Algérie

L'Etat veut reprendre en main la distribution du ciment



Un nouveau schéma de distribution du ciment est en train d'être dessiné par les autorités publiques, en vue de réglementer un circuit dont les intervenants échappent totalement à l'Etat.

Distribué par des entreprises publiques à l'exemple de l'Edimco (Entreprise de distribution des matériaux de construction), faisant partie aujourd'hui de l'histoire ancienne, le ciment a permis à un grand nombre d'intervenants privés sur le marché de s'enrichir en dehors de toute légalité et de toute éthique. Présente dans plusieurs régions du pays, l'industrie du ciment est passée par des péripéties qui ont failli provoquer sa disparition du pays. Elle n'en est pas, en tout cas, sortie indemne. Elle a été phagocytée par l'effet de décisions tout autant absurdes que celles qui ont poussé à l'initiation des dispositions de la loi de finances complémentaire pour 2009 par lesquelles, les responsables cherchent à réguler un marché qu'ils ont eux-mêmes dérégulé d'une manière débridée par la force de la loi. Il n'est pas dit que la distribution du ciment par un circuit étatique n'a pas échappé aux interventions intempestives de ce qui s'apparentait à un « qui de droit », qui ne s'encombrait aucunement de droit dans le sens réglementaire du terme. Mais les acteurs actuels de cette industrie reconnaissent qu'« il y avait quand même moins de désordre, de passe-droits et de corruption qu'il en est aujourd'hui ». L'on estime que dans chaque région où il y a une cimenterie, « ce sont les trois quarts de la population qui détiennent un registre de commerce pour la distribution de ce produit ». Si le comptage des intervenants sur ce marché juteux est quelque peu exagéré, il relate si tant est besoin, l'ampleur de la débandade qui sévit dans ce domaine. Ceci, depuis que l'Etat a décidé d'ouvrir le marché et laisser faire sa distribution par les soins du privé sans, souligne des responsables, «qu'il ne soit établi des règles précises de vente, d'achat et de concurrence». En cas de refus de céder aux pressions externes exercées sur eux, «les gestionnaires de cette industrie sont souvent mis à l'index. Dans le cas où ils refusent de satisfaire les requêtes des revendeurs, ils deviennent la cible de coups bas à n'en pas finir», affirment leurs proches collaborateurs. «Ils reçoivent même des menaces et parfois font l'objet de règlement de comptes abjects», expliquent-ils avec amertume.

 Spéculation, marchandage et autre chicane minent le marché de la distribution du ciment. Ce qui étonne le plus, cependant, c'est, relève ce gestionnaire, « les pénuries qui se déclarent pour, en final, faire augmenter les prix du sac ». Son interrogation « c'est de savoir comment les spéculateurs peuvent stocker du ciment pour les effets de la spéculation quand on sait que ce produit est périssable ?».



Un nouveau circuit de distribution du ciment

 

 Et pourtant, «le marché, affirme-t-on, a toujours bien répondu à ce genre de pratiques pour conformer ses cours aux niveaux fixés par les soins de certains intervenants véreux». Autre interrogation du même interlocuteur « pourquoi l'Etat a refusé d'importer du ciment comme il l'avait décidé, pour casser les prix et réguler le marché ?». Hier, l'on nous disait quand même que «l'opération suit son cours et le ciment va arriver ».

 Mais ce qui semble être véritablement en marche, c'est l'option retenue par les décideurs pour casser le réseau des revendeurs privés et créer un circuit de distribution public qui retiendrait quelques privés « honnêtes ». En fait, il s'agit, selon certains responsables, de réanimer l'ancien circuit éclaté par des ambitions politiques de libéralisation économique mal pensée. L'idée d'une reprise en main de la distribution du ciment par l'Etat gagne du terrain. « Ses échos retentissent sur le marché puisque nous savons que des revendeurs malintentionnés tentent d'imputer à certains responsables des transactions commerciales qu'ils disent illicites alors qu'elles ont été effectuées dans la légalité et la transparence absolues », soutiennent nos interlocuteurs. La partie n'est pas aisée. Elle oblige, en premier, à un assainissement du fichier de revendeurs activant dans un circuit où l'Etat peine à se faire une place. Ce retour à un schéma de distribution étatique, appuyée par le privé, a été inauguré par le ministère de l'Agriculture et du développement rural, qui vient de créer ses propres marchés où les produits agricoles sont vendus à des prix très concurrentiels. Rachid Benaïssa, le ministre de tutelle, avait même, dans un passé récent, évoqué la récupération des aires de stockage, comme celles de l'ONAPSA ou de l'OFLA.



Le gouvernement efface tout et recommence



 Fermés depuis de longues années, ces deux offices sont eux aussi tombés en désuétude sous le coup d'une décision politique de privatisation qui n'a jamais abouti. Aujourd'hui, le gouvernement efface tout et recommence en tentant de récupérer ce qui pourrait encore l'être. «Pourquoi pas quand on peut le faire ?», interroge un ministre sans se soucier un seul moment des lourds dégâts occasionnés par une telle inconscience. Et ce qu'il refuse de reconnaître c'est, comme le soulignent des gestionnaires, « le pouvoir politique continue de faire dans l'erreur, il n'évalue aucune décision avant de la prendre, il lui importe peu de savoir comment ça va se faire et comment ça va finir». La création de sociétés étrangères spécialisées dans le contrôle des importations avant leur expédition (SIE) en est, disent-il, l'exemple parmi tant d'autres nombreux tout autant irréfléchis. Ils notent que « si l'OMC suggère leur création, il ne faut pas oublier que cette organisation plaide pour la liberté totale du commerce même dans les pays qui ne sont pas outillés pour». L'on évoque un Conseil des ministres tenu l'année dernière durant lequel le chef de l'Etat s'est enquit de la faisabilité du plan de modernisation des services douaniers. «A aucun moment, il n'était question de permettre aux SIE d'intervenir dans le contrôle des importations. On aimerait bien savoir que s'est-il alors passé entre-temps ? Si l'on pense régler ainsi le problème de la corruption, ils se trompent de thérapie», estiment des douaniers loin d'être convaincus par les motifs évoqués dans le communiqué de leur direction générale justifiant la création des SIE. Un audit des Douanes algériennes a aussi été mené en 2000 par une mission du FMI. «Il nous a été demandé de consolider le plan de modernisation de l'institution, sans plus», affirment ces cadres. L'on rappelle pour les besoins de l'histoire que le directeur de l'informatique des Douanes a été assassiné en 1994. «Abdallah Moussouni venait d'être nommé à ce poste et commençait la modernisation de la douane», a tenu à souligner un ancien cadre des Douanes.




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