Algérie

L'enfer au pied du lyrisme EL NAFAS AU TNA



L'enfer au pied du lyrisme EL NAFAS AU TNA
Un ténor et une virtuose du chant lyrique arabe
Le Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi a abrité en avant-première mondiale, dimanche dernier, un spectacle lyrique dit Opéra signé par le grand compositeur algérien, Tarik Benouarka.
Intitulé El Nafas, cette oeuvre s'est ouverte sur l'histoire de l'humanité. Depuis la nuit des temps, les gens se sont entre-tués et cela ne s'arrête pas jusqu' à aujourd'hui. Une parabole donc du temps immuable qui ne fait que se répéter. Le premier tableau chanté est relatif au mythe des frères ennemis représentés par Caïn et Abel, les deux enfants d'Adam et Eve.. Le premier était cultivateur et le second pasteur de petit bétail. Un jour, les frères vinrent faire des offrandes à Yahvé. Caïn offrit les produits du sol et Abel offrit les premiers-nés de son troupeau et leur graisse. Seule l'offrande d'Abel est agréée. Alors, dans un excès de jalousie, Caïn, le cultivateur, tue son frère Abel, le pasteur.
La suite est une succession de chants lyriques narrant les injustices, la peur, la quête d'un amour spolié, la douleur d'une mère dans un monde brut et de désert fait de désolation, et de solitude, la mort toujours au bout du drame. En réalité, cet opéra-ci s'écoute plus qu'il ne se voit. Car dépouillé au maximum. Accompagné par l'Orchestre symphonique Pasdeloup, qui fut fondé par le mécène et mélomane Jules Pasdeloup, il y a plus de 150 ans, il était dirigé de main de maître par le jeune chef, Pierre Dumous-Saud, un directeur musical très en vogue actuellement. Côté voix, sur scène, le public pouvait apprécier la voix suave de Lara Elayyan, une Jordano-Palestinienne, la virtuose libanaise Ghada Chbar considérée comme l'une des plus belles voix d'Orient, qui, en effet, nous plongera un instant dans les moments pleins de grâce et de gravité du film Nahla, mais sans pour autant nous faire revivre sa grande noirceur psychologique et sa folie qui fait la différence.
Néanmoins, Ghada se distinguait par le jeu de volutes qu'elle parvenait à imprimer sur sa voix, dévoilant toute sa maîtrise mélomane aux profondes couleurs et arcanes du chant arabe. A côté de celle-là, deux hommes dont le ténor Gorges Wanis qui a permis enfin de donner raison au mot «opéra» à cet événement dont la musique, aussi belle soit-elle, mais platonique, muée dans des éternelles complaintes ne parvenait pas, hélas, à décoller durant toute la prestation du spectacle, si n'était la moitié où l'on a pu détecter un petit changement de rythme et puis des innovations introduites ici et là par le son du «tbal» et la percussion arabe, prouvant par là le mariage sublime qui peut exister entre l'Orient et l'Occident. Seulement, voilà le son n'était pas au firmament, par conséquent, l'on n'entendait pas du tout les voix de la chorale de l'Orchestre symphonique nationale qui s'oubliaient dans la masse musicale faisant perdre ainsi tout son charme et son utilité. En gros, cette chorale faisait davantage office de figurant.
En gros, El Nafas se veut une tragédie humaine servie par les maqams d'Orient, incarnant avec de la poésie soufie la force de l'amour dans un combat entre le bien et le mal. «Il était une fois dans une légende appelée le pays d'El Nafas, vivaient des gens simples mais libres. Une nuit, le sang a coulé» entendons- nous en préambule.
Plus tard, c'est cette phrase qui revient en étendant toute sa profonde mélancolie: «ô mort, prend-moi je meurs... Enfer de quelle aube es-tu'» et un peu plus tard: «Je te rends le passé. Chacun porte les stigmates de ce qu'il fait...» Pardon ou résignation' Tous ces mots élégiaques sont accompagnés d'images vidéo comme pour appuyer d'un contraste cette sensation d étouffement ou d'élévation spirituelle. C'est selon.
Des images de galaxie et d'univers, de deux planètes qui fusionnent, de désert, d'étoiles et de feu... signées par le vidéaste Antoine Meissonnier de Lyon. En matinée, plus de 400 élèves ont pu bénéficier, nous a-t-on assuré d'un master class autour de la musique classique et l'opéra encadré par le maestro Tarik Benouarka.
Si le spectacle Nafas a été largement ovationné à la clôture, reste qu'il nous a laissé toutefois un étrange sentiment d'inachevé, mitigé, partagé par beaucoup de spectateurs dans la salle. Manquait la passion, ce grand bouleversement de lêtre qui hélas, a quelque peu fait défaut ce soir-là.


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