Algérie

L'ENTRETIEN DE LA SEMAINE



Entretien réalisé par Nadia Salemi
Le professeur Mansour Brouri, chef du service médecine interne à la clinique Arezki-Kehal rattachée à l'Etablissement public hospitalier (EPH) d'El-Biar, est très impliqué dans la question de la gériatrie. Il nous fait part, dans cet entretien, de son avis concernant la prise en charge des malades lourds et notamment les personnes âgées qui se trouvent souvent livrées à elles-mêmes et exclues du système de santé par manque de structures adéquates. Il signale l'absence totale de spécialisation dans la gériatrie faute de formation, malgré les promesses des pouvoirs publics.
Le Soir d'Algérie : Parlez-nous de la gériatrie et de ces structures qui devaient être mises en place pour prendre en charge les malades lourds et notamment les personnes du troisième âge '
Pr Brouri : Nous avons milité pour que la spécialité figure dans le cursus universitaire, qu'elle soit enseignée dans les facultés de médecine et qu'il y ait des personnels de la santé formés dans la prise en charge des personnes âgées parce qu'elles deviennent de plus en plus nombreuses et posent des problèmes assez spécifiques. Nous pensons donc qu'il y a une exigence de formation très particulière pour leur prise en charge. Malheureusement, il y a eu des intentions affichées par les pouvoirs publics pour leur prise en charge, mais jusqu'à maintenant, nous ne voyons rien venir. Aucune mesure n'a été décidée pour le moment. Il y a eu des réunions, des séminaires, comme la réunion avec l'ex-ministre française aux aînés qui est actuellement à la Santé, il y a eu également des propositions de formation à l'étranger, en France notamment, mais la concrétisation tarde à venir. C'est resté au stade des intentions. On lit dans la presse que des services de gériatrie vont être opérationnels en 2012, mais ce qui est étonnant, c'est qu'aucune disposition à cet effet n'a été prise et nous sommes au milieu de l'année ; alors on se pose des questions.
Les grands malades ont besoin de soins particuliers, qu'est-ce qu'on attend pour se pencher sur leur cas '
C'est malheureux de le dire, ce sont des gens qui souffrent, et ils sont de plus en plus nombreux à avoir besoin de prise en charge efficiente surtout pour ce qui est du troisième âge. Il faut le dire, beaucoup de services hospitaliers les refusent. Il est rare qu'on accepte l'hospitalisation des malades au-delà de 65 ans parce que ce sont des malades qui posent des problèmes, et comme il n'y a pas de services dédiés à la gériatrie, très souvent, ils sont exclus de notre système de soins. C'est ce qui est constaté tous les jours. Des malades âgés font le tour des hôpitaux pour trouver une place, en vain.
La situation semble être catastrophique, que faut-il faire à votre avis '
En fait, il y a un manque de structures pour ces cas particuliers alors que leur nombre ne cesse de croître. Ils sont pris en charge dans les urgences classiques, pour une courte durée, après, ils sont abandonnés à leur sort.
N'est-il pas temps de créer des services spécialisés dans la gériatrie '
Il y a quelques années, on a pensé qu'il fallait des hôpitaux de gériatrie, ce qui est une aberration, alors on a rectifié le tir et on s'est dit qu'il fallait créer des unités, lesquelles, à force d'activité et d'expérience, pourraient devenir à terme des services qui répondraient à la forte demande. Mais le gros problème réside dans la formation, et pour ce faire, il faut que l'ensemble des personnels de la santé soit concernés par la gériatrie, car la logique serait que la formation précède l'ouverture de ces unités. Le ministère de la Santé doit faire un choix : faut-il aller vers un service ou une unité et dans quelle spécialité ' Tout cela doit être défini, mais le premier palier reste la formation, et j'insiste là-dessus. On doit former des personnels de la santé, soit en les envoyant à l'étranger soit en faisant venir des formateurs pour encadrer des maître-assistant, des docents, des médecins dans différentes spécialités, car la gériatrie requiert un certain nombre de disciplines comme la médecine interne, la cardiologie, la neurologie, la psychiatrie, la rééducation fonctionnelle, etc. Il faut qu'on réfléchisse à établir la liste de l'ensemble des spécialités engagées dans le processus et concernées par la prise en charge ainsi que la manière de structurer les entités devant accueillir les malades qui ont souvent des pathologies multiples. Les personnes âgées sont exposées pratiquement à toutes les maladies, ce sont des patients qui ont souvent des insuffisances cardiaques, des pathologies vasculaires très graves comme les anévrismes artériels, des artériopathies des membres inférieurs qui aboutit à des amputations, en général chez nous, alors qu'ailleurs elles bénéficient de revascularisation, de dilatation qui leur permettent de sauver les membres. Il y a également les accidents vasculaires cérébraux qui sont très fréquents à partir de la cinquantaine et qui entraînent des déficits très graves ; le cancer qui n'arrête pas d'augmenter avec l'âge, les rhumatismes invalidants ; ce sont toutes ces pathologies chroniques qui s'installent avec l'âge, et souvent, un malade présente plusieurs de ces pathologies ; il y a également une altération des fonctions mentales et physiques qui peuvent aboutir à des démences, c'est pour cette raison que leur prise en charge nécessite une formation spécifique des personnels de la santé. A notre niveau, on s'interroge sur les intentions des autorités : va-t-on créer une unité dans un service de médecine interne, par exemple, autour de laquelle vont travailler les personnels spécialisés dans la gériatrie ' La question reste posée, il faut déterminer tout cela. Ce que je peux dire, c'est que les unités de prise en charge des personnes âgées doivent être créées le plus rapidement possible. La formation doit démarrer de toute urgence, c'est impératif.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)