Le général Ould
Abdelaziz a remporté les élections présidentielles, une année après avoir pris
le pouvoir par le biais d'un coup d'état: la parenthèse démocratique s'est
refermée en Mauritanie.
L'erreur mauritanienne
a été réparée. Le général Mohamed Ould Abdelaziz peut s'en montrer fier. Il
peut, d'ores et déjà, recevoir, les félicitations de ses pairs africains et
arabes. Sa victoire aux élections présidentielles, organisées samedi dernier en
Mauritanie, a en effet mis fin à ce qui apparaissait comme une aberration en
Afrique et dans le monde arabe. La consécration par les urnes d'un homme qui a
pris le pouvoir par la force s'apparente, de ce point de vue, à un retour aux
normes de ce que doit être la vie politique dans ces contrées. Car en Afrique
comme dans le monde arabe, la force dicte la loi, et non l'inverse. L'armée
désigne le chef de l'état, et la constitution le consacre.
L'Å“uvre du général Ould Abdelaziz est
historique, au sens premier du mot. Il a réussi l'exploit de détruire une
expérience de transition démocratique plus ou moins réussie. Une transition,
rappelons-le, engagée il y a quatre ans par des militaires, menée de manière
pragmatique et intelligente, et couronnée il y a deux ans par une élection
présidentielle démocratique acceptable. Quelques rappels s'imposent. En 2005,
la Mauritanie subit un coup d'état. C'est la seule forme de changement de
dirigeants que connaît ce pays depuis son indépendance. Mouauoia Ould Sid-Ahmed
Taya est destitué, après une vingtaine d'années de pouvoir inutile. Une junte
militaire s'installe au pouvoir. Elle promet des élections libres dans un délai
de deux ans. Les membres de la junte affirment qu'ils ne pourront se présenter
à cette élection. L'annonce est accueillie avec scepticisme. Tous les
dictateurs promettent la démocratie pour se faire accepter. Ils jurent tous que
le pouvoir ne les intéresse pas. Le discours est connu, et n'a aucun crédit. On
pense alors que l'Afrique compte un dictateur de plus, après un coup d'état de
plus. Ce qui n'a guère d'importance.
Mais le nouveau pouvoir, dirigé par le
colonel Ely Ould Mohamed Vall, crée une véritable surprise dans sa manière de
gérer la transition. Il évite la répression, noue le contact avec différents
courants politiques pour obtenir un consensus, et libère des prisonniers
politiques sans en faire de nouveaux. Il refuse de trancher sur certains grands
dossiers, estimant qu'il n'a pas la légitimité nécessaire pour le faire. Au
bout d'une année, il organise des élections municipales, qui se déroulent dans
de bonnes conditions. C'est un test sérieux pour vérifier si la Mauritanie est
en mesure de tenir le choc d'une élection présidentielle. Le pragmatisme de
colonel Ely Ould Mohamed Vall séduit. Il apparaît que l'homme a une véritable
démarche politique. Il gagne en crédit, à l'extérieur, à mesure que les
chancelleries découvrent son épaisseur politique. Il continue ses consultations
politiques, jusqu'aux présidentielles, qui se déroulent elles aussi dans de
bonnes conditions. Certes, certains opposants l'accusent d'avoir favorisé le
vainqueur. Mais Ould Mohamed Vall a gagné son pari. Il a organisé formellement
une transition sans violence, et a quitté le pouvoir dans les délais fixés.
C'est une grande innovation en Afrique et dans le monde arabe, saluée par tous
les militants de la démocratie. A l'inverse, le succès de l'expérience
mauritanienne avait été accueilli avec méfiance dans la plupart des capitales
africaines et arabes. Comment un pays aussi pauvre que la Mauritanie, sans
ressources, vivant sous perfusion, dépendant largement de l'aide
internationale, peut-il aller à la démocratie au risque de devenir un modèle?
Même s'ils ne pouvaient l'exprimer publiquement, les clubs des chefs d'Etats
africains et arabes ne pouvaient guère se satisfaire de cette situation.
Le leader libyen Mouammar Kadhafi ne s'est
pas privé de dire tout haut ce que ses pairs arabes et africains pensaient tout
bas. En visite en Mauritanie pour tenter une médiation entre le président déchu
Sidi Ould Cheikh Abdallah, et le général Mohamed Ould Abdelaziz qui l'a
renversé, M. Kadhafi a tout simplement affirmé que la démocratie ne convient
pas à l'Afrique. Sa sympathie allait évidemment au militaire auteur du coup
d'état, que le dirigeant libyen a abreuvé de conseils sur la manière de diriger
son pays. Dans quelques années, ou dans quelques semaines, M. Ould Abdelaziz commencera
une nouvelle vie, consacrée pour l'essentiel à traquer les militaires qui
seraient tentés de le chasser du pouvoir. Peut-être se maintiendra-t-il au
pouvoir aussi longtemps que M. Kadhafi. Mais il restera dans l'histoire de son
pays comme l'homme qui a mis fin à l'exception mauritanienne. Pour une fois que
ce pays a réussi quelque chose d'original, voilà un militaire qui y met fin. A
contrario, M. Ould Vall restera dans l'histoire comme le seul militaire qui a
pris le pouvoir pour le restituer au peuple. Il n'a obtenu que quatre pour cent
des voix aux élections de samedi dernier. Mais ces quatre pour cent valent
beaucoup plus que les 52 pour cent dont se targue M. Ould Abdelaziz. Car M.
Vall s'est imposé par la force pour rétablir la loi, alors que le général Ould
Abdelaziz a utilisé la force pour imposer sa loi.
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Posté Le : 23/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com