«L'état de santé de Bouteflika est source d'incertitudes»

Le docteur Geoff D. Porter est le fondateur et manager du cabinet de consulting sur les risques en Afrique du Nord (North Africa Risk Consulting). Il conseille notamment les firmes multinationales ainsi que les différentes agences du gouvernement américain sur les questions politiques et sécuritaires dans les pays nord-africains. Il donne quelques éclairages sur la visite de John Kerry et le rôle de l'Algérie dans la région, tel qu'il est souhaité à Washington.-D'abord, quel est votre commentaire sur la visite, demain à Alger, du secrétaire d'Etat américain, qui intervient en pleine compagne présidentielle en Algérie. Est-ce un «cadeau» US pour le 4e mandat de Bouteflika 'Le secrétaire d'Etat John Kerry effectue ce voyage en Algérie pour participer à la deuxième session du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et l'Algérie. Les deux parties devront discuter et échanger sur des sujets d'intérêt mutuel. Il est vrai que cette importante réunion devait avoir lieu en novembre dernier, mais elle a dû être reportée. Il est vrai que le timing de cette visite a généré beaucoup de commentaires et de spéculations du fait qu'elle intervient à trois semaines de l'élection présidentielle en Algérie. Pour autant, si cette rencontre avait eu lieu à la première date, il n'y aurait jamais eu toutes ces spéculations politiciennes.-Les Etats-Unis ont-ils intérêt à ce que Bouteflika reste au pouvoir en Algérie malgré son état de santé, au nom de la «stabilité» 'Pour les Etats-Unis, l'Algérie est un partenaire incontournable en Afrique du Nord. Mais ils n'ont pas spécialement de préférence quant aux résultats de l'élection présidentielle. Le plus important pour les Etats-Unis est leur désir de voir les Algériens choisir de manière libre et régulière et de sentir qu'ils jouissent de l'opportunité de faire entendre leurs aspirations politiques.Il va de soi que, via cette élection, les Algériens devraient avoir la sensation d'avoir jeté un autre jalon du processus politique. Je crois en revanche qu'il est un peu difficile d'imbriquer la réélection de M. Bouteflika et la stabilité de l'Algérie. D'un côté, s'il est réélu, cela voudrait dire qu'il y aura une continuité de sa politique. De l'autre, son état de santé, encore sujet à polémique, va sûrement continuer à être source d'incertitudes.-Il est connu que les démocrates sont plus regardants sur les questions de démocratie, de respect des droits de l'homme et des libertés. Pensez-vous que John Kerry transmettra des messages dans ce sens à ses interlocuteurs algériens 'Il n'y a aucun doute que le secrétaire Kerry insistera sur le respect des droits de l'homme en Algérie. C'est là une préoccupation constante dans ses engagements diplomatiques.-Comment, d'après vous, les Etats-Unis conçoivent-ils le rôle de l'Algérie dans la géopolitique du Maghreb et du Sahel 'Ce qui est clair est que les Etats-Unis sont très engagés dans leur relation avec l'Algérie. L'Administration américaine sait que les pays qui entourent l'Algérie sont tous engagés dans des transitions politiques. Qu'il s'agisse de la Libye, de la Tunisie ou du Mali, tous ces pays suivent des trajectoires politiques incertaines. Les Etats-Unis peuvent évidemment aider ces trois pays et les assister pour qu'ils puissent s'en sortir et réussir leurs transitions démocratiques. Ils savent également qu'ils pourront compter sur l'Algérie pour servir de rocher face à une mer agitée. De par sa superficie qui fait d'elle le plus grand pays du Maghreb et d'Afrique, le second pays le plus peuplé du Monde arabe, l'Algérie dispose d'un potentiel lui permettant d'être extrêmement influente. Il est tout à fait compréhensible que durant cette élection présidentielle, l'Algérie concentre tout son intérêt sur ses affaires internes. Mais aussitôt après cette échéance politique, l'Algérie pourra jouer un rôle plus actif au niveau régional.