Algérie

l'Empire contre-attaqué Ce que j'en dis



l'Empire contre-attaqué Ce que j'en dis
Est-ce un hasard si les deux derniers prix Goncourt en France ont été attribués à des romans évoquant la fin de l'Empire ' L'Empire, cette idée si contradictoire avec les valeurs de la révolution française mais si incrustée dans l'inconscient collectif de la communauté et de la langue. Alexis Jenni, avec son magnifique roman L'art français de la guerre, et Jérôme Ferrari, avec son bouleversant Le sermon sur la chute de Rome, mettent souvent l'accent, à travers leurs personnages et leurs itinéraires dans la vie et l'imaginaire, la fin imperceptible de l'Empire français, dont l'acte officiel de la mort a été ce juillet 1962, en Algérie. Et c'est ce caractère «imperceptible» qui est le plus frappant.
L'Atlantide impériale sombra presque imperceptiblement hors de l'histoire laissant tout une communauté de destin et de «sang» comme orpheline de cette étendue plus mentale que géographique qu'est l'Empire colonial, les colonies, l'outre-mer de tous les fantasmes et des barbaries que le texte de Jenni explore avec une rare puissance. L'Empire qui continue à vivre dans la langue banale du quotidien et dans les gestes brutaux d'une police militarisée aux quatre coins des banlieues de France, cet autre «outre-mer» interne, ces terres sauvages extra-muros dans l'imaginaire des chaumières de l'Hexagone.
L'Empire qui sombre, laissant Marcel, ce personnage corse de Ferrari, administrateur d'une portion d'une colonie au fin fond de l'Afrique, face à ses vrais démons d'homme harcelé par la maladie et les remords, étant obligé de rentrer chez lui, de replonger dans la vie morne et quotidienne de son village natal. L'Empire qui massacre en masse par le bras sanglant d'une armée furieuse dont les débris se recyclent dans les frustrations passées. «Ces militaires on les préfère à l'écart, entre eux dans leurs bases fermées de la France du Sud, ou alors à parcourir le monde pour surveiller les miettes de l'Empire», lit-on dans L'art français de la guerre.
Les deux romans se rejoignent bizarrement sur cette notion de la disparition de l'Empire et l'incrédulité qui accompagne, toujours, ce naufrage, comme si quelque chose bougeait sous la surface de la conscience française longtemps entretenue dans le mythe d'une certaine «grandeur», nourrissant paternalisme et racisme, brutalité de la langue et quelques aventures militaires. Comme aujourd'hui, à quelques jets de pierre de notre Sud, où l'Empire bombarde pour rouvrir des écoles, selon des JT nourris aux communiqués militaires.
L'art français de la guerre, d'Alexis Jenni, chez Gallimard, 2011. Le sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrari, aux éditions Actes Sud, 2012.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)