Algérie

L'élite existe… Mais elle se raréfie



« Le monde change d'aspect quand on arrive à ne plus considérer les hommes que comme des âmes en route vers leur destinée éternelle »René Bazin

On a dit souvent que les peuples valent ce que valent leurs élites. C'est vrai. Encore faut-il s'entendre sur le sens de ce mot. Trop longtemps l'élite a été définie comme une classe pourvue d'un droit. Elle le tient d'abord de la naissance. Elle le tient ensuite de la richesse. Ou enfin elle le tient de l'intelligence. Si nous assistons aujourd'hui à l'évanescence de ces élites, ce dont il est de bon ton de se désoler, c'est parce qu'elles avaient cessé d'assumer le rôle qui doit être celui de provoquer la marche en avant de la société tout entière. Heureusement, il restera toujours une élite préservée en dépit que tout autour d'elle est fait pour l'aveulir. Cette élite choit peut-être mais se relève plus forte qu'avant.

Placée dans des conditions périlleuses, en contact avec une réalité écÅ“urante, elle en puise une énergie décuplée. Il restera toujours une élite parce qu'on ne retourne pas si vite à la barbarie et l'obscurantisme. La civilisation ne se réduit guère en un jour. Lentement, elle s'éteint, mais demeure longtemps ardente telle la braise sous la cendre. Pourtant le pessimisme naît lorsqu'il n'existe plus de flamme, que tout semble englouti. Parfois dans un endroit préservé, on s'étonne de quelque belle réussite de l'éducation. Dès qu'on s'éloigne, et immédiatement, de tous côtés retentissent lamentations et clameurs. C'est un fait, l'immense déchet de l'éducation, la piètre qualité des adolescents qui sortent de la main des hommes pour devenir des hommes, dépassent de plus en plus le nombre de personnalités qu'il faut au monde ou même à la société, comme au corps il faut un esprit. Nier cela, c'est nier l'évidence, nier que nous vivons dans un monde dont le déséquilibre est justement la conséquence manifeste de cette carence. Il n'y a plus de levain pour faire lever la pâte.

Au fond, c'est à une décadence de la raison que nous assistons. On ne remonte plus aux causes profondes : les mÅ“urs décadentes ne cherchent que le plaisir immédiat. L'éducation, lanterne de l'élite, n'incarne-t-elle pas les mÅ“urs saines? Ne tend-elle pas à extirper ces vils ébats qui rendent l'individu pervers, décrépi et décadent?

Avoir le béguin pour l'élite ne signifie pas nécessairement prendre place parmi elle. C'est à l'élite que revient le commandement sur les seuls titres du travail et du mérite.    Dans cette ardeur pour atteindre le rang que les capacités assignent, il faut réserver toujours une place aux vertus sociales et civiques, à l'entraide, au désintéressement et à la générosité. La maxime égoïste : chacun pour soi et personne pour tous, est absurde en elle-même et désastreuses en ses conséquences. La devise de l'élite est de se transcender et d'aller au-delà des possibilités pour l'érection d'une société saine. Mais la préface nécessaire à toute construction c'est d'éliminer l'individualisme destructeur, destructeur de la famille dont il brise ou relâche les liens, destructeur du travail à l'encontre duquel il proclame le droit à la paresse et enfin destructeur de la Patrie dont il ébranle la cohésion quand il n'en dissout pas l'unité.

Il n'est nullement demander d'abdiquer à l'indépendance de chacun, rien n'est plus légitime que la passion propre à soi. Mais l'indépendance peut parfaitement s'accommoder de la discipline, tandis que l'individualisme tourne inévitablement à l'anarchie qui ne trouve d'autre correctif que la tyrannie. Le plus sûr moyen d'échapper à l'un et à l'autre, c'est d'acquérir le sens de la communauté, sur le plan social comme sur le plan national. Il restera toujours une élite. Quand bien même qu'elle subirait les affres de la de l'arbitraire et de l'iniquité, elle ressurgirait telle une lumière dans la pénombre. Mais faut-il encore que cette élite se pose la question : est-il permis d'être injuste pour préserver un quelconque grand intérêt ? Non, cela ne se peut. Il n'y a point d'accommodement avec la conscience : il faut lui obéir et être juste ou lui désobéir et être criminel. Les faux-fuyants, les dérobades ne sont que de l'hypocrisie, du vice sans courage et sans franchise. Il n'est même pas permis de tergiverser quand la conscience a parlé. Sa souveraineté est aussi jalouse qu'absolue.

En présence de la loi morale il n'y a pas de refuge. On ne doit compter ni la douleur, ni la mort ni même la honte. Il restera toujours une élite quand le devoir sera brandi au-dessus de tout, de tous les intérêts, de toutes les amours. Il n'y a point deux devoirs ni deux morales ni deux façons d'interpréter le devoir. Ceux qui font appel aux circonstances ou aux besoins pour le transgresser, ne connaissent pas le devoir. Ce sont des âmes dépravées, qui ne connaissent pas la sainteté du devoir. Elles ne lui obéissent dans les circonstances ordinaires que par orgueil ou par habitude.








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