Algérie

L'époque des dictateurs fatigués de leurs peuples



L'info fait fureur dans le pays auprès du peuple: Kadhafi adécidé de distribuer l'argent du pétrole directement du puits à la poche dechacun. A côté, la polémique sur la repentance française et l'exemple du chèqueitalien pour se dédommager de la colonisation de la Libye, fait figure d'unediscussion sur la couleur d'une teinture de cheveux dans un douar qui brûle. Lepeuple, sa presse, ses pouvoirs minuscules, sa colère rentrée et le reste de saconception simpliste de l'économie et de la politique, décrypte chacun ladernière invention populiste du leader voisin, mélange indigène entre la Cité de Dieu, la République de Platon, leLivre vert et la nationalisation par le peuple. La question étant: peut-ondonner au peuple, individuellement, sa part d'argent pour qu'il en fasse cequ'il veut ? Oui, répond un dessin animé local: ainsi chacun pourra utiliser«son argent» soit pour s'offrir un pèlerinage, un visa, une troisième femme, ladémocratie, une école privée ou une voiture.

La distribution directe imposant une dissolution directedes services publics, comme le dit Kadhafi, source de corruption, de hogra et d'abus. Avec chacun son baril dans sa poche, leshommes d'un endroit anonyme peuvent s'organiser pour «monter» une APC ou ne pasle faire, recruter la police qui les sert le mieux, prendre la route ou enfabriquer une meilleure qui mène vraiment vers le mieux. Une sorte dedémocratie directe, absolument participative et sans intermédiaires d'Etat. LesAlgériens en rêvent depuis Ibn Tumart et ne parlentque de «ça» lorsqu'ils veulent médire de leur république.

Bien sûr, le peuple n'est charmé que par le populisme etpersonne n'ira faire démarrer son cerveau pour conclure que la formule Kadhafi,puits-pétrole-poche, est une arnaque. Elle suppose, commel'ont dit certains, des tuyaux transparents avec des compteurs de débithonnêtes pour que la quantité de pétrole extraite, puis vendue, soitl'équivalent de la quantité d'argent distribuée. Chose impossible dans les paysà la morale basse et à la religion susceptible. Cela suppose aussi, qu'on leveuille ou non, des administrations pour gérer l'argent de ce pétrole et ledistribuer. Cela suppose une qualité dans les services, l'éthique et le contratsocial. Et cela suppose que le peuple sache ce qu'il veut faire avec son argent(Omra, mosquées ou marcher sur la Lune ?).

Dans sa nouvelle vision, le leader voisin a été même trèsclair: la dissolution ne concerne ni le ministère de la Justice, ni celui des AE, nicelui de la Sécurité,ni celui de la Défense. Ala fin, on se demande ce qui reste au peuple à dissoudre, mis à part quelquescarcasses bureaucratiques si l'Etat garde le contrôle de ces ministères, lemonopole sur l'extraction du pétrole, sa vente et la comptabilité de sesbénéfices. On se demande même ce qui fera la différence entre un Etat pétrolierclassique et la nouvelle utopie genre «distributeur automatique» dont rêve la Libye.

A la fin, on finit par conclure que comme toutes lesutopies, il s'agit qu'une arnaque: le bon peuple «frère» est invité à sedébrouiller seul à l'intérieur d'un périmètre dont les portes, les fenêtres, lesaccès, l'argent et les grandes questions restent du domaine du gardien suprême.«Mangez-vous les uns les autres» est donc le slogan caché de ce populismetrompeur. Il y a là le signe d'une nouveauté dans les chapitres de l'histoiredes dictatures: après le dictateur visionnaire, celui violent et celui à vie, Kadhafiinvente la figure du «dictateur» fatigué de son peuple.




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