L'école et un monde sac à crabes

Tous cycles confondus, onze millions d'élèves sont sur la ligne de départ pour entamer une nouvelle année scolaire. Près d'un million d'entre eux s'y engageront pour la première fois et près de 600.000 enseignants devront prendre sur leurs dos le poids d'une éducation scolaire particulière dont le flou et l'articulation restent certifiés.Les chiffres sont effarants en comparaison avec n'importe quel pays et les présentes données ont de quoi donner le tournis pour une nation d'environ 45 millions d'âmes, encore en état d'accouchement d'une société sereine où chaque citoyen est en attente d'une vie sans tracas de l'esprit et dans la plénitude de la paix.
Il est prévu quelques changements dans le déroulement et le contenu scolaires, mais les retouches annoncées semblent manquer de hardiesse et la tendance du moment empreinte d'une timidité politique a l'air d'occulter l'essentiel. Le débat actuel est prisonnier du sujet du poids des cartables au lieu de se focaliser d'abord sur la nécessité impérieuse d'alourdir la richesse des cerveaux. L'eau du bain idéologique est toujours en ébullition sans que l'on puisse, une bonne fois pour toutes, s'accorder sur le chemin à suivre pour que l'Algérie se conforme aux profondes empreintes du siècle. L'introduction de l'apprentissage de la langue anglaise n'a pas l'air d'avoir bénéficié d'une logistique humaine et matérielle adéquate et certains sont convaincus que la décision repose sur un hâtif coup de tête
On connaît le nombre faramineux d'enfants et d'adolescents scolarisés et on sérine à l'extrême les efforts financiers gigantesques de l'Etat au bénéfice de l'école algérienne. Mais on ne maîtrise pas malheureusement la quantité des diplômés chômeurs pour que l'on puisse s'éclairer sur le rendu humain sur un colossal investissement. Le pesant budget consenti, cependant, n'est pas seulement le tribut accordé par l'Etat, il est aussi sacrifice obligé des parents dont certains, nombreux, s'écorchent la peau pour tenter de garantir un avenir assuré pour leurs enfants.
Familles et Etat sont face à un monde qui s'est transformé en véritable sac à crabes. Des sociétés se disloquent, incapables d'assurer leurs survies. Quelques-unes ont pu tirer leurs épingles d'un terrain miné avec de très lourdes inconséquences. Celles-là le doivent d'abord à leurs écoles érigées en efficaces temples du savoir et de la connaissance.