Algérie

«L'Etat a toujours été un piètre gestionnaire»Hocine Amer Yahia. Expert en entreprises



«L'Etat a toujours été un piètre gestionnaire»Hocine Amer Yahia. Expert en entreprises
-L'Etat nationalise et veut exercer son droit de préemption sur certaines entreprises. Existe-t-il un intérêt économique derrière cette démarche 'Aucun intérêt, ni politique ni social et encore moins économique, car cela ne découle d'aucune stratégie murement réfléchie. D'ailleurs, les activités que vous citez relèvent du domaine concurrentiel, elles ne revêtent pas un caractère stratégique comme le seraient les hydrocarbures ou le nucléaire. Oui, l'Etat aurait eu raison d'intervenir s'il s'agissait d'entreprises en voie de faillite afin de les redresser et les remettre ensuite sur le marché selon la formule bien connue de «nationalisation-dénationalisation».
Mais on est encore loin de cet état d'esprit qui devrait conduire les affaires économiques du pays. L'Etat aurait dû reprendre Khalifa et aurait ainsi sauvegardé des milliers d'emplois et un transport aérien des plus performants. Ce travers lui a quand même servi de leçon en reprenant Tonic Emballage mais sans plus, sans aller loin dans la logique du redressement. Je pense que cela a été fait dans le cadre d'une logique fermée, sans vision, uniquement par rapport au principe de la formule bête et méchante des 49/51%. On aurait dû, pour briser bien des tabous, encourager le privé national, résident ou non résident, les quelques capitaines de l'industrie que nous avons, à intervenir dans le processus d'accumulation du capital. Or, outre le coût que de tels scénarios de reprise par l'Etat, par l'entremise d'entreprises publiques, peuvent faire subir au trésor public, cela déteint sur l'image de marque du pays et envoie un mauvais signal aux investisseurs potentiels. L'instabilité chronique du droit des affaires est la pire des choses qui puisse arriver à un pays.
-Cela signifie-t-il que la question de la privatisation est complètement abandonnée, ou est-ce juste une conjoncture '
Oui, ce n'est qu'une conjoncture, la crise économique mondiale aidant, qui fait qu'aujourd'hui la privatisation est devenue taboue chez nous. On lui préfère le partenariat, le mariage forcé, tout en maintenant à l'entreprise son statut d'entreprise publique en vertu du principe qui la définit comme celle dont l'Etat détient plus de 50% du capital. Et la boucle est bouclée, car comme chacun le sait, l'entreprise publique n'est pas maîtresse de sa gestion ni de son sort, quelles que soient par ailleurs les instructions que l'on peut donner ou les changements juridiques que l'on peut introduire pour la doter d'une autonomie. L'Etat en demeure en dernier ressort le propriétaire, et on connaît la suite.
-Pensez-vous que le cas de ces entreprises pourrait engendrer d'autres démarches similaires dans d'autres secteurs '
Non, je ne pense pas, car il n'y a plus grand-chose à se mettre sous la dent. L'imbécillité de la chose revient à la fameuse formule 49/51% appliquée tous azimuts, sans discernement, pendant que d'autres pays déroulent le tapis rouge y compris pour les délocalisations et investissents à l'étranger. Savez-vous que nous n'avons même pas de délégations économiques à l'étranger ' Je crois que notre pays est en train de rater de nombreuses occasions de faire un saut dans l'avenir. On est en train de gérer notre économie comme le ferait une vieille arrière-grand-mère, sans prendre de risques. On se préoccupe plus du moment que de l'avenir, tout en nous gargarisant de notre fonds factice de régulation des recettes plein à craquer et de sa contrepartie en réserves de change.
-Entre la règle du 51/49, la renationalisation et le rachat, sommes-nous en train de revenir au tout-public '
On ne s'imagine pas assez les conséquences liées à la disposition des 49/51% qui semble aujourd'hui régir dans ses fondements toute l'économie nationale. Certes, la loi n'est pas rétroactive, mais tout investisseur étranger qui viendrait s'intéresser au rachat d'une entreprise de droit algérien tombe de facto sous son coup, assorti de plus d'un droit de préemption qu'on laisse à l'initiative d'une administration de lever ou d'exercer. Il est vrai que cette formule ne s'applique pas aux algériens résidents. Il nous est donné par ailleurs de constater que les rares Algériens qui ont les capacités de racheter de grosses boîtes, et qui se comptent pourtant sur les doigts d'une seule main, n'ont pas, pour des raisons inavouées, ce privilège. Nous sommes toujours à l'ère de la propriété non exploiteuse, bannie pourtant ailleurs à l'ère de la mondialisation. Mais ce n'est pas la seule raison et il ne convient pas d'en exposer ici les vrais tenants et aboutissants.
Contentons-nous de dire que l'Algérie se veut légaliste en jouant à l'excès au juridisme. Je ne sais pas si cette position rigide de la formule 49/51% est la bonne, appliquée sans discernement de secteurs, applicable même à des TPE, est de nature à contribuer au développement de notre pays. D'ailleurs, chez nous, c'est le tout-systématique qui prime, si ce n'est pas blanc c'est noir. Chacun sait que le tout-public est contreproductif. Il n'a pas fait ses preuves. De plus, il ne peut pas réussir dans un monde aujourd'hui globalisé, sans frontières économiques. L'expression selon laquelle «je rachète Sider pour sauvegarder des emplois» relève d'une ère révolue. L'économie ne peut se développer que par la concurrence et la compétition. Sans cela, et par la gestion de l'Etat, on retombe forcément dans des voies sans issues, le gaspillage d'un côté et la pénurie de l'autre. L'Etat a toujours été un piètre gestionnaire, il ne peut en être autrement. On devrait donc laisser la nature jouer son rôle, tout en reconnaissant à l'Etat un rôle de stratège et de régulateur.


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