Algérie

l'économie otage des luttes de pouvoir Absence prolongée du chef de l'état



L'absence du président de la République pendant plus de 80 jours, n'a pas mis le pays «en panne», selon les termes utilisés dans la presse par le président du forum des chefs d'entreprise.L'omniprésence du premier ministre a permis d'assurer «la gestion courante des affaires du pays et c'est pour cela que sur le plan local, l'absence n'a pas été ressentie, ce qui n'a pas été le cas sur le plan international et de la coopération bilatérale et multilatérale», estime Abdelmalek Serrai, expert international. Pourtant, s'il est un signe de retard causé par la maladie du Président, c'est bien la non-adoption de la loi des finances complémentaire 2013, avec ses conséquences sur le plan des investissements. Lorsqu'il avait reçu le Premier ministre aux Invalides, le président Bouteflika l'avait «instruit» de «finaliser ce projet de loi, ainsi que l'ensemble des autres projets, examinés par le gouvernement, afin qu'ils soient prêts pour adoption au prochain Conseil des ministres».
Cette LFC 2013 est censée «prendre en charge les nouvelles dépenses urgentes et imprévues de 2013, entre autres, le financement des préparatifs de l'organisation de la manifestation culturelle ''Constantine capitale de la culture arabe pour 2015''», avait indiqué le ministre des Finances, Karim Djoudi. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé récemment que cette loi serait adoptée prochainement et que «beaucoup de mesures y seront incluses pour faciliter davantage les procédures pour les investisseurs, notamment algériens».
En revanche, pour ce qui concerne les mesures supplémentaires en faveur de l'emploi et de l'investissement dans le Sud, M. Djoudi avait déclaré en mars, que la question n'était pas à l'ordre du jour de la LFC. Habituellement adoptée par ordonnance présidentielle, la LFC 2013 attendra encore, mais, pas de quoi s'alarmer, selon Zaïm Bensaci, président du Conseil national consultatif de la promotion de la PME. «Nous ne sommes pas à un mois près», dit-il. Et «quand on sait que les budgets dans les différents ministères n'ont pas encore été mis en place, car les arbitrages du ministère des Finances n'ont pas encore été achevés, alors on peut considérer que la LFC n'a pas de retard». Et puisque le Président est rentré, «il pourra désormais la signer».
Par ailleurs, du fait que la loi des finances avait déjà été votée, «il n'y a donc pas eu d'impact sur le travail du gouvernement et les différents ministères ont continué à fonctionner», selon l'économiste, Abderrahmane Mebtoul. Toutefois, ce qui risque de poser problème, c'est «l'efficacité de la dépense», dit-il, car «il y a eu une démobilisation des responsables qui sont cooptés par le clan présidentiel et qui sont inquiets», cela d'autant que M. Sellal n'a pas de prise sur ses ministres, la plupart ayant été nommés par le Président et font partie du clan présidentiel.
Diminué
La présence de Bouteflika aurait-elle pu entraîner une quelconque décision stratégique ou spectaculaire sur la scène économique du pays ces deux derniers mois ' Peu sûr. L'ancien député à l'Assemblée populaire nationale, Boubekeur Derguini, cite l'exemple de Renault qui, «après avoir pris un engagement et paraphé un contrat, en présence des deux présidents algérien et français, a décidé de revoir le contrat à son avantage dans tous les aspects de l'investissement».
Selon lui, «la présence du Président n'aurait pas changé grand-chose» dans cette affaire, ni dans d'autres problèmes structurels liés par exemple au «traitement réservé à l'accès au foncier industriel, agricole et touristique dans le cadre des nouveaux dispositifs, qui continue à se dérouler dans l'opacité, et semble répondre à des critères plutôt clientélistes». Car au final, c'est «la logique du système qui prévaut». En somme, hormis la LFC 2013, «il n'y a pas eu de retards sur le plan économique», selon M. Bensaci, qui en veut pour preuve la tenue du forum du cinquantenaire du CNES dont les recommandations doivent encore être examinées et validées par chef de l'Etat, l'adoption de la stratégie industrielle par le gouvernement, qui fera l'objet d'un examen par la tripartite, et le bal des délégations étrangères qui sont venus «rechercher des parts de marché».
En dehors de cela, «il n'y a pas eu de décision majeure qui aurait nécessité l'aval du Président».
Pourtant, sur le plan des relations internationales et de la coopération, M. Serrai reconnaît que «l'Algérie a été sérieusement diminuée» du fait de l'absence du Président, qui a pesé dans certaines rencontres, comme au 21e sommet de l'Union africaine en mai dernier, ou encore lors de la visite officielle du Premier ministre turc, Tayp Erdogan, au début du mois de juin. La diplomatie algérienne a été «très calme et même un peu en retrait et cela s'est fait ressentir», selon notre interlocuteur. «Le président est connu pour être un grand diplomate et son poids a manqué dans les rencontres arabes et africaines, compte tenu de la place de l'Algérie dans les organisations internationales panafricaines, et panarabes.»
Expectative
Quant aux délégations (espagnole, française, turque' ) qui ont visité l'Algérie et qui étaient parfois conduites par de hauts responsables, comme dans le cas de la Turquie, M. Serraï pense qu'en l'absence du Président, il a manqué «des décisions courageuses» qui auraient pu être prises. «On aurait pu aller loin avec la Turquie, vers une coopération militaire, par exemple, et intra-méditerranéenne compte tenu du poids des deux pays dans la région». Pas sûr, estime M. Bensaci. Ces délégations sont venues dans une «logique de prospection de marché, d'abord, car au final, leurs entreprises veulent vendre et je ne vois pas de décisions stratégiques qui auraient nécessité la présence du Président».
Une position partagée par l'économiste Abderrahmane Mebtoul, pour qui les étrangers «savent très bien comment fonctionne le système algérien et ne jouent pas avec leur argent. Ils savent très bien que si demain il y a un changement de Président et de gouvernement, beaucoup de choses vont changer». Ils sont donc «dans l'expectative». Par ailleurs, en termes de relations économiques, et en dépit de «l'activisme» du ministre de l'Industrie, Cherif Rahmani, «il ne faut pas s'attendre à des opérations concrètes, à moins que ce soit l'Algérie qui supporte les surcoûts», dit-il. Anormale et controversée, l'absence prolongée du Président n'a pas été sans incidences, aussi bien sur le plan politique, qu'économique, mais «le pays a des bases qui font qu'il peut fonctionner sans qu'il y ait un effondrement ou que les fondements de l'Etat soient touchés», commente M. Bensaci. Reste à savoir jusqu'à quand.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)