Algérie

L?économie factice



Il ne se passe pas une semaine sans qu?un dirigeant ne s?enthousiasme devant la poignée de milliards de dollars engrangés ces dernières années par l?Etat comme si cet argent aurait été arraché de haute lutte alors qu?il n?est que le fruit d?une conjoncture mondiale exceptionnelle en matière de prix du pétrole. Cette cagnotte est de surcroît dérisoire comparativement à ce qui se brasse en affaires dans les pays développés : elle n?équivaut qu?au total des exportations de jus de fruits de l?Etat de Californie. Certes, ces quelques sous sont les bienvenus pour un pays qui a vécu des décennies de disette, mais ils sont loin de répondre aux besoins multiformes d?une population de trente-deux millions d?habitants. L?utilité de ces pétro-dinars cache leur danger : ils voilent le problème essentiel de l?économie algérienne qui est son incapacité structurelle à produire de la richesse interne et sa totale dépendance à l?égard d?une matière première périssable et volatile sur les marchés internationaux. Les gens du FMI ont bien raison de dire qu?il est dangereux d?augmenter les salaires s?il n?y a pas leur équivalent dans la production nationale de biens et services. Et si l?UGTA les contredit, c?est bien pour des raisons autres que celles liées à la rationalité et à la prudence économique. D?ailleurs, cet argent est en train de fondre comme neige au soleil dans la frénésie qui s?est emparée dans le domaine de l?importation. Près de quinze milliards de dollars pour le seul premier semestre 2005, alors même que les exportations hors hydrocarbures sont en chute libre et représentent la somme dérisoire de 0,34 milliards de dollars, toujours es trois premiers mois de l?année 2005. C?est dire toute l?ampleur du désastre d?une économie qui ne sait qu?acheter sans rien produire, où agonise un secteur public réduit à l?état de cadavre mais maintenu sous perfusion à coups de milliards, où arrive difficilement à se frayer du chemin un secteur privé dont les capacités créatrices ne sont pas mises en valeur en l?absence de réformes audacieuses et profondes. C?est là que le bât blesse, dans cette incapacité des dirigeants politiques à bousculer l?ordre établi, à aller au-devant des risques et des pesanteurs. La frilosité qui les caractérise tient moins de la prudence que d?une crainte de voir s?échapper à tout jamais la rente qui nourrit le régime politique et irrigue le système qui le sous-tend. L?économie algérienne toujours en otage et constamment sacrifiée à l?autel de la soif du pouvoir.


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