Algérie

L'élu et l'électeur dépouillés de leur souveraineté



La relation entre l'élu et l'électeur, en Algérie, se borne au seul jour du vote où ce dernier délègue, par une opération mécanique, sa souveraineté à ses représentants. « La Constitution énonce que la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple, qui l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants élus. La problématique, dans la pratique, est que le peuple ne détient cette souveraineté que le jour du vote ; il en est dépouillé par la suite », a indiqué le professeur Yelles Chaouche Bachir, de l'université d'Oran, lors d'une journée d'étude sur la relation entre l'élu et l'électeur organisée hier par le ministère des Relations avec le Parlement.La problématique ne s'arrête pas là, puisque l'élu, censé apporter des réponses à ses électeurs, délègue à son tour ses prérogatives à des instances non élues. Evoquant le rôle de l'élu, le spécialiste des questions juridiques constate un certain « dérapage » ou « glissement » dû au fait que les lois n'émanent pas des élus, qui sont les représentants du peuple, mais sont une émanation des technocrates. « Ce sont les technocrates qui promulguent les lois et les révisent, notamment la loi électorale, alors que c'est un rôle qui doit incomber aux élus. Cela pose un réel problème de représentativité », indique M. Yelles Chaouche, qui relève que l'élu ne fait qu'avaliser ces lois et ses interventions sont limitées à des cas très restreints. « Au lieu que ce soit le gouvernement qui propose les lois, il se trouve que le Premier ministre délègue ce rôle aux ministres qui, à leur tour, le délèguent à des bureaux ou cabinets spécialisés composés de technocrates qui ne se réfèrent jamais aux élus dans leurs élaborations », dit-il, en notant qu'il s'agit « d'un dérapage qui transfère le pouvoir des élus à des appareils ». Le conférencier prend l'exemple de la réunion de la tripartite, qui se donne pour rôle de prendre des décisions sur la répartition des charges sociales, alors que c'est un domaine relevant du ressort des assemblées élues. La source des lois en Algérie n'est pas seulement un travail de technocrates. Les lois sont aussi l'émanation d'interférences étrangères, précise l'enseignant universitaire, qui relève que « même l'OMC dicte ses lois à l'Algérie et pas seulement dans le domaine économique », tout en soulignant l'apparition de nouvelles bases législatives émanant des lobbys.Le constat de M. Yelles Chaouche est que c'est la fin de la démocratie représentative, qui doit laisser place à la démocratie participative en permettant aux citoyens de participer à exercer le pouvoir. Dans son intervention portant sur « Les mécanismes de l'exercice du mandat par l'élu », le député du FLN, Messaoud Chihab, pose un problème d'autonomie financière. « Il est impératif que les assemblées locales soient dotées d'une bonne marge de liberté pour pouvoir réaliser le développement local », indique-t-il, en plaidant pour une décentralisation de la décision. « L'élu local doit avoir la possibilité et le devoir de prendre des décisions sans en référer au pouvoir central, qu'il s'agisse du chef de daïra ou du wali. L'administration n'a pour rôle que de contrôler par la suite la conformité aux lois. L'administration n'a aucunement le droit d'imposer l'application d'une décision », estime M. Chihab.Ce dernier considère que l'indépendance doit être la règle et le contrôle juste une exception afin de garantir un bon fonctionnement des communes. « Nous restons attachés à l'ancien système français qui place un contrôle rapproché de l'administration sur les assemblées locales. Sommes-nous tenus de garder ce système rejeté par ses propres concepteurs ' », dit-il. Le député FLN évoque la dépendance financière des communes, qui minimise davantage l'autonomie de gestion. « On dit que celui qui paie commande, donc on ne peut pas parler d'indépendance », souligne encore le même intervenant. L'élue du Parti travailliste anglais, Mouni Hamitouche, a tenu à souligner pour sa part que la vraie démocratie passe par l'espace local et doit s'accompagner de mécanismes tels que de vraies élections libres et permettre à l'opposition de s'exprimer.


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