Le primaire, un passage obligatoire pour les hautes étudesAujourd'hui, on en est à écarquiller les yeux de surprise que madame la ministre ait donné les dates d'examens.C'est, sérieusement étonné que, après avoir lu la nouvelle, un ami m'écrivit. On venait, du côté du ministère de l'Education nationale, de donner depuis Ghardaïa les dates des examens de fin d'année. Oui, on les a données comme on donne un scoop et cela a même mérité des commentaires de la part de la première responsable du secteur. «C'est important, dit-elle, d'identifier les dates des examens à l'avance.»Mon ami n'a pas compris comment le fait d'annoncer des examens neuf mois à l'avance pourrait constituer un événement de taille, alors qu'il sait qu'il n'existe pratiquement plus un seul pays dans ce monde, où l'on ne connaisse les dates des examens des mois, voire des années à l'avance. Il sait aussi que l'actuelle ministre n'est pas responsable de cette situation mais il n'a pu s'empêcher d'être désarçonné par cette information car... tout de même!Massue à la mainDe toute façon, ici-bas, nul n'ignore la déchéance qu'a connue notre école et l'enfer qu'elle a vécu des décennies durant. Toute une indépendance durant, devrions-nous même dire. Oui, cela fait des décennies que, massue à la main, de prétendus responsables du secteur s'étaient carrément acharnés sur cette école si respectable autrefois et si respectée! On dirait qu'ils avaient fait le serment de la détruire à petit feu mais à grands coups. Les réformes, enfin ce qu'on appelle comme telles, n'ont jamais cessé. Les déceptions non plus. Plus amères chaque fois et toujours plus coûteuses pour le peuple.Année après année, on regardait monter la médiocrité dans l'enseignement, la planification, l'encadrement, l'organisation... bref, tout ce qui a trait à la gestion du secteur et pour chapeauter le tout, nous avons eu aussi à voir la banalisation des examens. La presse a rapporté plus d'une fois, des histoires de triche, de complicité et de menaces à l'occasion des examens. C'est le bilan d'une trentaine d'années de gestion, effroyablement inconsciente, d'un secteur plus que sensible. Comme si, pour gérer le secteur il fallait faire ses courses au marché aux puces ou prendre conseil à la première table au café du coin.Aujourd'hui, on en est à écarquiller les yeux de surprise que madame la ministre ait donné les dates d'examens. On ne sait pas si on rêve ou si c'est notre réalité qui devient subitement normale, semblable à celles d'ailleurs. En réalité, ailleurs, les dates d'examens sont consultables sur des... applications gratuites, des années à l'avance. Les élèves, les étudiants, les parents d'élève et les enseignants connaissent ces informations longtemps à l'avance. Ce ne sont pas des scoops et ne nécessitent même pas l'intervention d'un chef de service du ministère.Encore une fois, il ne faut pas en vouloir à l'actuelle ministre pour ces atrocités qui ont déchiré le secteur et dont elle n'est pas responsable. Lorsqu'il fallait faire de la pédagogie, certains de ses prédécesseurs avaient opté pour la démagogie et quand il fallait se pencher sur l'état de l'école, ils avaient préféré, ô la bêtise, nous noyer dans les faux chiffres des fausses réussites. Résultat: aujourd'hui notre école est malade. Elle est mourante. Chaque année, les enseignants sortent dans la rue pour réclamer des droits, quitte à y laisser nos enfants sur le bas-côté, des semaines durant. Chaque année, le programme n'est pas totalement couvert et les élèves demandent à ce qu'il y ait un «seuil» de cours pour les examens. A ce rythme, nous irons tous, un jour, demander les diplômes de nos enfants que nous n'envoyons plus à l'école car tout le monde sera en grève pour l'année. Mais où va-t-on donc ainsi' N'est-ce pas étrange' Oui, n'est-ce pas étrange que l'on s'achemine ainsi résolument vers l'éradication pure et simple de l'école' N'est-ce pas étrange que, un demi-siècle durant, les coups ne se soient pas arrêtés de pleuvoir sur cette malheureuse école'Comment avaient-ils fait'Cela fait partie des choses les plus banales que de donner les dates des examens des années à l'avance. Il n'y a vraiment pas pourquoi faire les derviches tourneurs. Toute bonne gestion commence par la planification et, dans un processus de planification du ministère de l'Education nationale, on doit commencer par arrêter les dates d'examens pour pouvoir procéder à l'ordonnancement du reste des activités. C'est comment procédait-on avant qui devrait nous étonner. Oui, comment s'arrangeaient-ils pour gérer alors qu'ils ignoraient jusqu'aux dates des examens' Comment pouvaient-ils gérer sans objectifs, sans ordonnancement' Est-ce pour cela que toutes les réformes avaient fini par être réformées' C'est enfoncer des portes largement ouvertes que de dire que l'école est l'avenir du pays. Et nul n'ignore malheureusement que les sociétés qui cassent leur avenir ne font pas long chemin. Est-il venu donc le moment de regarder les choses en face, pour ce qui est de l'école, et de retrousser les manches' Est-il venu le moment de donner un coup de pied dans la fourmilière'Ce serait verser dans l'optimisme béat que de le croire car donner des dates dexamens n'est pas un critère sur lequel on pourrait juger des intentions ou des actes au niveau d'un ministère. Toutefois, il nous semble que la bonne solution pourrait commencer avec une approche systémique de l'Education nationale. Il faudrait cesser de considérer ce secteur comme autonome, séparé du reste. C'est cette mauvaise manière de voir qui a conduit à la faillite de la gestion de ce secteur. Il semble cependant qu'au MEN on ait compris cela, enfin, et que l'on opte pour le travail en coordination avec d'autres secteurs.Lutter contre l'échec ou promouvoir la réussite'Parmi les préoccupations de l'actuelle ministre, l'échec scolaire figure en bonne place. Mme Benghebrit dit, en effet, vouloir mener «la lutte contre l'échec scolaire qui n'est pas une fatalité». Voilà qui est bien dit. Néanmoins, et sans remettre en cause ces paroles tout à fait correctes et appréciables au point où en est notre école et où nous en sommes de manière générale, il serait plus indiqué de se pencher d'abord sur la réussite car le bon sens voudrait que ce soit de la réussite que dépende l'échec. Autrement dit, c'est la réussite qui détermine et délimite l'échec et non l'inverse. Pour cela, et au lieu de lutter contre l'échec scolaire, il serait plus approprié de «travailler» la réussite, ce qui impose au préalable une définition ou pour être plus juste, une redéfinition de la réussite chez nous car tout le monde le sait, réussir ne signifie plus la même chose qu'il y a cinquante, vingt et même dix ans. Nous n'apprenons rien à personne si nous disons que notre société a changé sa manière de concevoir la réussite le jour où elle a changé sa manière d'évaluer les efforts et les hommes.Que comprenons-nous aujourd'hui par réussite' Et quel type de réussite cherche notre société' Si terminer une école et décrocher un diplôme pour aller ensuite gonfler les rangs des chômeurs à l'avenir incertain, peut être toujours considéré comme réussite, que signifierait l'échec scolaire dans ce cas' Tout le monde sait que ceux qui abandonnent l'école ou qui en sont exclus ont pratiquement plus de chance de «mieux» continuer à vivre' Un simple sondage qu'effectuerait le MEN pourrait sans doute confirmer ces propos.La vie de nos jeunes se limite à ce qui suit: une fois sorti de l'école, on se met dans l'attente de décrocher un travail afin d'avoir un salaire pour pouvoir payer le loyer d'un éventuel logement pour accéder, enfin, au rêve légitime mais presqu'interdit de vouloir fonder un foyer' Est-ce cela qu'on appelle réussir'Qu'entend-on par réussite'Il est, de toute évidence, nécessaire de revisiter d'abord, la notion de réussite chez nous et celle de l'échec découlera d'elle-même. Ce n'est qu'une fois cernée cette notion, que l'on pourrait se mettre au travail pour promouvoir la réussite souhaitée par la société. Pas avant! Par ailleurs, on a longtemps parlé de l'échec scolaire en pointant ce nombre d'élèves qui quittent l'école prématurément. Nous pensons que là aussi il serait intéressant de revoir la notion. Un élève pourrait terminer son école et décrocher ses diplômes sans jamais avoir l'esprit ou le comportements et les attitudes qui lui permettent de mener sa vie au fil des aléas des jours. Devrait-on dire de lui qu'il a réussi' Certainement pas. De toutes façons, cela fait longtemps que la fonction de l'école a cessé de consister en la dispense des savoirs. Oui, cela fait longtemps que l'école se penche sur la meilleure manière d'aider à l'acquisition de compétences parce que de nos jours, la réussite se conjugue avec les compétences et les talents et elle ne s'évalue pas au nombre de feuilles écrites sur un cahier d'écolier.L'école, de nos jours, refuse d'être confinée dans ce rôle «d'alphabétisatrice» qui était sien lorsque les populations du monde étaient toutes, ou presque, analphabètes. Depuis, le monde a évolué et les priorités ne sont plus les mêmes. Il ne s'agit plus d'apprendre aux gens à écrire ou à lire mais plutôt de les aider à acquérir les moyens qui les aideraient à vivre, à poursuivre leur apprentissage tout au long de la vie et à savoir entreprendre. C'est en fonction de ces critères qu'il faut concevoir les notions de réussite et d'échec et c'est à partir de là qu'il convient de prendre le départ si l'on veut réfléchir à notre école de manière durable. Et le jour où on arrivera à ce stade, alors là on viendra écouter ceux qui en feront la déclaration, avec plaisir et l'on applaudira même de bon coeur!
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Posté Le : 09/09/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aissa HIRECHE
Source : www.lexpressiondz.com