Algérie

L'écrivain de Yasmina Khadra, (Roman) - Éditions Julliard, Paris 2001



L'écrivain de Yasmina Khadra,  (Roman) - Éditions Julliard, Paris 2001
L'histoire d'un Cadet
Le récit dévoile l'itinéraire d'un homme qui tente de rattraper la vie et le destin.

"Le hasard, souvent - pour prouver qu'il n'est pas le parent pauvre des destinées et qu'il a lui aussi voix au chapitre - emprunte au sort son ironie…", peut-on lire dans ce dernier ouvrage paru le 15 janvier aux éditions Julliard, en France.

La destinée pour Mohamed Moulessehoul, sera le choix de son père. Par un matin de brume, un enfant, en effet, dans l'Algérie de cette année 1964, sera conduit par son père à l'école des Cadets : "un collège prestigieux où l'on dispensait la meilleure éducation et la meilleure formation, où l'on allait faire de moi un futur officier…". D'Oran à Tlemcen, jusqu'à l'école d'El-Mechouar, l'auteur relate le voyage avec les yeux de l'enfant qui vit sa première déchirure. Rupture avec sa famille, sentiment d'abandon, et plongée dans l'univers aride du pensionnat : "je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'étais si heureux chez nous", écrit-il. Mais le bonheur de l'enfance ne sera plus jamais ce qu'il a été. D'abord, parce que cet éloignement du foyer le fragilise à l'école où la dureté du règlement a tôt fait de consumer ses chagrins. Ensuite, les bouleversements même au sein de la famille, répudiation de sa mère, ne font qu'ajouter au sentiment d'orphelin adopté par l'Armée. Le propos aurait pu être banal, sans la sensibilité d'un auteur au regard à la fois chargé d'une immense tendresse et d'une implacable lucidité.

Les joies succèdent aux malheurs et inversement. L'école des Cadets, ce sera aussi en dépit des mauvais traitements, des souvenirs de solidarité, de camaraderie, d'affection. Le roman est d'ailleurs dédié aux Cadets. Autobiographie romancée, ce livre se dévore se parcourt avec plaisir grâce à une écriture dense, fluide sans "faux pas et sans faux mots." L'adolescent brûle déjà d'une passion dévorante pour les livres et l'écriture.

D'une certaine manière, le récit dévoile l'itinéraire d'un homme qui tente de rattraper la vie et le destin qui lui échappe, a contrario des desidrata de ses parents qui investissent tous leurs rêves en lui. Un sens de la description, un refus de la psychologie didactique, font de cette narration, un des grands textes de la littérature algérienne. Qu'il s'agisse de portraits, ou des rapports humains, l'auteur sait saisir, restituer la vérité et l'essence des choses qui l'entourent. La famille algérienne est particulièrement bien vue. Reste l'école et la symbolique qu'elle représente, sans doute la souffrance de la marginalisation pour une élite éprouvée par l'évolution du pays. Le passage consacré à Saïd Makhloufi, n'a rien d'anodin. C'est le seul passage du livre qui fait allusion à des évènements récents, alors que le récit est circonscrit dans le temps de l'enfance et de l'adolescence. Il entre d'avantage que de la biographie dans ce livre. Il y entre de "l'histoire" et si l'histoire qu'il contient peut être faussée par des libertés que l'intrigue ou la construction littéraire exige, on pardonnera facilement à un écrivain qui est allé jusqu'u bout. L'autre mérite du texte est qu'il ne se risque pas à figer le monde entre anges ou démons. Il est avant tout une grande histoire d'amour.


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