Algérie

L'économie égyptienne profiterait à terme de l'investissement dans la démocratie



Les bouleversements politiques ont des incidences négatives immédiates sur les économies que les agences de notations s'empressent de traduire. L'Egypte n'y échappe pas. Mais des projections optimistes laissent prévoir que sur le plus long terme la démocratisation sera génératrice de rythme de croissance plus soutenu. Etat des lieux…

Les autorités égyptiennes multiplient les signaux rassurants en direction des investisseurs, qui craignent que la période de transition ne soit marquée par de nouveaux troubles. Leurs efforts sont bien appuyés au niveau international. Les Etats-Unis se sont engagés à leur fournir un soutien financier de 150 millions de dollars. L'Arabie Saoudite est également mobilisée pour les aider à renflouer leurs caisses. Selon le secrétaire général de l'Union des investisseurs arabes, Djamel Bayyoumi (le site Internet de la chaîne panarabe Al Arabia, 19 février 2011), elle a lancé la collecte de 5 milliards de dollars de dons à leur octroyer. Les dommages subis par l'économie égyptienne depuis le 25 janvier 2011 sont au nombre de trois : la baisse de la valeur de la livre, l'effondrement de la Bourse et le recul des recettes en devises. D'autres sont prédits pour les mois à venir comme l'aggravation de l'inflation si les augmentations salariales sont financées par le simple recours à la planche à billets.

Chute de la livre : effets positifs et négatifs

Les cours de la livre égyptienne ont chuté à leur plus bas niveau en six ans, à 5,96 pour un dollar, avant que la Banque centrale n'intervienne la semaine dernière, pour les redresser (ils sont actuellement à 5,88 pour un dollar) en mettant sur le marché des changes d'importantes quantités de devises. Il faut, toutefois, noter que cette chute a commencé avant les manifestations du 25 janvier 2011. Elle a été provoquée par d'importants transferts de devises à l'étranger. La raison de ces transferts demeure imprécise mais il est légitime de croire qu'ils ont traduit la peur d'une réédition du scenario tunisien en Egypte. Il faudrait aussi souligner que pour certains analystes (comme, par exemple, les rédacteurs du rapport hebdomadaire du puissant holding koweitien Al Mazaya, présent dans tout le Proche-Orient), la dépréciation de la monnaie égyptienne n'a pas que des effets négatifs. Elle pourrait engendrer l'augmentation de la valeur des transferts des expatriés (7,6 milliards de dollars en 2008/2009), attirer des investisseurs étrangers désireux d'acquérir des participations dans les sociétés locales et, surtout, des biens immobiliers, et, enfin, rendre plus concurrentielles les exportations (à l'évidente condition que l'instabilité ne s'aggrave pas davantage.

La Bourse toujours fermée

A ce jour, la Bourse du Caire demeure fermée de peur qu'elle ne s'effondre si elle reprend ses activités dans des conditions d'incertitude politique. Elle a perdu en deux séances (les 26 et 27 janvier 2011) 12,5 milliards de dollars. Cependant, là aussi, il faudrait nuancer le tableau, affirment des spécialistes dans la presse égyptienne, rappelant que ce niveau de perte avait été constaté pas plus tard qu'entre le 28 avril et le 25 mai 2010 (-21%) et moins récemment encore, en octobre-novembre 2009 (-19%).

 D'autres voix aussi peu pessimistes jugent que si les échanges reprennent sur la place boursière, ils pourraient se focaliser - du moins dans un premier temps - sur l'achat des valeurs en baisse dans le but de les céder plus tard à de meilleurs prix. C'est là, par exemple, le pronostic qu'a fait le 12 février 2011 dans le journal électronique «Al Iqtissadia», Mohamed Ibrahim Al Saqqa, professeur d'économie à l'Université de Koweït City.

Baisse des revenus du tourisme

Des quatre sources des rentrées en devises de l'Egypte, le tourisme (en 2008, 13 millions de visiteurs, 11,1% du PIB, et 12% de la population occupée) est celle qui s'est le plus tarie. Bien que les préjudices qu'a subis le secteur (annulations de réservations, etc.) ne puissent, pour l'heure, être quantifiés de façon précise, il est peu probable que ses recettes escomptées pour l'année financière 2010-2011 (14,2 milliards de dollars selon les chiffres publiés le 12 février 2011 par «Al Iqtissadia») puissent être atteintes.

L'explosion d'un gazoduc dans le Sinaï, le 5 février 2011, n'a pas eu pour conséquence des perturbations majeures des exportations d'hydrocarbures qui ont même tiré bénéfice de la hausse des cours du brut sur les marchés internationaux. A en croire les déclarations officielles, la navigation maritime dans le Canal de Suez (4,7 milliards de dollars en 2008/2009) n'a pas été troublée ces dernières semaines. Quant aux transferts de devises par les expatriés, ils ont certainement reculé à cause de la fermeture des banques pendant une longue période. Toutefois, comme le souligne l'économiste Mohamed Ibrahim Al Saqqa («Al Iqtissadia», 12 février 2011), étant pour l'essentiel destinés à soutenir les revenus familiaux et non à être investis, il est peu probable qu'ils baissent à cause de la situation politique du pays.

Affaiblissement attendu des flux d'IDE à court terme

Aucune firme étrangère n'a annoncé son intention de délocaliser ses activités ou de les suspendre. Cependant, le flux des investissements directs étrangers (6,8 milliards de dollars entre 2009-2010) ne pourra pas atteindre les chiffres espérés par le gouvernement démis d'Ahmed Nazif. Les analystes du holding Mazaya expliquent, dans un récent rapport de conjoncture sur l'Egypte, que «les investisseurs préfèrent la prudence en attendant la tenue des élections présidentielles». La nouvelle ministre du Commerce et de l'Industrie, Samiha Fawzi, tente de transmettre aux hommes d'affaires son optimisme. Le 16 février dernier elle a affirmé que «le nouveau climat de démocratie ne fera qu'améliorer le climat économique». Cet optimisme est certes nécessaire pour apaiser les inquiétudes intérieures et extérieures. Cependant, si l'amélioration de la situation sécuritaire peut attirer les IDE, celle des salaires ne joue pas le même rôle. Sous la pression d'une importante vague de grèves, les revenus (particulièrement bas) des travailleurs et des fonctionnaires pourraient être relevés, ce qui, naturellement, signifierait pour les investisseurs une dévaluation de la compétitivité de la main-d'Å“uvre égyptienne.

Déficit budgétaire mais croissance à long terme

Les menaces pesant sur l'économie dans les mois à venir sont principalement l'aggravation de l'inflation et du déficit budgétaire et le ralentissement de la croissance. La baisse de la valeur de la livre se traduira, de l'aveu de la ministre du Commerce et de l'Industrie (le quotidien «Al Chourouk», 20 février 2011) par l'explosion des prix des biens importés. Le déficit du budget augmentera à cause des dépenses inattendues engagées par le gouvernement (relèvement des salaires des fonctionnaires de 15%) mais aussi du recul des revenus fiscaux (dû au ralentissement de l'activité économique, notamment dans le tourisme). Dans une déclaration à la presse le 18 février dernier, le commissaire adjoint de la Banque centrale, Hicham Ramez, a situé entre 3 et 3,5% le taux de croissance prévisionnel du PIB d'ici à la fin de l'année financière (fin juin 2011), en baisse de 2,5 à 3 points par rapport à celui prédit par le gouvernement Nazif. Ce ralentissement de la croissance ne paraît pas faire peur aux instances économiques internationales, déterminées à soutenir l'Egypte pour d'évidentes raisons géopolitiques. Par la voix de son directeur Moyen-Orient/Asie centrale Messaoud Ahmed (le 18 février 2011), le FMI a même estimé qu' «à long terme, la vague de protestations (au Proche-Orient, NDLR) et les éventuelles mutations démocratiques sur lesquelles elles pourraient déboucher permettront aux économies de la région d'atteindre des rythmes de croissance plus rapides».




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