Algérie

L'«empire» Mittal ou le «capitalisme féodal» du magnat de l'acier



L'«empire» Mittal ou le «capitalisme féodal» du magnat de l'acier
«Mittal, la face cachée de l'empire», est une enquête implacable sur «l'ennemi social n° 1» de la sidérurgie mondiale.Le principe de l'Indien Lashkmi Mittal est simple : acheter, mais ne pas investir dans les sociétés conquises, en tirer tout le bénéfice possible, au prix d'une gestion radine, de cadences soutenues et de réduction de personnel ou de moyens. C'est ainsi que le groupe Mittal est devenu le n°1 mondial de l'acier à partir du métier initial de ferrailleur en Inde. La chaîne franco-allemande Arte proposera, mardi 16 septembre à 19h50 (Heure DZ), un documentaire réalisé par Jérôme Fritel* sur cette ascension irrésistible.C'est à présent un empire qui a ses racines dans 60 pays et emploie 250 000 personnes. Issu d'une famille modeste de Calcutta, Lashkmi Mittal est devenu, en l'espace de quinze ans, l'un des hommes les plus riches au monde. Dans le documentaire que nous avons pu voir en avant-première, on découvre comment à partir de son Inde natale, Mittal a d'abord investi au Tadjikistan, à la faveur de la fin du bloc communiste et de l'ouverture au libéralisme économique.L'entreprise tadjike, alors dans une mauvaise passe, ne sera pas redressée mais exploitée en l'état, sans aucun apport de modernisation. Même pas dans les mines où plusieurs accidents ont causé la mort de dizaines de personnes faute d'équipements adaptés. 15 000 euros par famille endeuillée, tel a été le geste de Mittal, pour des ouvriers qui en regrettent l'ancien régime? Pourtant, au départ, Mittal incarnait un symbole. Celui des mérites du nouveau capitalisme, libéral et mondialisé, après la défaite historique du bloc soviéto-socialiste. Il représentait la revanche du monde émergent sur les nations industrialisées.A tel point que les dirigeants occidentaux le recevaient avec tous les égards. Les images restent, comme celles de Jacques Chirac, ou Nicolas Sarkozy qui l'adoubent, avant de l'éviter. En effet, pour ce qui est du cas français et européen, accueilli comme un sauveur en 2006, à la faveur son offre publique d'achat (OPA) sur le groupe Arcelor, Mittal est aujourd'hui perçu comme le fossoyeur de la sidérurgie européenne.Le film cite Michel Liebgott, député PS de Moselle, à propos de la fermeture des hauts fourneaux de Florange et de Liège (Belgique) : «Mais, en réalité, c'était plus subtil que ça. Il avait décidé de les faire tourner à 100% alors que même les gens d'Arcelor les faisaient tourner à 70-80% et quand vous prenez votre voiture et que vous roulez à 100% sans jamais, effectivement, la laisser récupérer, vous la faites crever.En quelque sorte, c'est ce qu'il a fait. Il a fait crever les hauts fourneaux finalement mais il les a utilisés jusqu'au bout.» Atteint de plein fouet par la crise économique, la multinationale Mittal, criblée de dettes, et qui n'a jamais investi dans le développement technologique, source de valeur, accumule les pertes, notamment en bourse et ferme ses usines les unes après les autres en Europe et dans le monde, où fait de la compression sociale. Non pas qu'on a plus besoin d'acier, mais monstre hybride coincé entre industrie et finances, le groupe Mittal ne supporte pas que ces bonus soient atteints. Il préfère liquider que perdre.Mittal privilégie l'exploitation des richesses au détriment de l'intérêt collectifC'est ce qu'aborde le documentaire, avec force éléments probants. Il suffit ainsi d'écouter l'ancien syndicaliste Edouard Martin, ancien syndicaliste CFDT de Florange (Moselle), aujourd'hui député européen qui parle de «capitalisme féodal. C'est une famille, le père, le fils, la fille, qui décide de tout, pour tout, tout le temps. Ils ont fermé plus d'une dizaine de sites, pourquoi ' Pas suffisamment rentable, pas rentable, pas suffisamment rentable! Je rappelle, n'oubliez jamais, ayez toujours en perspective, les dix-neuf milliard d'euros de bénéfices. Liège et Florange ont aussi contribué à gonfler ce bénéfice». Un autre intervenant parle de «génocide social».Pour Rémi Boyer, ex-secrétaire général de la direction Arcelor Mittal, qui connait la maison. «Les Mittal considéraient l'Europe comme un terrain de jeu supplémentaire. Donc, ils activaient, au gré des besoins, les différents interlocuteurs, gouvernements, commission européenne, en fonction de leurs intérêts stratégiques. C'était finalement au plus offrant qu'ils s'en remettraient in fine.»Si le monde entier succombe aux sirènes de cet homme, qu'en est-il du cas algérien, hélas non traité dans le documentaire ' En 2001, Mittal, dont l'entreprise ne portait pas encore ce nom, a lancé son numéro de charme pour acheter le groupe Sider. Là encore, dans le cadre de la déréglementation économique vue ici comme au niveau mondial comme la panacée, la privatisation s'est révélée, comme le documentaire le montre, le visage «d'un modèle économique obsédé par la rentabilité à court terme, qui privilégie l'exploitation des richesses au profit des seuls actionnaires, au détriment de l'intérêt collectif».L'enquête dévoile à ce titre « quelques secrets d'un système, largement inspiré par les méthodes de la finance, qui relève plus du « Monopoly » que du capitalisme industriel », expliquent l'auteur du film. Ainsi, entre 2006 et 2014, Arcelor Mittal a versé au total 19 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires, la famille Mittal empochant 40% de cette somme? * Mardi soir sur Arte à 19h50. Jérôme Fritel, journaliste réalisateur, sera l'invité en deuxième partie de soirée. Son documentaire «Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde», a eu un écho retentissant.




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