Les parents se
plaignent de plus en plus de leur incapacité à gérer les conflits avec leurs
enfants. Des parents qui sont parfois désarmés et impuissants devant les
comportements violents de leur progéniture. Les enfants sont-ils alors devenus
des monstres ?
Il y vingt ans,
la question de l'autorité ne se posait pas réellement dans notre société, car
les générations précédentes étaient élevées de façon autoritaire et rigoureuse
dans une culture traditionaliste. Les rapports parents-enfants se sont
transformés avec l'arrivée de l'école fondamentale. De plus, la démocratisation
de l'école a permis à tous les Algériens de poursuivre des études parfois
poussées. Nous assistons ainsi à la montée d'une nouvelle classe sociale, la
classe moyenne, qui tente d'adopter une nouvelle méthode d'éducation et, par
conséquent, à l'apparition de nouveaux rapports entre les membres de la
famille. Ceci peut varier d'une famille à l'autre et d'un milieu à l'autre, car
cette modification du rapport est en lien avec de nouveaux facteurs apparus
dans notre société.
Dans son dernier ouvrage, le sociologue Nacer
Djabi (1) a consacré un chapitre sur la modification du rapport d'autorité
entre le père et le fils. Cette modification est liée à la réussite économique
: le père n'était pas « kafeze » (assez débrouillard), alors que son fils a réussi
à rapporter de l'argent à la maison. De par ce fait, il se permet d'imposer sa
logique et sa loi. Désormais, le père n'arrive plus à garder sa place naturelle
au sein de sa propre famille. Les rapports de force se sont renversés entre les
deux générations.
Le sociologue nous donne quelques exemples :
c'est souvent le fils autoritaire qui impose à ses soeurs, et parfois même à sa
mère, les règles de conduite et les tenues vestimentaires à porter. Il peut,
par exemple, leur imposer de porter le voile ou d'arrêter leurs études et de
travailler. Le père est souvent sollicité par ses filles et parfois par sa
femme pour mettre un peu d'ordre, mais devant le fils autoritaire (le nouveau
dictateur), le père n'a plus de contrôle car il n'aurait plus les moyens de
subvenir aux besoins de la famille dans le cas où ce fils quitterait le
domicile familial. Face à son impuissance, le père perd sa place naturelle au
sein de la famille traditionnelle algérienne. En perdant sa place, l'autorité
et les valeurs morales se métamorphosent entre les générations et la
transmission des valeurs intergénérationnelles est interrompue. Ce qui peut
expliquer en partie le retour à la source morale religieuse (imprégnée par la
religiosité traditionnelle, étrangère à la pratique traditionnelle locale).
Qu'est-ce qu'un enfant roi ? Un enfant roi,
c'est l'enfant tyran qui dicte sa loi, qui met le souk dans la maison, qui
mange comme un cochon, qui dort dans le lit de ses parents, qui se montre
stressant et parasite. Souvent, il manipule tout son petit monde pour arriver à
ses fins. C'est un enfant dont l'éducation renforce son égocentrisme et où la
frustration n'existe pas. Il demande plus d'affection et plus d'attention.
Dans les pays occidentaux, des lois empêchent
les parents de donner des fessées à leur propre progéniture, la parole de
l'enfant est mise au même niveau que la parole de l'adulte ; l'enfant peut
composer un numéro vert pour accuser ses parents d'attouchements et de
maltraitance, etc. Certes, il existe des parents maltraitants, mais ne doit-on
pas remettre en question la parole de l'enfant ? La vérité sort-elle forcément
de la bouche des enfants ? Le procès d'Outreau, dans le nord de la France, où
des enfants ont accusé des adultes d'actes de pédophilie et toutes les conséquences
qui ont suivi, élucident partiellement cette question.
L'enfant n'est pas un saint comme nous le
pensions. A force de le stimuler avec divers moyens, les jeux électroniques,
les séries télé et l'accès à Internet, l'enfant dispose de moyens pour traiter
l'information. Mais moralement il n'est pas encore assez mature pour distinguer
le bien du mal, cette conscience n'est pas assez développée chez lui. Ceci peut
être expliqué sur le plan neurologique et cognitif par l'inachèvement de la
structure cérébrale et du système cognitif.
En France, il y eut tout un débat sur la
question, suite à une gifle donnée par un professeur à un enfant de 11 ans,
après que ce dernier l'eut traité de « connard ». Le débat était mitigé entre
les pour et les contre cette gifle. Cependant, les spécialistes en psychologie,
et même les philosophes, sont unanimement d'accord avec le professeur. Ils
soulèvent le problème de l'autorité dans la société occidentale en général et
particulièrement en France. Certains pensent qu'à cause de la génération 68,
pour qui « il est interdit d'interdire », l'autorité est en perdition.
Selon Caroline Thompson (2), psychanalyste et
thérapeute familiale, « soixante-huit, c'est toute une génération qui s'est
construite sur la rupture avec les aînés, rupture d'autant plus radicale
qu'elle refuse de reconnaître la dette qu'elle avait envers eux, toute dette
étant par définition négative à ses yeux. Aujourd'hui encore, nous vivons,
écrit-elle, dans cette illusion d'une génération spontanée qui, s'étant en
quelque sorte auto-engendrée, ne doit rien à personne. Ainsi, non seulement
nous n'avons plus d'avenir (...), mais le passé nous fait aussi défaut ».
S'ajoute à cela la série d'émissions de
Françoise Dolto « Lorsque l'enfant paraît », qui, selon certains spécialistes,
a contribué à l'émergence de l'enfant roi ou enfant tyran. Cette question
d'autorité a même été un sujet de débats lors des élections présidentielles
2007, où Ségolène Royal parlait d'ordre juste et d'encadrement militaire, alors
que Nicolas Sarkozy préconisait un dépistage précoce des enfants turbulents
pour éviter la survenue de comportements délinquants à l'adolescence.
Selon Aldo Naouri (3), auteur d'un
best-seller controversé (4), « Les enfant n'ont pas pris le pouvoir ! On le
leur a donné ! C'est pourquoi, et je l'assume, déclare-t-il, j'écris qu'il faut
élever les enfants sur un mode dictatorial, « fasciste » même, pour en faire
plus tard des démocrates. Car, selon lui, si on les élève de façon
démocratique, on en fera assurément plus tard les pires fascistes. (...) Les
ordres donnés aux enfants ne doivent pas être expliqués, ils doivent être
exécutés. Un ordre est un ordre ». Ce n'est pas un militaire qui dit cela, mais
c'est un pédiatre de renom. Car selon lui, « Si le parent cherche
l'acquiescement, il fait de son enfant un juge, le conforte dans le déploiement
de sa toute-puissance et inverse la hiérarchie rassurante dont il a besoin ».
Ainsi, il déconseille aux parents d'être le copain de leur enfant, car « être
un copain avec ses propre enfants, c'est la pire maltraitance que l'on puisse
leur infliger », dit Aldo Naouri.
Qu'en est-il des
enfants algériens ?
1- Cf. «L'Algérie
: Etat et élite», 2009. Ouvrage en arabe non traduit en français. Un ouvrage
très important sur le plan sociologique sur la formation de notre élite.
2- Cf. «La
violence de l'amour», Hachette Littérature.
3- Le Nouvel
Observateur n° 2277, 22juin-2 juillet 2008.
4- «Eduquer ses
enfants, l'urgence aujourd'hui», 2008.
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Posté Le : 20/08/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Haddar
Source : www.lequotidien-oran.com