L’enseignement initiatique de Sidi Boumédiène Radya Allah ‘Anhou

L’enseignement initiatique de Sidi Boumédiène Radya Allah ‘Anhou Ibn Khaldoun, de passage à Tlemcen, écrit qu’il a séjourné dans «le ribat» de Sidi Boumédiène durant l’été 1370: «décidé à renoncer à la facticité du monde et à me consacrer à la science...» Science qu’il revint enseigner dans le ribat d’El ‘Ubàd en 1375. Tous les marabouts de Tlemcen sont des hommes de science, à l’instar de Sidi Boumédiène, en sciences religieuses, mathématiques, naturelles, médicinales, voire en neuropsychiatries. L’autobiographie d’Ibn Adjiba (1747-1809), un «saint» marocain, indique la pérennité de la formation maraboutique. Il y est décrit sa formation en sciences naturelles et mathématiques et religieuses. Le «saint» juif de Tlemcen, le Rav Enkaoua est un médecin venu d’Andalousie, fuyant les pogromes à la chute de Grenade. Son mausolée se trouve dans un jardin où l’on trouve des plantes médicinales que l’on cueille jusqu’à présent. La vénération que lui témoignèrent juifs et musulmans fut à l’origine de nombreuses «guérisons miraculeuses». Aujourd’hui l’on expliquerait cela par la «psychosomatique»...En conclusion, la «voie» ou «taryqa», chemin initiatique, exige: science (hikma), connaissance (ma’rifa), bonne action utile (les marabouts sont surnommés essullàh, utiles et bienfaisants), pour et par l’amour de Dieu, envers Ses créatures (‘amàl essàlyh), une introspection itinéraire du «moi au soi» (muhàsaba), remise en cause permanente des états d’âme (nefs), demander des comptes à soi-même: «Bi el muhàsabatsi yaçilu el ‘abdu ilà dardjatsi el muràqabatsi.» «Par la muhàsabats, le serviteur de Dieu accède au degré de l’attention à Dieu Seul», ce degré étant le terme de l’itinéraire à l’instar des modèles prophétiques Moïse ‘aleyhi essalàm et Mohammed (QSSL), (21) sentence de Sidi Boumédiène. Ibn ‘Atà Allah d’Alexandrie (XIIIe siècle) de la même taryqa initiatique, enseigne aussi cela dans ses Hikem, en précisant: «Là tsatsareqqab furùgha el ‘aghyàri» fa’inna dzàlika yeqta’uka ‘an wujùdi el muràqabati lahu«fymà huwa muqymuka fyhi» (Ne sois pas dans l’attente que cessent en toi les altérations de ton âme. Cela t’empêche, dans l’état où Lui te met, d’être attentif à Lui seul), prévenant le disciple de se méfier de ses introspections aussi... Sidi Boumédiène recommande le détachement et le dépouillement de tout ce qui préoccupe l’être humain matériellement ou émotionnellement (zuhd et tsejryd). Ce dépouillement, tsejryd, est prescrit par toutes les écoles traditionnelles, les turuq, un dépouillement matériel et spirituel, qui fera du disciple un «pauvre pour Dieu» ou «faqyr lillah», se revêtant des caractères divins, et réalisant les Noms divins de Miséricorde: «tsakhalluqan bil ‘akhlàqi el ilàhya, tsahaqquqan bil ‘asmà’i errahmàniya», conseille l’Emir ‘Abdelkader, tout comme l’Imam El Ghazaly l’enseigne aussi dans son Mischkèt El Anwàr, commentant la parabole coranique du geste de dépouillement de Moïse (22): Dieu lui ordonna d’ôter ses «deux» sandales, matériel et spirituel, existentiel et essentiel... ce qui sera développé au chapitre suivant, In chàa Allah. On ne peut saisir le signifié de la Taryqa, et awlya, si l’on n’étudie pas la longue chaîne des Maîtres qui la jalonnent. A suivre... * Conférencier dans les formations en Bioéthique et Droits de l’Homme (Fédération Européenne des Réseaux scientifiques- Ethique et Droits de l’Homme) (Conseil de l’Europe- Strasbourg- Délégué général de La Fraternité d’Abraham- Paris) Ghaouthy Hadj Eddine Sari Ali   Note   21-Cf.Ibn ‘Araby: Les Soufis Andalous et Coran XX/12; LIII/8à11 22-Cf. Coran XX/12, et le remarquable commentaire de Khel’ Enna’leyn par Ibn ‘Araby in Illuminations; il est à noter, par ailleurs, que les caractères et attributs divins, akhlàq et çifàts, sont à comprendre au sens d’aptitudes que Le Créateur Subhànahu a donné à Ses Créatures LXIV/2,3, çifàts à ne pas confondre avec dàts ou Essence divine, inapprochable par la créature...Dans les Asmà’ Allah , il y a , en effet, Asmà’ Eddàts et çifàt.