«Par le moyen des
disputes qui se pratiquent dans les Ecoles, on n'a découvert aucune vérité
qu'on ignorât auparavant». René Descartes [01]
La prolifération
soudaine des institutions universitaires au cours des deux dernières décennies
est surprenante. Alors qu'elles étaient, pendant les années 70, au nombre de 4
ou 5 grandes Universités, 48 autres institutions ont été crées, soit un total
actuel de 52 Universités et centres universitaires supérieurs où 1.200.000
étudiants sont inscrits régulièrement et sans potentiels humains scientifiques
pour pouvoir les encadrer. La politique de la «porte universitaire grande
ouverte» n'est pas un souci de répondre à une «demande sociale» mais juste
celle d'un prestige complaisant. La grande majorité des institutions
universitaires sont organisées en facultés et départements. L'enseignement
supérieur est financé principalement par des budgets d'Etat, des fonds publics.
L'aventure du LMD [02,03], la contraction de la dénomination Licence, Master,
et Doctorat, était possible parce que la majorité des enseignants
universitaires étaient absents. L'engagement affectif, moteur de satisfaction
au travail, se renforce quand l'enseignant universitaire se sent soutenu, dans
des systèmes pédagogique et scientifique aux normes claires, qui lui donnent le
sentiment d'être important et lui permettent de se réaliser au travail. A
l'Université, l'absence de la concertation et seule la «puissance»
administrative a mené à l'hégémonie et à l'arbitraire en faisant beaucoup de
mal aux étudiants, aux enseignants et aux travailleurs. Le rouleau
«compresseur» de l'administratif a marché et a même écrasé la communauté
universitaire en la réduisant à des «donneurs» de cours de sciences exactes ou
humaines dans des amphithéâtres. Les Universitaires ne participent à aucune
décision qui engage le présent ou l'avenir de l'Université. Le dernier Décret
présidentiel, le n°?10-315 du 07 Moharram 1432 correspondant au 13 décembre
2010 modifiant et complétant le décret présidentiel n° 07-304 du 17 Ramadhan
1428 correspondant au 29 septembre 2007 fixant la grille indiciaire des
traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires a fait l'objet
d'une contestation et de «grabuges» dans le milieu estudiantin. Il a été vite
abrogé.
1. Accueil de
l'étudiant à l'Université
Selon Hubert
[03], toutes les conceptions de l'éducation présentent au moins quatre
caractères communs. L'éducation : - est limitée à l'espèce humaine ; - est une
action exercée par un individu sur un autre ou par une génération d'individus
sur une autre ; - est orientée vers un but à atteindre ; - consiste à acquérir
des comportements qui se superposent aux dispositions naturelles de l'individu.
A l'école, au collège ou au Lycée, il fallait organiser la pédagogie pour que
le jeune étudiant soit obligé de s'exprimer, de parler, de lire et de rédiger,
entretenir une flamme et la mobiliser pour des fins éducatives. Les étudiants
n'aiment pas travailler quand on ne les y oblige pas, et ils sont bien vite au
bout de souffle. On appelle «communication» la possibilité de communiquer avec
tous et tous, sans en passer par l'écrit. L'étudiant n'éprouve naturellement
pas le besoin d'écrire, de s'exprimer, il n'éprouve pas le besoin de parler
avec le professeur. La science n'est pas un livre que l'on découvre page par
page, mais un livre que l'on écrit. Le travail de l'étudiant lui permet de
comprendre et de découvrir. Qu'on n'apprenne pas la science, qu'on l'invente.
Dans l'ancien système universitaire, celui de
la : Licence ou DES, Ingéniorat, magister et Doctorat d'Etat, les études
supérieures duraient après le bac respectivement 04 années, 05 années, 06 ou 07
années et 10 années. Avec l'introduction du système LMD, les études ne doivent
durer que respectivement 03, 05 et 08 années. Une à deux années d'études et
quelques semestres de spécialisation manquent à l'appel! Comment les rattraper
scientifiquement ? Personne parmi les responsables n'a soulevé ce problème. Le
mal vient aussi du secondaire où en moyenne, les nouveaux bacheliers n'ont plus
les capacités des anciens bacheliers. Le bac est distribué selon un quota
établi par le ministère de l'éducation, pour ne pas le qualifier de bac de
complaisance. Les étudiants présentent beaucoup de difficulté à suivre le
rythme universitaire. Sûrement, ils ont d'autres problèmes ! L'étudiant a
juridiquement des droits, il a aussi des devoirs.
2. Droits de
l'étudiant
Les enseignants
n'étaient pas impliqués dans la conception, la planification et l'implantation
du LMD. Les enseignants ont mis en Å“uvre ce système imprécis, parce qu'il était
introduit d'une manière autoritaire (Le LMD est le système officiel et légal.).
Le système de formation universitaire a été divisé entre des grandes écoles,
elles n'ont de grande que l'appellation, puisqu'elles sont en majorité
domiciliées dans les anciennes enceintes universitaires, qui attirent les
meilleurs élèves et qui parviennent à leur inculquer un sentiment de
supériorité, et des Universités qui forment avec peu de moyens des «brigades»
ou des «armées» d'étudiants médiocres. Les étudiants sont obligés de jouer le
jeu universitaire, qui est un piège lorsqu'ils passent des années dans des
filières dont ils ne voient pas le sens et l'issue. Il faut orienter les
étudiants vers divers domaines d'étude en fonction des exigences sociales.
Le LMD est un système pédagogique et
scientifique concurrentiel. Il est un «tamis» scientifique. Les étudiants qui
éprouvent des difficultés à suivre le cursus universitaire ne seront pas
«bredouilles» et n'obtiendront qu'une licence. Pour faire croire que le système
LMD a réussi et a brassé des masses d'étudiants, les responsables des
Universités ont autorisé des étudiants qui ont acquis difficilement la licence,
à faire un mastère. Les enseignants vont subir les pressions de l'administration
et on arrivera naturellement à exiger d'eux de confectionner des thèses de
doctorat à des étudiants nullement aptes au savoir et à la recherche. C'est
faux de dire aux étudiants que dans ce système LMD, tout le monde aura son
doctorat ! L'enseignement supérieur repose sur des relations entre les
individus, étudiants, enseignants et travailleurs. Il repose sur une relation
moins fondée sur des fonctions de commandement que sur des fonctions
d'accompagnement. Par l'épanouissement de l'intelligence, les enseignants
universitaires doivent donner aux étudiants des outils de pensée et de
réalisation aussi faciles à utiliser et qui leur permettent de poursuivre leur
éducation tout au long de leur vie. Ils doivent aussi faciliter l'étude des
sciences exactes et faire réussir les étudiants aux examens. La formation
universitaire scientifique doit donner aux étudiants des qualifications pour un
travail productif et leur permettre de maîtriser des tâches associées à la
science, à la production et à la technologie. Certains enseignants favorisent
l'autonomie des étudiants quand d'autres axent leur intervention
essentiellement sur les examens appelés « contrôle continu». Les pratiques trop
contrôlantes nuisent à la créativité, quand elles empêchent l'étudiant de se mobiliser
sur sa propre créativité intellectuelle. Les enseignants eux-mêmes sont soumis
à des contraintes, pressions administratives ou comportements néfastes des
étudiants, qui renforcent ou diminuent leur motivation à chercher des styles
pédagogique et scientifique efficaces. Le niveau de motivation de l'enseignant
pour son travail favorise le soutien à accorder à l'autonomie des étudiants.
Les études supérieures sans «recherche» ne sont qu'un leurre. De la visibilité
des sites WEB des Universités, la recherche scientifique ne progresse qu'à pas
très lents et dans un nombre restreint d'Universités. Les enseignants ne
participent pas à l'évolution générale de la société. Ils doivent rechercher
les moyens susceptibles de conduire à une Université meilleure. Ils doivent
apprendre aux étudiants à raisonner juste, s'ils peuvent.
3. Devoirs de
l'étudiant
A l'Université
(et à fortiori dans le pays), des problèmes d'incivilité se posent avec acuité.
La démocratie peut supporter une bonne dose d'indifférence dans la vie
publique. Mais si l'indifférence se généralise, elle meurt. C'est pourquoi il
n'y a pas de citoyenneté sans civisme. La citoyenneté suppose la civilité. Elle
permet de tempérer l'expression brutale des passions entre individus dont les
intérêts s'opposent. La civilité est une forme de la courtoisie, les bonnes
manières de la vie. L'étudiant doit apprendre à être studieux, attentif et
sérieux. Il est important qu'il soit confronté à de véritables problèmes de
recherche et pour lesquels il peut mettre en Å“uvre son esprit créatif et son
imagination pour l'élaboration de solutions même originales. Il doit donc
pouvoir analyser des problèmes de recherche, choisir les données nécessaires à
leur résolution, mobiliser les connaissances déjà acquises et exposer clairement
des résultats. L'étudiant doit savoir formuler et communiquer sa démarche et
ses résultats, argumenter la validité d'une solution, élaborer une démarche
originale dans un problème de recherche où on ne dispose d'aucune solution déjà
éprouvée. Le travail scientifique doit apparaître comme un moyen
d'investigation, comme une méthode permettant de répondre parfois aux questions
que l'on se pose. En tout état de cause comme une possibilité de débat, où rien
n'est jamais acquis définitivement par personne. L'expérimentation et
l'observation prennent toute leur place. Pour décrire exactement, il faut avoir
vu, revu, examiné, comparé la chose qu'on veut décrire, tout cela sans préjugé
et sans idée de système. La description exacte est l'histoire fidèle de chaque
chose. A l'Université, former un ingénieur ou un détenteur de master, un
producteur plutôt qu'un citoyen nous apparaît comme une tâche difficile à
remplir et quelque peu indigne de nos ambitions. L'Université est en constante
interaction avec la famille, le monde du travail et de l'économie et celui de
la politique. Retrouver des valeurs communes de la société est la tâche de tous
et pas seulement des universitaires. Du fait que la société algérienne a connu
des changements rapides, l'Université ne saurait être immuable. Entre les
étudiants et les enseignants universitaires, des échanges de paroles, moments
de pratiques citoyennes où le droit d'expression et que les décisions
collectives se font jour, doivent exister.
4. La citoyenneté
dans l'acte des études universitaires
On sait qu'il
n'existe pas un modèle algérien de citoyenneté politique, qui s'est développé
depuis l'indépendance du pays où des individus sont intégrés dans les vies
sociale, économique et culturelle. L'Enseignant chercheur visera par son action
l'adaptation de l'étudiant à la vie sociale, l'intégration à la vie
universitaire par un travail de structuration par et autour de la loi. Comment
instituer dans une université un pouvoir effectivement partagé, qui, sans
tomber dans l'illusion démagogique du professeur ami de l'étudiant, et en
tenant compte de l'asymétrie des statuts, des compétences, laisse cependant
libres la parole, la critique, la puissance d'infléchir ? Qu'est ce qui est
négociable avec les étudiants ? Quelle Université pour quel fonctionnement
démocratique ? Qu'est ce qui peut se jouer dans l'élection et l'exercice des
délégués de section des étudiants, dans le fonctionnement des associations des
étudiants ? La démocratie populaire n'existe pas ! On ne peut pas parler de démocratie
pédagogique, l'acte d'instaurer un fonctionnement institutionnel de
l'Université et de l'amphithéâtre qui permette l'expression du pouvoir de
l'étudiant dans un cadre de proposition et de négociation, avec un
fonctionnement pédagogique et didactique du type socioconstructiviste où
l'étudiant est acteur et auteur, de son propre savoir ?
Conclusion :
Le développement
du chômage a entraîné une crise des vies économique et sociale : il remet en
question la dignité des hommes. Si une société est réduite au social, la
citoyenneté perd son sens et la démocratie sa force. Ce qu'on appelle le
clientélisme, la réduction du politique au social. Pour que la citoyenneté ait
un sens, il faut que l'exposé des problèmes d'une ville, d'une région ou d'un
pays reçoive un écho, suscite une réaction, que le politique se sente concerné
et a le devoir de le résoudre. Si les politiques sont impuissants à résoudre
les problèmes, ou pire encore, corrompus, il n'y a plus de citoyenneté, et à
fortiori plus d'étudiants. La liberté donne des ailes pour atteindre les cimes
de l'épanouissement. Il faut revenir à des mesures plus restrictives ou une
limitation d'accès à l'université ou une revalorisation du baccalauréat. Il
faut limiter quantitativement les effectifs des étudiants si on vise une
qualification optimale des diplômés. La situation actuelle est préoccupante.
Seul le devoir à respecter la libre parole peut fonder le droit à parler
librement. Il faut faire moins de discours de complaisance et de
l'autosatisfaction et former davantage d'enseignants universitaires de rang
magistral. Il faut augmenter la participation des enseignants chercheurs aux
instances de décision et les laisser collaborer entre eux ce qui renforcera
sûrement leur engagement universitaire. En général, l'Administration
universitaire est mauvaise parce qu'elle n'est pas dirigée, ni surveillée. La
gabegie bureaucratique jointe à la résistance consciente de certains
responsables qui ne souhaitent pas perdre leur situation privilégiée risque de
perdurer cette situation de marasme. En 2007, nous avons proposé un «Salut» de
l'Université algérienne [05] que le MESRS, le ministère de l'enseignement
supérieur et de la rechercher scientifique, n'a pas voulu adopté. La coupe est
pleine, qu'elle va déborder et que les plus lourdes responsabilités doivent
échoir à ceux qui occupent les plus hautes fonctions.
* Universitaire
Référence :
1. René
Descartes. Discours de la méthode. Texte présenté et annoté par Jean Costilhes.
1966, Nouveaux classiques, Hatier.
2. Ali Derbala.
Implantation du LMD à l'université scientifique algérienne. El Watan, Dimanche
1er Novembre 2009, Rubrique : Idées-Débats, p.22.
http://www.elwatan.com/Implantation-du-LMD-a-l-universite
3. Ali Derbala.
Le système LMD, un descendant du BMP. El Watan, Dimanche 10/06/2007, rubrique
Idées-débats, p.23.http://www.elw-atan.com/spip.php? page=article
&id_article=69969 et lundi 11/06/2007
http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=70061
4. René Hubert.
Traité de pédagogie générale, Paris PUF, 1961.
5. Ali Derbala.
Le «Salut» de l'université algérienne. El Watan, Mardi 11 septembre 2007,
Rubrique Idées-débats, p.23.
http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=75975
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Posté Le : 17/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali DERBALA *
Source : www.lequotidien-oran.com