Algérie

L'enfance en péril pour une poignée de dinars... Constantine



L'enfance en péril pour une poignée de dinars... Constantine
Photo : S. Zoheir
De notre correspondant à Constantine
Nasser Hannachi

Le texte est clair : aucun employeur ne doit enrôler un enfant de moins de 16 ans dans le milieu professionnel sous peine de sanctions sévères. Mais dans la réalité quotidienne, c'est tout le contraire qu'on voit. On retrouve des gamins travaillant partout, dans la rue, les cafés, les marchés, les bus' Ils se livrent parfois eux-mêmes à la vie active parce qu'ils ont quitté les bancs de l'écoles pour diverses
raisons dont la pauvreté ou, des fois, parallèlement à leurs études pour aider la famille. Ils prisent les quais, les petits espaces publics et tentent même de jouer aux «grands» en s'improvisant «parkingueurs» et en investissant des espaces pour proposer aux automobilistes d'y stationner, imposant le prix du gardiennage. Des enfants qui, bien évidemment, devraient encore être sur les bancs de l'école ou jouer comme tous les gosses de leur âge, se convertissent en «ouvriers» contre toute logique. Qui pour aider sa famille, qui pour se faire un peu d'argent de poche. Chacun a ses bonnes raisons pour être dans le monde des grands et travailler à leurs côtés. Et cette situation dramatique est tolérée, puisque ces enfants travaillent au vu et au su de tout le monde, y compris les institutions en charge de faire respecter le Code du travail, sans pour autant qu'il y ait la moindre action contre les patrons employant des enfants ou les parents laissant leurs enfants travailler.
«Parfois les parents en détresse sont astreints à pousser leurs enfants à la rue pour subvenir à leurs besoins et même aider la famille», témoigne un membre de la Direction de l'action sociale et cela est vite confirmé sur le terrain par un enfant devant son étal de galettes : «Il vaut mieux travailler dignement que d'aller voler», lance-t-il. Vivre en gardant sa dignité, voilà l'alibi qui accompagne souvent ce mode de travail dans les rues, les boulevards, les parkings, les ateliers de parpaings et les chantiers du bâtiment. La dignité en allant jusqu'à briser le cours normal de la croissance des enfants. Un axiome presque inculqué par les divers exploitants des chantiers qui finissent par convaincre les moins de 16 ans à retrousser leurs manches pour gagner leur quotidien honorablement. Mais ignorant au passage qu'ils sont en train de commettre «un crime» contre une enfance en difficulté. Les gamins précocement professionnels sont ainsi issus des familles démunies, sinon introduits dans le monde de l'activité après leur éjection du cursus scolaire. Trop tôt pour rejoindre un centre professionnel, ils n'ont pas d'autres choix que de fréquenter un milieu hostile où tous les fléaux subsistent, tandis que l'autre catégorie reflète des enfants scolarisés qui prennent leur seconde casquette pendant les vacances. Des statistiques indiquent que ce type de «travailleurs» se chiffre à plus de 300 000 en Algérie. Les pouvoirs publics minimisent l'ampleur de ce phénomène, mais la réalité étaye des scènes vivantes au quotidien. Le milieu professionnel usant des services des petits bras des enfants a été placé sous haute surveillance ces dernières années par la tutelle par le biais de ses antennes d'inspection. Il est toutefois difficile de donner un chiffre précis sur l'exploitation de cette frange, dont l'âge n'a pas atteint la norme autorisée si ce n'est un constat global révélant un nombre dépassant les 300 000 sur tout le territoire national. A Constantine, des sources officielles estiment qu'en dehors de quelques sphères où le contrôle demeure impossible, la fréquence relative au travail des enfants demeure faible grâce à l'implication systématique des pouvoirs publics sur le terrain. Une donne moult fois contestée par les associations estimant que les enquêtes ne doivent en aucun cas se limiter aux grands espaces, c'est-à-dire des usines ou ateliers. Ce qui amène celles-ci (les associations) ainsi que l'opinion publique à certifier l'existence d'une surveillance quasi «neutre». «Les investigations doivent être élargies à tout espace où l'enfant en groupe ou solitaire tente de proposer ses services à même les axes routiers, les marchés, et autres endroits publics. Sans omettre les coups de main données aux marchands de fruits et légumes pour décharger les cageots », ont-elles précisé. Se fier aux rondes classiques des inspections est un baromètre qui ne révèle pas tous les dessous de cette activité enfantine inacceptable aussi bien aux yeux de la société que par les textes algériens en vigueur. A cet effet on apprend que les chiffres exposés ne couvrent pas la réalité à cause notamment des enquêtes effectuées par l'Inspection du travail qui ne dispose pas de toute latitude sur le terrain pour de multiples facteurs dont l'accès à certains sites. Les responsables appellent une mobilisation pluridisciplinaire qui engage la société civile, le syndicat actif au sein des établissements,' et ce, pour contrecarrer tout enrôlement abusif enfreignant la loi du travail. L'Algérie n'a certes pas cessé de ratifier des conventions internationales sur le travail des enfants. Mais aujourd'hui, toutes les parties impliquées dans la lutte contre la fraude d'embauche à un âge inférieur à 16 ans n'en reviennent pas devant l'ampleur contredisant les chiffres officiels. C'est pourquoi toutes les rencontres consacrées à ce sujet convergent : «Il est nécessaire d'étoffer les lois par des instruments de contrôle et de sanctions contre les patrons qui emploient des enfants en faisant fi de la réglementation en vigueur. En quelque sorte, déclarer la guerre aux vautours qui exploitent la main-d''uvre infantile», ont conclu nos interlocuteurs au sein de ces associations qui militent pour la protection des enfants. Et du coup les pouvoirs publics doivent se pencher davantage sur la frange démunie, parfois brillante à l'école mais faute de moyens, elle préfère dispenser son énergie cérébrale dans un milieu défavorable, exploitant à outrance.


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