Algérie

L’écrivain Yasmina Khadra à La voix de l’Oranie



«J’ai refusé un prix au Mexique par égard pour mon pays» En marge de la cérémonie organisée récemment à son honneur au siège de la wilaya d’Oran par l’Assemblée Populaire de Wilaya, le romancier Moulessehoul Mohamed, plus connu sous le nom de Yasmina Khadra, a bien voulu nous entretenir de ses rapports à l’écriture, de son pays l’Algérie et de ses projets d’avenir. La voix de l’Oranie: Vous êtes aujourd’hui un écrivain qui a une notoriété universelle. Comment la vivez-vous? Yasmina Khadra: Le parcours n’a pas été facile, c’est un aboutissement de l’effort, de l’endurance et une foi en ma mission. Ecrire signifie être humain et proche des autres. Mon universalité, je l’ai acquise à la faveur de mes écrits dans lesquels je ne me suis jamais focalisé sur mon pays et je pense que c’est dans la manière de décrire cette réalité que réside le succès. -Ne croyez-vous pas que c’est le retard dans l’importation de vos écrits, dont la plupart ont été publiés en France, qui a grandement contribué au début à votre méconnaissance par le lecteur algérien? -Cela pourrait être un des facteurs auxquels on pourrait ajouter la cherté du livre. En Algérie, le livre n’est pas soutenu et c’est là un autre motif qui pousse le peu de lecteurs à déserter la lecture. -Percevez-vous le manque de célébrité dans votre propre pays comme une marginalisation? -Il faut dire la vérité, l’Algérie n’a pas toujours été à la hauteur des ambitions de ses propres fils, sinon comment expliquer que mes publications soient traduites en trente-trois langues alors que dans mon pays, on ne connaisse rien de moi. -Quel sens donnez-vous à cet hommage? -L’initiative est fort louable mais tardive car elle aura été précédée par d’autres marques de reconnaissance de pays que j’ai visités et de la part de prestigieuses personnalités qui ont un poids politique et international, notamment le dernier hommage en date de la part du président et ministre de la culture français qui aura été précédé de plusieurs autres en diverses occasions. -Pour rester en France, vous avez été désigné à la tête du centre culturel algérien à Paris. Un mot sur cette nomination? -Cette désignation constituerait un motif de fierté pour n’importe qui. Les responsables du pays m’ont investi de leur confiance en mes capacités à faire rayonner le patrimoine algérien, en France mais aussi au niveau européen, un hommage pour la nation arabe et plus particulièrement pour l’Algérie. -Selon certaines déclarations parues dans plusieurs journaux et organes de presse, cette nomination aurait discrédité affecté votre personnalité d’écrivain. Votre point de vue? -Des paroles sans fondement et des accusations gratuites. Ils ont même dit que j’avais vendu mon âme au système et d’autres déclarations de ce genre. A ces gens, je réponds que mon acceptation de ce poste au centre culturel algérien à Paris est une marque d’amour pour mon pays et ma culture et rien de plus. -Quelle aura été votre contribution à ce centre culturel depuis votre nomination? -Un effort a été accompli avec le concours du personnel du centre en vue de faire de cette institution un moyen de diffusion de la culture algérienne. J’ai essayé de diversifier les activités et d’assurer une liaison entre la culture et l’art. J’ai donc lancé des invitations à des artistes plasticiens et hommes de culture algériens, mais aussi à des philosophes et des intellectuels d’autres pays tels que l’Allemagne, les USA ainsi que des écrivains. Mais j’ai été frappé à chaque fois par la faible assistance. Ce centre culturel est un espace de rayonnement de la culture algérienne comme il se fait dans d’autres centres culturels. On s’est suffi de ma nomination à la tête de cette institution. Il n’y a pas d’action de continuité et de collaboration réelle. Si les choses continuent ainsi, je me verrais dans l’obligation de quitter ce poste et me réserver exclusivement à l’écriture. -Vous avez animé tant de conférences dans des universités et instituts à l’étranger, qu’en est-il de l’Algérie? -J’ai eu en effet maintes occasions de résider et d’animer des conférences dans de grandes universités étrangères en présence d’un grand nombre d’étudiants et d’enseignants. A Hong-Kong, j’ai animé une conférence devant 800 personnes, par contre j’en ai animé une à l’université de Mostaganem où l’assistance ne dépassait guère les cent personnes. A vous de juger et de tirer les conclusions sur cette différence. -Vous avez refusé une distinction au Mexique. Pourquoi ce refus? -Le motif est dû aux fausses interprétations de l’époque qui visaient à discréditer le pays et l’institution militaire qu’on accusait à tort des événements sanglants qu’a connus le pays durant la décennie noire. En tant qu’Algérien et ancien militaire, mon profond patriotisme m’a poussé à privilégier mon pays à la notoriété. Le prestige de mon pays n’a pas de prix. J’ai donc refusé un prix qui me serait attribué au détriment de mon pays. -Quel a été l’impact de la décennie noire dans les romans de Yasmina Khadra? -La décennie noire qui a ensanglanté l’Algérie m’a incité à puiser dans cette réalité pour parler de l’homme et de cette triste réalité pour transmettre un message de paix et de défi à quiconque ose toucher le pays. J’ai donc défendu mon pays par le truchement de ces écrits et j’ai fait connaître une autre Algérie qui n’est pas productrice de terroristes. J’ai ainsi réussi à briser cette image typée qui a été collée à l’Algérie pour de longues années. -Vous revenez souvent à Oran. Comment retrouvez-vous cette ville après chaque absence? -Oran est une ville magique et belle, mais il y manque tant de choses. On y dépense des milliards pour des constructions hideuses mais pas un seul sou pour la culture et sa redynamisation. C’est pour cette raison que je ne ménagerais aucun effort, en collaboration avec les autorités locales, pour faire de cette ville un pôle culturel et touristique. J’attends leur feu vert pour réaliser ce rêve. -Quelles sont les lectures préférées de Yasmina Khadra? -J’aime lire Malek Haddad, Réda Houhou et Mohamed El Aïd Al Khalifa que je considère comme les piliers de la littérature algérienne. -Le dernier Yasmina Khadra? -Il vient d’être publié en France, le 21 août, et l’action se situe à Oran. Le roman, qui se situe durant la colonisation et se situe dans la période entre 1936 et 1962, raconte l’histoire de deux personnes de deux communautés différentes qui vouent le même amour à le pays. Entretien réalisé par Nadia B. & G.M.


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