Algérie

L'effet boomerang d'une gestion populiste



Le revirement des autorités dès 2011 était pour le moins antiéconomique, de l'avis même de certains banquiers de la place qui témoignent avoir subi des pressions plaidant pour l'assouplissement des conditions d'accès au crédit.La révision à la baisse des financements destinés aux microentreprises et le resurgissement de l'épineux problème des créances impayées sont deux indicateurs qui confirment l'essoufflement des dispositifs de soutien à l'emploi des jeunes, dont l'Ansej, la Cnac et l'Angem. Alors que s'avive la protestation des bénéficiaires des crédits Ansej-Cnac, le ministère de tutelle est sorti de ses gonds pour rejeter en bloc l'idée d'effacer les dettes et les ardoises fiscales des entrepreneurs "insolvables". Ceux-ci ne décolèrent pas pour autant et menacent de revenir à la charge dans les jours à venir. Avec la fin programmée des subventions à tout-va, les politiques de soutien à l'emploi telles qu'envisagées jusque-là étaient vouées à l'échec, voire à la disparition étant donné qu'elles ne tenaient compte que d'un seul paramètre politico-social qui consiste à acheter la paix sociale quitte à appuyer davantage sur le champignon de la dette. Le défi économique était relégué au second palier des priorités notamment depuis 2011, date à laquelle le dispositif Ansej est passé entre les mains des politiques. Acculé par un Printemps arabe qui toquait à la porte, l'Exécutif décide de casser la tirelire et invite les banquiers à ne plus s'ériger en écueil sur le chemin des demandeurs de crédits. "Mariez-vous avec", "Allez voir l'Ansej", "C'est mon cadeau du printemps", lançait Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, à l'adresse des jeunes demandeurs d'emploi, comme pour tenter de couper les fils d'une bombe dont le compte à rebours était déjà enclenché. Commença alors la ruée vers "l'argent de Bouteflika". Les banquiers se heurtaient pendant de longs mois à une situation à la fois inédite et problématique ; financer des projets peu viables en faisant fi des règles et des conditions en matière d'octroi de crédits aux fins d'investissement. Pour preuve, le nombre de projets financés depuis janvier 2011 à fin 2016 était de 367 980, alors que le nombre de projets financés depuis la création de l'Ansej au 31 décembre 2010 était de seulement 140 503. Les promoteurs à faible qualification, issus essentiellement des centres de formation professionnelle, pesaient pour près de 70% dans l'ensemble des bénéficiaires de crédits, alors que le taux des promoteurs universitaires financés par l'Ansej ne dépassait pas les 20% à fin 2016. Le revirement des autorités dès 2011 était pour le moins antiéconomique, de l'avis même de certains banquiers de la place qui témoignent avoir subi des pressions plaidant pour l'assouplissement des conditions d'accès au crédit.
Les répercussions de cette politique se traduiront quelques années plus tard par la hausse du montant des créances impayées ainsi que par des centaines de situations litigieuses opposant les banques, publiques essentiellement, aux bénéficiaires de crédits. La protestation organisée la semaine dernière par des centaines de promoteurs financés dans le cadre des dispositifs Ansej-Cnac-Angem n'est que l'expression d'une mauvaise gestion que les politiques n'ont jamais voulu assumer. En mars 2017, Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, a estimé à 681 milliards de dinars le montant des crédits alloués à travers les différents mécanismes de soutien à l'emploi des jeunes.
Les retards dans le remboursement ne représentaient, selon lui, que 19% à fin 2016. Quant à son successeur, Ahmed Ouyahia, il avait évalué les créances bancaires non recouvrées à 800 milliards de dinars à fin septembre 2017. Sur la liste des mauvais payeurs cités par Ouyahia figurent les microentreprises relevant du dispositif de l'Ansej qui cumulaient une ardoise de quelque 100 milliards de dinars. En tout cas, les différents gouvernements qui se sont succédé aux commandes refusent catégoriquement d'être responsables de la mauvaise gestion de ce dossier. Celui-ci risque encore de faire parler de lui, à la veille d'une échéance électorale propice aux décisions populistes.
Ali Titouche


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