Algérie

L'épopée du corps malade contre le corps électoral



L'épopée du corps malade contre le corps électoral
Pour le bon peuple, l'affaire est claire : il y a du Tiguentourine à Alger. Quelqu'un qui ne voit que d'un seul ?il a pris en otage Abdelaziz Bouteflika, menace de nous tuer avec, de faire exploser le pays, exige une rançon, veut un avion pour partir, des garanties, a ouvert des négociations, a des hommes de pieds, des éclaireurs et des fidèles. C'est, selon le peuple du café, la seule explication aux images inquiétantes de l'actuel président, à demi conscient, éloigné de tout, exhibé comme un cachet humide vivant que l'on montre et montre encore depuis des jours à la télévision. Selon le bon peuple, il y a abus sur personne de troisième âge, falsification de signature, jeu sur le testament, flou chez le notaire. La prise d'otage montre des preuves de vie, pas la vie. Le vieil homme est promené comme s'il y avait déjà un kilomètre de distance entre son corps et son âge et comme pour faire peur, bloquer les transitions et faire accroire qu'il y a une vie sur la lune ou une vie après la mort.Car les images de ce Bouteflika deviennent choquantes : elles ne rassurent pas sur la santé d'un président mais inquiètent sur la santé mentale de ceux qui sont derrière. Si on en arrive à faire autant d'un malade proche, que pense-t-on pouvoir faire de tout un pays ' Cela veut dire qu'il n'y a plus aucun sentiment de pitié, pas un gramme de compassion, rien comme amour. Si le jeu de pouvoirs et la peur de l'avenir poussent à s'abriter derrière le dos voûté d'un homme diminué, cela veut dire qu'il y a affolement, entêtement, déni, panique, aveuglement et délire. Cela veut dire que le calcul politique a été poussé jusqu'à l'absurde et cela veut dire que le souci de soi, des siens, a dépassé l'échelle du souci de cette terre, des cimetières, martyrs, enfants à venir, puits et frontières.La question n'est plus celle de « est-ce qu'il va se représenter encore ' » mais celle de « qu'est-ce qu'il représente désormais ' ». Et c'est tout le drame de cette lutte molle et grecque entre deux corps : un corps électoral sans tête, jeune, vigoureux mais sans cervelle, piétinant, en sueur d'émeutes, gros ventre mais dent dure, sans yeux ni plaques de signalisation et qui veut grimper, manger et aller. Et, en face, l'autre corps, le corps élu, malade, avec une tête mais idée fixe, sans main, un bras, assis, morne, hébété, yeux fous. Les deux corps luttent, se tournent autour l'un l'autre, se regardent de biais et attendent que l'un des deux lâche et s'en va, abdique ou se plie et se soumet et obéit. Deux corps, mais pas d'amour, pas de noces, juste de la peur et du temps qui se perd.




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