Se prêtant au jeu des questions-réponses, l'écologiste Mohamed Reghia nous éclaire sur la relation de l'Homme avec l'eau, en précisant que chaque être humain a le devoir de préserver ce patrimoine.Il insistera sur le fait que vivre dans un environnement propre ne nécessite pas l'utilisation de quantités démentielles d'eau.Soirmagazine : Nous remarquons que la majorité des Algériennes ne peuvent effectuer leurs travaux ménagers sans utiliser l'eau en abondance. Comment expliquez-vous ces comportements 'Mohamed Reghia : A l'évidence, ce sont des comportements qui s'inscrivent dans un esprit de gaspillage. Et pourtant de tels gestes sont dans l'absolu rejetés. Cette contradiction relève en bonne partie des mauvais réflexes. Pour paraphraser Einstein, ne dit-on pas qu'il est plus facile de briser un atome que changer une habitude ' Quant à cette rage de laver, récurer en utilisant des quantités astronomiques d'eau relève beaucoup plus de la psychologie : c'est comme si on tentait de laver ses souillures internes. Cela nous rappelle étrangement cette folie qu'ont les Algériens, génération après génération de bâtir leur maison jusqu'à leur dernier souffle.Il est important de préciser que ces comportements sont relativement nouveaux. L'économie de l'eau faisait partie des gestes et faits de nos arrière-grands-parents. Pourquoi ' Eh bien tout simplement parce qu'à cette époque la société de consommation ne les a pas pollués.Aujourd'hui on consomme tout à outrance, on gaspille tout à outrance, et pourquoi pas l'eau ' Tout se fait dans la démesure, ce sont des références qui nous viennent des pays occidentaux. C'est donc toute la question du modèle de développement qui est à repenser. Nos aînés avaient une approche de vie diamétralement opposée, l'esprit de la «quanâa» en d'autres termes, se contenter de peu, guidait tous leurs comportements.Cette relation qu'a l'homme avec l'eau relèverait donc selon vous de la morale 'De la morale et de la spiritualité ! Pour ce qui est de la morale, tout le monde, apprend dès sa tendre enfance que «les gaspilleurs sont les frères des diables».Dans la dimension spirituelle, qu'on a depuis longtemps dévitalisée de notre société, on considérait le nutriment comme sacré. Le morceau de pain qui traîne dans les rues, était porté au front après avoir été embrassé. Des rivières, on ne prélevait que ce dont on avait besoin. Pour les ablutions, la cuisine, le ménage, l'eau était utilisée avec parcimonie.A La Casbah d'Alger par exemple, des règles strictes étaient observées dans ce sens par les habitants. Il ne faut pas oublier que l'eau à l'époque ne coulait pas dans les robinets, elle était charriée des puits et des sources. Mais depuis que la richesse déborde, l'Homme a perdu les pédales. On oublie que l'eau est un patrimoine naturel, et pas des moindres puisqu'il est synonyme de vie.Le coût de l'eau n'étant pas élevé, ne pensez-vous pas que c'est peut-être l'une des raisons du gaspillage 'Si on avait le courage de faire payer chèrement l'eau, sans faire dans le populisme, je pense que le consommateur fera plus attention à son usage. C'est comme l'énergie électrique. Quoiqu'on dise, la responsabilité est partagée. Que l'on n'essaye pas de se donner bonne conscience en rejetant la responsabilité sur l'autre. C'est trop facile.Beaucoup de foyers ont été longtemps privé d'eau. Aujourd'hui, même si certains ménages continuent de souffrir de cette pénurie, d'autres ne connaissent plus cette crise. N'estimez-vous pas que cette frustration contribue à ne plus savoir économiser ce précieux liquide 'Dans l'inconscient du citoyen qui a connu la privation, le gaspillage est une forme de vengeance, car dans ces conditions précises, il peut difficilement conserver ses repères culturels. C'est comme le jeûneur qui, privé de nourriture toute la journée, se goinfre à la rupture du jeûne.Les campagnes de sensibilisation contre ce gaspillage semblent échouer. A votre avis, pourquoi 'A mon avis, les campagnes se font sans conviction puisque ceux-là même qui les initient, le plus souvent, ne donnent pas l'exemple. Il n'y a pas de stratégie de conservation de ce patrimoine. On irrigue avec de l'eau potable, on lave sa voiture avec de l'eau potable, et j'en passe. Le bon sens voudrait par exemple que l'Etat interdise la fabrication ou l'importation des «robinets gaspilleurs» et favorise ceux à pression. Cette éducation doit passer avant tout par l'école. Il faut mettre en avant des modèles d'utilisation d'une manière rationnelle de l'eau. En utilisant par exemple des bassines pour laver sa vaisselle (une pour savonner, et deux autres pour rincer) sans laisser couler l'eau du robinet. Il va de soi que l'on consommera beaucoup moins d'eau et la vaisselle ne sera pas moins brillante ou encore en prenant une douche au lieu d'un bain et en récoltant l'eau dans une bassine. Il m'est arrivé de prendre une bonne douche, avec une bouteille d'un litre et demi d'eau en utilisant une éponge et deux petits récipients. Une fois de plus, il faut revenir à cette prise de conscience de l'importance capitale de ce patrimoine. Ce dernier doit être vénéré.Or nous constatons malheureusement que l'eau est pompée à outrance des nappes sahariennes non renouvelables au profit d'une génération. Une fois de plus, à travers cette question de l'eau c'est tout l'aspect de l'éducation pas seulement envers les enfants mais également à l'endroit des adultes, qui doit être remis en cause. L'effort doit être constant, continu. Changer les esprits, et par là même les comportements, c'est possible.
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Posté Le : 03/10/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naé Ì„ma Yachir
Source : www.lesoirdalgerie.com