Algérie

L'enfer des moralisateurs est pavé de bonnes intentions !



Dans «Al Issra», l'Assomption nocturne du Prophète, Allah dit que «quiconque prend le droit chemin, ne le prend que pour lui-même ; et quiconque s'égare, ne s'égare qu'à son propre détriment.» A Ses créatures pécheresses, le Miséricordieux dit aussi : «Si vous faites le bien, vous le faites pour vous-mêmes ; et si vous faites le mal, vous le faites pour vous aussi.» Dieu situe ainsi la responsabilité dont chacun doit rendre compte le jour du Jugementdernier : «Lis ton écrit. Aujourd'hui, il te suffit d'être ton propre comptable.» Ces versets sont venus à l'esprit à la lecture d'une récente actualité sociale, dominée par une campagne de moralisation publique lancée par des associations religieuses, caritatives, de défense des femmes et même de consommateurs ! On y retrouve également des militants pour Alger la Blanche et des salafistes comme l'ancien dirigeant du FIS Hachemi Sahnouni et Abdelfettah Ziraoui chef d'un parti religieux non agréée mais toléré. Avec notamment pour slogans, «le peuple veut purifier le pays» et «le peuple veut l'expulsion des traînées». Autrement dit, cette campagne de moralisation, aux relents d'assainissement vertueux, vise principalement les bars, les hôtels et les catins. En somme, le triptyque du diable, cible, dans un premier temps, d'une caravane de la vertu qui a commencé à sillonner le pays après la grande prière du vendredi. Occasion pour des imams algérois pour appuyer la campagne par des prêches passionnés. Pour autant, il ne s'agit pas, pour l'instant du moins, d'expéditions punitives contre des estaminets, restaurants et autres «lieux de débauche». Comme ce fut le cas, il y a quelques années sur les côtes Est et Ouest d'Alger, avec des comités de quartier constitués en milices contre des auteurs de violences et de tapage nocturne post-ivresse éthylique.A l'époque, on retrouvait déjà les mêmes Sahnouni et Ziraoui, chevaliers blancs de la morale islamique en péril, qui avaient alors exhorté les habitants à pétitionner en diable contre les buveurs qui faisaient le diable à quatre. Les deux cheikhs avaient finalement encouragé les comités de quartier à créer un rapport de force favorable à la fermeture des troquets. Cette fois-ci, il est juste question de «combattre les lieux de la dépravation par le bon conseil et le Coran», selon la formule de Ziraoui.A la différence que le mouvement semble présentement large et trouver écho auprès des comités de quartier et des associations civiles. Fortement excédés qu'ils sont par l'ampleur de la consommation anarchique d'alcools et l'extension du périmètre de la prostitution clandestine dans le pays.Mais, avant d'être une question d'atteinte à la liberté de préférer la voie spiritueuse à la voie spirituelle et d'emprunter les sentes du plaisir tarifé mais clandestin, la campagne en question pose quand même un vrai problème de société. Un problème de morale publique mais aussi de quiétude sociale. De sécurité individuelle et collective même. Ces chevaliers blancs de la sauvegarde de la vertu publique, posent de vraies questions mais n'apportent pas toujours les bonnes réponses. Par exemple, ils touchent du doigt le problème réel d'atteinte à la liberté des Autres. Liberté sacrée de riverains, victimes de nuisances sonores et même d'agressions de la part de buveurs compulsifs qui ont souvent l'ivresse agressive, voire violente. Ce sont parfois les mêmes qui constituent la clientèle attitrée de prostituées clandestines postées dans des bars, des hôtels sur le littoral, ou dans des restaurants à alcool ou même dans des salons de thé citadins.Il est évident que là où s'arrête la liberté de s'encanailler débute celle des anti-alcools. Et, surtout, intervient la haute responsabilité de l'Etat. L'Etat qui a un devoir de protection des habitants dérangés dans leur tranquillité ou menacés dans leur intégrité physique. Partout ailleurs, la consommation d'alcool est réglementée : on n'en vend pas à des mineurs et on ne sert plus des buveurs assez éméchés ou qui montrent déjà des velléités d'agression.Les tenanciers permissifs ou laxistes, sont des fauteurs de troubles. On leur ferme alors boutique sans avoir le droit de se l'ouvrir ! Surtout s'ils sont également complices actifs ou passifs de réseaux de prostitution ayant connu ces dernières années un développement métastatique. Cinq mille, selon des promoteurs de la campagne morale en cours. La question des bastringues et autres hôtels devenus tripots malfamés ou surtout des boxons clandestins et nuisibles à l'intégrité morale et physique des gens, est une questionlégitime. Les pouvoirs publics doivent lui trouver les réponses appropriées, proportionnelles, dans le strict cadre de la loi. Sans laxisme complice des services de sécurité et sans la main clémente de la Justice. Par-dessus tout, ils doivent veiller à ce que les moralisateurs du vendredi ne suscitent pas des vocations de sainte inquisition chez des Ben Laden qui s'érigeraient en police de la vertu.Et, à Dieu ne plaise, qui utiliseraient la rumeur telle une preuve accablante de «déviance», à l'encontre de filles de bonne famille, libres de vivre leur vie sans attenter à celle des Autres. La question posée ainsi évacuée, demeure le problème, entier, de l'atteinte à la liberté de ceux qui boivent par addiction ou par épicurisme. En guerroyant contre l'alcool et les prostituées illégales, les moralisateurs de la vie publique, ennemis de l'eau de vie, s'attaquent, sans discernement, à la sainte liberté de ceux qui veulent être libres de choper une cirrhose de foie. Mieux ou pis encore, d'aller librement en enfer après avoir pris de la Mort subite belge ou un «mortel» Coteau de Mascara. C'est connu, un monde sans une goutte de vin et sans mousse de houblon est une chimère. Même à la Mecque où l'alcool a toujours circulé, au nez et à la barbe de la police de la sobriété. Dans le Coran, Dieu, alors favorable à l'ivresse modérée, a énoncé que «parmi les fruits, vous avez le palmier et la vigne d'où vous retirez une boisson enivrante et une nourriture agréable.» Vertu del'esprit sain et clémence du Saint-Esprit.N. K.




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