapper à l'esprit grégaire. L'action devient, ainsi, personnalisée et réfléchie et non coercitive et/ou spontanée. Cette réforme n'incombe pas aux seuls politiques. Le citoyen doit aussi davantage s'impliquer par son comportement civique au quotidien. Ainsi, la participation active ne se concrétise que si ce dernier (citoyen) se sent délibérément concerné et le Pouvoir plus respectueux des Droits de l'homme et du citoyen. C'est le début de l'évolution sociale. Le pessimisme, quasi général, finit par se dissiper de lui-même puisque plus rien ne le justifie. Par contre, si le défaitisme continue à ronger la société, il freine son évolution et devient facteur de blocage au grand dam de la Nation. Le danger qui émane du Pouvoir provient de son refus à un réel «Infitah» démocratique et de tenter d'autres expériences qui ont donné des résultats concluants sous d'autres cieux. Il est clair que si on ne peut pas faire du neuf avec du vieux, on ne peut pas, non plus, faire du nouveau (système) avec de l'ancien (hommes au pouvoir). Le creuset dirigeants/citoyens est abyssal. Les responsables locaux et centraux (walis, ministres...) ne vont presque jamais à la rencontre de leurs compatriotes pour écouter leurs doléances et trouver ensemble des solutions appropriées aux problèmes posés. Ainsi, comme son nom l'indique, l'innovation exige de nouvelles règles du jeu adaptées au besoin du temps et de la société. Pour ce faire, il faut des hommes nouveaux, des pratiques politiques nouvelles et, particulièrement, une éthique politique nouvelle. Peut-on garder espoir ou... doit-on attendre leur extinction totale à l'instar des dinosaures ?
*Docteur ès lettres Université de Chlef
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Posté Le : 02/08/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Guétarni*
Source : www.lequotidien-oran.com