Cette épidémie a déjà été signalée en Italie, en Grèce, en mer Rouge et même en Asie au début des années 2000, aux Baléares et au Liban en 2009, mais elle était jusque-là inconnue en Afrique du Nord.
L’an dernier, en automne également, nous rapportions des cas de mortalité inhabituels et inquiétants de mérous et de badaches observés près de la plage de Draouche (Berrihane, El Tarf) à proximité de l’implantation de la nouvelle centrale thermique et de la tête de pont du gazoduc Galsi (El Watan du 14 octobre 2011 et du 25 novembre 2011).
Les spécimens retrouvés encore vivants par les plongeurs et les pêcheurs présentaient des nécroses et nageaient de manière déséquilibrée. Un trouble grave qui conduit irrémédiablement à la mort.
Les analyses effectuées par le laboratoire Bioressources de l’université de Annaba n’avaient pas pu, à l’époque, permettre aux chercheurs d’être formels sur les causes de ce phénomène, mais par analogie avec des cas similaires, ils avaient de fortes présomptions sur une origine virale de l’affection.
Des analyses complémentaires devaient être effectuées à l’étranger. Depuis, l’on n’a pas cessé d’observer des cas semblables de mortalité et cet automne encore, de nombreux poissons morts ont été retrouvés plus à l’ouest sur la côte, de Skikda jusqu’à celle de Jijel (El Watan des 19 et 21 octobre et du 14 novembre 2012).
Des centaines d’individus auraient été retrouvés sans vie, flottant à la surface de l’eau, par des pêcheurs de Collo (Skikda).
Les pouvoirs publics, le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), se sont saisis de l’affaire mais les vétérinaires n’ont pu que prodiguer des conseils parfois inopportuns, comme celui de ne pas consommer les mérous affectés.
En effet, l’on pourrait croire que l’agent infectieux est dangereux pour l’homme alors que ce n’est pas le cas. Preuve en est que des pêcheurs arrivent à vendre les mérous récupérés encore vivants. Ce qu’il ne faut non plus prendre pour un encouragement.
Mais avec la publication, il y deux jours, dans la revue Journal of Fish Diseases, des résultats des travaux et analyses conjointement menés par le laboratoire Bioressources du professeur Kara Hichem de l’université de Annaba et un laboratoire français de pathologie et de biosécurité virales de l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses), il n’y a plus de doute. L’agent infectieux responsable de l’épidémie est bien un virus appelé betanodavirus. Il provoque une VER (acronyme anglais de encéphalopathie et rétinopathie virale).
Une telle épidémie a déjà été signalée en Italie, en Grèce, en mer Rouge et même en Asie au début des années 2000, aux Baléares et au Liban en 2009, mais elle était jusque-là inconnue en Afrique du Nord.
Parmi les individus analysés, certains présentent des lésions très visibles sur le corps, alors que d’autres ne portent aucune anomalie apparente et seraient par conséquent des porteurs sains, selon les scientifiques de l’université de Annaba que nous avons approchés.
Mais il y a plus grave encore: l’épidémie progresse vers l’ouest et menace d’éradiquer l’emblématique mérou brun de la Méditerranée, mais aussi les élevages aquacoles de loups et de dorades d’Azzefoun (Tizi Ouzou) et de Cap Djinet (Boumerdès).
En effet, des mérous affectés ont été retrouvés, vendredi dernier, sur la plage de Ramla à Dellys, non loin des cages flottantes d’Azzefoun où sont mis en élevage des loups et des dorades.
Et comme il est clairement établi que le betanodavirus de la VER est commun à ces trois espèces, une grave menace plane sur ces exploitations qui concentrent toute l’aquaculture algérienne digne de ce nom avec une production d’environ 1.500 tonnes par an.
Lors de la visite qu’il a effectuée à Annaba, mardi dernier, le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, en cherchant à rassurer les pêcheurs, a nié catégoriquement l’existence d’un quelconque virus qui aurait causé la mort de centaines de mérous.
Selon lui, ces poissons auraient ingéré une algue enivrante qui les aurait étourdis.
«Ils se sont shootés et sont morts d’une overdose», ont commenté des observateurs.
De telles contrevérités collectées sur les quais, dont semble se suffire le premier responsable du secteur, n’aident pas à œuvrer pour combattre l’épidémie dûment constatée et prouvée par de solides études scientifiques.
C’est dire, une fois encore, toute la considération dans laquelle les pouvoirs publics tiennent la communauté scientifique et les résultats de leurs travaux, qu’ils payent pourtant à prix d’or.
Rappelons pour terminer que le mérou brun, de son nom scientifique epinephelus marginatus, est en danger critique d’extinction, selon la liste rouge des espèces menacées en Méditerranée établie en 2011 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
A signaler encore que des études menées par le Parc national d’El Kala (El Tarf) et celui de Port-Cros (Var, France), dans les années 1980, ont montré que la côte d’El Kala est une immense frayère et une nursery de mérous d’où pourraient provenir tous ceux rencontrés dans le bassin occidental de la Méditerranée.
Les aquaculteurs méditerranéens se concertent à Rome:
Les principaux acteurs de l’aquaculture méditerranéenne se sont réunis à Rome, du 20 au 22 novembre, dans le cadre du projet Aquamed financé par le 7e programme-cadre de l’Union européenne dont l’objectif est d’identifier les priorités de la recherche pour une durabilité de l’activité aquacole en Méditerranée, à travers une plateforme de partenaires qui associe des chercheurs, des producteurs venant de 13 pays méditerranéens.
L’Algérie a été représentée par son point focal de l’université de Annaba et les deux promoteurs des fermes piscicoles d’Azzefoun et de Cap Djinet.
Slim Sadki
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Posté Le : 26/11/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: ; texte: Slim Sadki
Source : El Watan.com du lundi 26 novembre 2012