Joël Ruet est spécialiste des économies
des pays émergents dont celles de la Chine et de l'Inde. Il soutient dans cet
entretien l'idée du Cercle d'Action et de Réflexion autour de l'Entreprise
(CARE) de créer un corridor économique entre l'Algérie et le Maroc sur le
modèle de ceux qui favorisent aujourd'hui une relation économique de proximité
réussie entre la Chine et l'Inde.
- Le Cercle d'action et de réflexion
autour de l'entreprise (CARE) plaide pour la création d'un corridor économique
et commercial entre les pays du Maghreb et entre l'Algérie et le Maroc en
particulier. Ses membres veulent s'inspirer des modèles indien et chinois sur
lesquels vous avez fait une intervention, dimanche dernier, à Alger. Ont-ils
raison de vouloir le faire ?
Ils ont absolument raison de vouloir le
faire. Les difficultés existent et ne doivent pas être sous-estimées. Mais
elles ont vocation aussi d'être contournées. L'inde et la Chine n'ont pas les
mêmes lectures ni les mêmes visions sur de nombreux dossiers internationaux et
régionaux surtout. Mais elles ont appris à travailler ensemble et – ce qui est
très intéressant à observer- à dépasser certains problèmes. Il y a eu dans le
passé des différends territoriaux entre ces deux pays mais ils n'ont pas duré
longtemps et, en tous cas, perdu de leur intensité, parce que leur voisinage
est devenu depuis quelques années un réel atout économique. Le fait qu'ils
entretiennent avec succès des relations économiques et commerciales de
proximité- 60 milliards de dollars actuellement contre 1 milliard en 2005- est,
en effet, motivant pour les opérateurs algériens qui veulent voir cette
expérience se concrétiser au Maghreb et entre l'Algérie et le Maroc.
- Au cours du débat qui a suivi votre
intervention, de nombreux experts se sont montrés sceptiques à l'idée de «tirer
profit des laboratoires indien et chinois» et ont estimé que les exemples de
ces deux pays – des géants économiques- n'étaient pas comparables à ceux du
Maghreb où les marchés sont de petites tailles.
Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas comparable. Certes l'Inde et
la Chine sont des géants économiques et ont des marchés qui n'ont rien à voir
avec ceux du Maghreb. Mais il faut se rappeler aussi qu'en Chine et en Inde, il
y a aussi des économies régionales ou territorialisées qui puisent leur
pertinence des échanges économiques et commerciaux du voisinage géographique.
Bien sûr qu'il ne s'agit pas de généraliser un exemple à tous les cas de
figure. Mais il y a lieu de s'intéresser au fonctionnement de ces relations
économiques de proximité et de voir comment et pourquoi elles fonctionnent
bien.
- L'écueil politique, la fermeture des
frontières entre l'Algérie et le Maroc, le non convertibilité du dinar sont les
facteurs de blocage qui ont été entre autres cités par les intervenants. A la
fin, on remarque qu'ils sont trop nombreux pour ne pas rendre décourageante
l'idée d'une intégration économique maghrébine….
De nombreux points de blocage ont été identifiés, en effet. Ce qui
me paraît important, c'est de les hiérarchiser et d'identifier ceux qui peuvent
être traités et levés. Le Yuan chinois n'est pas convertible mais cela n'a pas
empêché les opérateurs chinois de travailler avec leurs voisins indiens… Je
cite cet exemple au passage pour dire que ce n'est déjà pas mal que l'ensemble
des acteurs en Algérie aient bien en tête les questions qu'il faut traiter un
jour. D'autant que l'essentiel n'est pas d'aller très rapidement vers
l'instauration de corridors économiques et commerciaux entre l'Algérie et le
Maroc. L'essentiel est dans la mise en place d'un bon cadre qui permet à
quelques acteurs économiques de faire leurs preuves et de démontrer leur
efficacité tout en rassurant le politique. Il y a, en Algérie, des opérateurs
qui souhaitent tenter l'expérience. Il faut les laisser faire, je pense, et
observer les résultats qu'ils auront. Les dirigeants chinois ont fait la même
chose avec leurs opérateurs qui travaillent aujourd'hui avec l'Inde. Ils ont
réussi à créer des zones économiques très créatives et très compétitives.
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Posté Le : 01/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Léna Saïd
Source : www.lequotidien-oran.com