Algérie

L'équipe nationale algérienne de football et le patriotisme



1- Non l'équipe nationale algérienne n'a pas démérité! Et quel que soit le résultat, le vendredi 18 juin 2010, elle aura réalisé ce qu'aucun gouvernement, depuis des décennies, n'a réussi: réconcilier les Algériens avec eux-mêmes. Jamais de mémoire, depuis l'indépendance politique, une fièvre de liesse populaire, en faveur du drapeau national, des immeubles, des maisons, des voitures, bus et camions décorés de drapeaux, n'a eu lieu. Et ce, de l'Est à l'Ouest et du Centre au Sud, tant au moment de la sélection que lors du déroulement de la Coupe du monde, en Afrique du Sud. Qu'elles sont belles ces petites filles et qu'ils sont beaux ces petits garçons, innocents et sans calculs monétaires, habillés du drapeau Algérie! Jamais, même pendant les fêtes de l'indépendance, on n'a vu cela; fête, ces dernières années, passée presque inaperçue auprès de la population, les autorités d'un côté et la population de l'autre. Cela ne signifie pas que les Algériens n'accordent pas une importance à cette importante fête mais qu'ils la fêtent à leur manière, la plus sûre et la plus sincère dans le cÅ“ur. Et en cet après-midi, au moment de la défaite contre la Slovénie, comment ne pas contempler avec tristesse, ces enfants, ces adultes, femmes et hommes, larmes aux yeux de toutes les régions du pays, tout en espérant pour le 18 juin!

 2- Ainsi, l'Algérie se trouve réconciliée avec elle-même grâce à cette jeunesse qui renoue avec celle de 1962 (le même âge bien que l'Algérie soit indépendante depuis plus de 47 ans) qui avait fêté l'indépendance nationale ou celle de la guerre de Libération nationale en brandissant, avec fierté également, le drapeau Algérie. L'équipe nationale réconcilie également l'Algérie avec sa communauté émigrée puisque plus de 90% sont constitués d'émigrés, montrant qu'un Algérien qu'il soit sportif, intellectuel ou opérateur économique, évoluant dans un autre environnement, loin des tracasseries bureaucratiques, s'épanouit. On ne peut faire revenir les «génies», il ne faut pas se tromper de cibles, que si on améliore d'abord le sort de ceux qui sont sur place pour éviter également leur départ, et ce, par leur revalorisation et surtout par la considération supposant un renversement des échelles de valeurs reposant sur l'intelligence et non sur les rentes. Hélas, les pratiques sociales contredisent souvent, les discours si nobles soient-ils. Lié à ce processus de développement indissociable, pour bénéficier véritablement de son intégration au marché international, le football algérien doit absolument construire un modèle économique dont la professionnalisation lui permettant de conserver ses meilleurs joueurs plus longtemps, supposant des mécanismes de régulation qui arbitrent de manière plus équilibrée, entre recherche du profit et les aléas des compétitions.  

3- Cette mobilisation citoyenne est donc sans pareille, que les autorités devraient méditer avec une extrême attention, au lieu de se contenter d'une distribution passive de la rente des hydrocarbures, pour une paix sociale éphémère, car ne relevant pas d'une bonne politique socio-économique, hors rente, ni d'une bonne gouvernance, partage, de surcroît, inégalitaire, comme en témoignent les enrichissements sans efforts et la course aux rentes. Eh oui! Qui a dit que les Algériens n'aimaient pas leurs pays puisque la leçon vient de jeunes qui donnent des leçons aux adultes! Or, la leçon que l'on peut tirer de ces déclarations de jeunes, sans arrière-pensées, est que ce serait une grave erreur politique de certains partis politiques ou responsables en mal de publicité, de faire de cette mobilisation spontanée une adhésion à leur politique; et s'il y a eu cette immense mobilisation, c'est que le politique est hors jeu. Car, selon l'adage: l'espoir fait vivre, la majorité des Algériens s'attachent, faute de mieux, avec la détérioration de leur niveau de vie sur le plan socio-économique, à des signes d'espoir et que la leçon des harraga témoigne d'une situation de désespoir que certains responsables malveillants tentent de banaliser, alors qu'ils constituent un social profond. Aussi, comment ne pas penser, donc, à l'avenir de cette jeunesse car l'Algérie dans 25 ans, c'est-à- dire demain, avec une population qui approchera les 50 millions d'habitants, avec l'épuisement des ressources en hydrocarbures, l'âge moyen de nos filles et garçons d'environ 20 ans en juin 2010 , sera de 40 ans et entre temps ayant une exigence, comme tout Algérien, d'avoir un emploi, un logement, se marier, avoir des enfants, donc une demande sociale croissante, donc une obligation, supposant de préparer l'ère de l'après-pétrole pour les générations futures.

4- Après l'euphorie sportive, la majorité de la population algérienne sera donc, à nouveau, confrontée à la dure réalité économique et sociale; c'est dire le niveau de leur pouvoir d'achat et le gouvernement de trouver des solutions adéquates pour un développement durable. On ne peut isoler le sport d'une vision d'ensemble. Les joueurs dont la majorité sont des émigrés, retourneront à l'étranger, et où est donc cette équipe locale témoignant de l'échec de la politique sportive, malgré des sommes folles dépensées, ayant favorisé, comme pour d'autres secteurs, le départ de l'élite qui est à l'étranger? Pourtant, au vu de cette immense énergie de la population, l'Algérie a toutes les potentialités pour devenir un pays pivot et relever les défis du développement face à la mondialisation, en ce monde en perpétuel mouvement, impitoyable, où toute nation qui n'avance pas recule. Le patriotisme économique ne saurait s'assimiler au tout Etat bureaucratique, des années 1970, car dans des pays où dominent la propriété privée, pour ne citer que quelques uns, comme les USA, la France, l'Espagne, l'Italie, la Corée du Sud, l'Afrique du Sud,… les citoyens sont fiers d'être Américains, Français, Allemands, Espagnols, Italiens, Sud-Coréens ou Sud-Africains. Cependant pour éviter les effets pervers du marché, comme le montre la crise mondiale actuelle, il y a urgence d'un rôle plus accru de l'Etat régulateur, différence de taille pour toute politique économique fiable, devant tenir compte de cette dure réalité, celle d'une économie, de plus en plus, globalisée, déplorant qu'aucun débat public sérieux n'ait eu lieu sur le futur rôle de l'Etat en Algérie; débat indispensable pour éclairer la future politique économique et sociale.

5- En résumé, remercions vivement l'équipe nationale pour ce renouveau d'espoir qu'elle a suscité au profit exclusif de l'Algérie et quel que soit le résultat des matchs prochains avec l'Angleterre et les Etats-Unis d'Amérique, en souhaitant qu'ils se dérouleront, dans la sérénité et l'esprit sportif qui a toujours animé notre équipe nationale. Car, la leçon principale que l'on puisse tirer est que la population algérienne, d'une manière générale et notre jeunesse d'une manière particulière (70% de la population) sont capables de miracles pour peu que on leur tienne un discours de vérité grâce à une nouvelle communication et une gouvernance rénovée, et ce, grâce à une mobilisation citoyenne, condition pour le développement de l'Algérie, cette jeunesse dynamique bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures. Car, le véritable patriotisme se mesurera, à l'avenir, par la contribution de chaque Algérien à l'accroissement de sa participation à la valeur ajoutée mondiale et aux gouvernants, une moralité sans faille. En fait, la population algérienne, à travers cette mobilisation unique depuis l'indépendance, demande plus de liberté, plus de justice sociale, récompensant le travail et l'intelligence et non les rentes en contrepartie de soumissions de clientèles, en un mot, un Etat de droit et la démocratie sans renier ses valeurs culturelles. Car face à des mesures autoritaires bureaucratiques centralisées, sans adhésion et concertation, l'autosatisfaction, source de névrose collective, la faiblesse des contrepoids politiques et économiques, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner dans un Etat de non droit. Or, seuls le dialogue permanent, le respect du contrat gouvernants-gouvernés, la réorientation de la politique socio-économique, conciliant l'efficacité économique et une profonde justice sociale, évitant ce manque de cohérence et de visibilité, permettront le dépassement du statu quo et de la crise multidimensionnelle, espérons-les passagers, qui caractérisent actuellement l'Algérie.

 * Expert international. Professeur d'université en management stratégique - Economiste










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