Algérie

L'enfer artificiel



Ec?urant constat que celui de voir mourir, à petit feu, des jeunes dont la plupart a moins de trente ans, poussés par le désespoir à rechercher du plaisir dans le gouffre qui les engloutit. Personne n'y échappe plus, et l'idée, selon laquelle la consommation de la drogue ne touche que la marge de la société, se trouve largement dépassée par son extension à toutes les catégories sociales, bien que ces catégories soient difficilement identifiables par la seule différenciation marxiste, la société étant décomposée en n'importe quoi, qui échappe souvent à toute analyse. Il est impossible de séparer production de drogue et pauvreté, selon l'avis des experts. Mais, cette séparation n'est pas évidente lorsqu'on s'intéresse à la sphère de consommation.  Le fléau ne lâche plus personne et le prix du « joint », vendu pratiquement au grand jour, est évalué à 5 DA, ce qui encourage les enfants mal préparés à la vie, à succomber à la tentation. Tous les enfants peuvent avoir accès à cette somme, y compris par la seule mendicité quand la nécessité est là. Ce prix est déterminé selon la plus vieille loi économique, celle de l'offre et de la demande.  L'offre, dans ce cas, a du atteindre un niveau important, au point où elle échappe à tout contrôle malgré les déclarations apaisantes des pouvoirs publics.  Selon le « Rapport mondial 2005 sur la drogue », émanant de la Commission des affaires sociales, humanitaires et culturelles dite « Troisième Commission » des Nations Unies, « 200 millions de personnes, soit 5% de la population mondiale, âgées de 15 à 64 ans, ont consommé des drogues illégales en 2004 - contre 185 millions en 2003, soit une augmentation de 8% pour un chiffre d'affaires de 320 milliards de dollars ». 5OO milliards selon d'autres sources.  De quoi attirer les patrons de la drogue qui échappent, le plus clair du temps, aux rouages de la justice, parce que là aussi il y a des choses à dire. Car, peut-on dissocier trafic de drogue et corruption ? Trafic de drogue et complicité à tous les niveaux ? Si nous devons retenir que le phénomène de consommation de drogue n'est pas nouveau chez nous, notons, par ailleurs, son amplification depuis les années 9O, ce qui laisse entendre que le terrorisme lui aurait servi de couverture selon certains observateurs.  Selon ces mêmes observateurs, et si nous considérons que le cannabis, le plus consommé chez nous, provient des frontières ouest, le problème du tracé de ces frontières, ainsi que la mobilisation des services de sécurité aux missions de « lutte contre le terrorisme » ont favorisé l'entrée de quantités importantes sur le territoire algérien. On peut accepter cette explication si l'on considère que les « passeurs » de drogue utilisent certains couloirs où la vigilance a été relâchée sur une frontière longue de 6.000 km et des moyens de transports animaux. Mais qu'en est-il des quantités énormes de fruits et légumes qui se déversent sur le marché et qui remplissent les étalages de nos marchés ? Qu'en est-il des ports et des aéroports ? Ce n'est certes pas le fait de quelques « bourricots » qui validerait cette hypothèse.  La machine est trop grosse pour n'être qu'une simple opération de contrebande. L' « affaire Zendjabil », qui attend de révéler ses secrets et les faces cachées de cette affaire, en dit long sur les accointances du narcotrafic avec des responsables de haut niveau.  Qui paie la facture ? Des innocents qui tombent dans le piège de la dépendance et de la destruction pour enrichir des criminels qui se cachent pour vivre en nababs dans un pays qui se laisse aller à une mort certaine, pour avoir oublié de construire sa raison d'être. Une seule raison, une seule. Un pays où l'enrichissement rapide et illicite est devenu une sorte d'objectif pour les jeunes générations.  Nombre d'enseignants, tous cycles confondus, se plaignent de l'attitude vaporeuse de leurs apprenants qui n'arrivent plus à assimiler leurs cours et essaient d'expliquer cette attitude par les conditions sociales. Mais l'analyse serait incomplète si l'on se limitait aux seuls aspects sociaux.  Le danger proviendrait aussi de cette crainte de voir certaines régions du pays produire de l'opium et du cannabis en quantité suffisante pour pouvoir se passer du Maroc qui réserverait plus de 134.000 hectares à la culture du kif et récolterait plus de...4.000 tonnes du produit prohibé. Jadis, terre de passage pour les réseaux de trafiquants en direction du Moyen-Orient et de l'Asie, l'Algérie est devenue un pays de consommateurs et de blanchiment d'argent où de nouveaux riches affichent leurs signes de richesse au vu et au su de tout le monde, allant de l'immobilier aux véhicules indécents par leurs formes aérodynamiques, dans un pays précarisé par la politique démagogique de ses gouvernants.  Le silence qui entoure ces questions, l'absence d'une sensibilisation en milieux scolaires et universitaires particulièrement, le niveau d'exemplarité des sanctions, traduits comme une complicité de fait, font qu'aujourd'hui chacun a peur que ses enfants ne versent dans ce fléau.  Et l'on s'affaire à produire des lois pour interdire la cigarette, ce qui est une bonne chose en soi, mais qui n'est que l'imitation de ce qui se fait en Europe.  Comment en effet maintenir le contrôle sur sa progéniture alors que la rue grouille de violences de toutes sortes ? Alors que l'institution elle-même produit de la violence au lieu de l'apprivoiser. Alors que la corruption mine les soubassements de la société malgré l'attachement, de moins en moins, de gens à ce qui nous reste comme valeurs.  Alors que pensant voyager vers des paradis artificiels, nos enfants sombrent dans un enfer garanti. Est-il trop tard ? Pour qui ?




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