Algérie

L’ÉCOLE DE LA MOTIVATION Des compositions (1re Partie)



L’ÉCOLE DE LA MOTIVATION Des compositions (1re Partie)


PUBLIE LE 10-12-2022 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Par Ahmed Tessa,
pédagogue-auteur

La motivation intrinsèque est la seule bretelle qui donne accès à l’autoroute de la VRAIE réussite.

Comment motiver l’enfant scolarisé ? Cette question taraude les esprits dans la planète/école. Notamment chez les enseignants consciencieux. Il est vrai que dans les systèmes scolaires de certains pays, cette question est abordée sous l’angle administratif. Approche qui nie — pour ne pas dire évacue – la dimension psychologique de la vie scolaire des enfants. La tradition encore enracinée qui remonte au Moyen-âge veut que la motivation aux études se fasse par la «carotte et le bâton». À cet effet, on utilise à profusion des stimulants artificiels qui ne font qu’alimenter…. la démotivation de la majorité des élèves. On citera les héritiers des antiques bonnets d’âne et des ‘’falaqua’’ (coups de bâton sur la plante des pieds), à savoir : les notes/couperet, les sanctions négatives, les redoublements, les quolibets et ‘’tortures’’ morales (voire physiques) d’une certaine catégorie d’enseignants, etc. Afin d’atténuer leur impact, le ‘’génie’’ administratif en a créé d’attrayants tels que les bons-points, les sanctions positives (encouragements, félicitations).
Les résultats sont là : le fossé ne cesse de s’agrandir entre le nombre de «bons» et celui de soi-disant «mauvais» élèves. Cet écart, enregistré de façon permanente depuis le lancement de ce mode d’enseignement initié par les Jésuites du Moyen-âge, sera remis au goût du jour au XXe … et au XXIe siècle. Les partisans de ce système ont trouvé un argument pour plaider leur méthode : ils avancent le taux croissant des réussites aux examens de fin de cycle. Pure illusion ! Combien de lauréats sont-ils à briller dans le cycle supérieur ? Une minorité ! En Algérie, dans un communiqué publié par Le Soir d’Algérie, le Syndicat des enseignants de l’enseignement supérieur (le SNES) a sonné l’alarme devant les faibles performances des nouveaux étudiants, lauréats du baccalauréat – loin de nous l’idée de généraliser. Cette situation alarmante dure depuis aux moins deux décennies. Dans les examens PISA, la France, exemple-type de l’école INÉGALITAIRE, enregistre périodiquement une moyenne de 10% d’excellents élèves. Le reste, la majorité, émarge au dernier rang européen de cette évaluation internationale. Cet état de fait (le système scolaire INÉGALITAIRE) a de tout temps été assumé par les différents gouvernants français. Et ce, par pure idéologie, pompeusement dénommée «l’élitisme républicain» qui n’est autre que la regrettable recette pédagogique qui vise à reproduire les clivages sociaux : enfants de bourgeois (et des classes sociales supérieures) minoritaires versus enfants d’ouvriers majoritaires. Et comble du ridicule, malgré les avancées de la pédagogie moderne nourrie aux progrès de la psychologie et des neurosciences, certains pays dont les anciennes colonies de la France maintiennent en vie ce type de système scolaire… inégalitaire.
En plus de rendre infernale la vie des élèves, ce type de système scolaire bureaucratisé et inégalitaire, infantilise les enseignants. Il les transforme en robots chargés d’appliquer à la lettre les programmes d’enseignement et de remplir des obligations purement administratives : «corriger» les nombreux devoirs et compositions, calculer les moyennes, remplir les bulletins, valider ou non des sanctions prises lors du tribunal/conseil de classe de fin de trimestre, etc. Et pour boucler ce marathon administratif périodique, l’administration scolaire met en place un train de mesures dites de contrôle, purement administratif, du travail de l’enseignant : vérifier sa fiche pédagogique, son cahier journal, ses progressions pédagogiques, son niveau de ‘’bouclage’’ du programme… On décernera la bonne note à celle ou celui qui aura appliqué ces obligations administratives. Et tenez-vous bien : cette appréciation administrative lui ouvrira les portes de futures promotions. Aucune mention de sa qualité professionnelle ne sera portée à sa connaissance. Gare à l’enseignant(e) qui initie des activités autres que celles programmées – fussent-elles bénéfiques et motivantes pour les élèves. Ces derniers sont pris dans ce tourbillon qui déboussole leurs enseignants. Et ce sont eux qui payent la facture ! Ils sont déjà éreintés, fatigués avant d’entrer en classe d’où ils ne sortiront que pour les brèves récréations : un horaire journalier démentiel qui alimente… la phobie de l’école. D’où une épidémie de démotivation. Celle-ci est décuplée par des ingrédients explosifs tels que : la démultiplication des matières à assimiler, l’obésité des programmes, l’archaïsme des méthodes axées sur le duo bachotage/parcœurisme, les contenus des manuels scolaires intellectuellement inaccessibles et fort indigestes… sans oublier l’hyper-dramatisation des compositions et autres examens. Le tout aggravé par les pratiques d’enseignants non formés à un métier passionnant mais exigeant. Dans un tel contexte, est-il raisonnable de parler de motivation de l’élève ?
Motivation
Le cycle primaire est connu pour être la période la plus décisive de la scolarité. À cet âge, la personnalité de l’écolier est très sensible. Ses potentialités intellectuelles et psychoaffectives sont en plein éveil. Son cerveau est en phase de maturation. Peut-on le motiver quand on lui impose des activités et des situations pédagogiques qui ne répondent pas à ses centres d’intérêt et qui ne lui procurent pas du plaisir et de la joie ? De celles inassimilables pour son niveau de compréhension et dont les contenus sont inaccessibles pour son âge. Jamais la motivation ne pourra être au rendez- vous ! Comment apprécier la tendance médiatique et parentale qui veut que le mot compositions soit remplacé par examens. Avec des titres alarmistes du genre «el imtihane el massiri» (l’examen décisif) – alors qu’il s’agit d’une simple composition trimestrielle — on augmente le stress, la peur/panique chez les élèves, l’angoisse. Sans oublier la pression exercée sur eux par les parents. Aux yeux des élèves, ce glissement/confusion sémantique «composition-examen» se retrouve validé par l’organisation officielle qui impose les compositions bloquées, comme cela se fait lors des examens nationaux de fin de cycle. Et voilà l’angoisse décuplée. C’est quoi une composition trimestrielle ? Ce n’est pas un jugement délivré par un tribunal – ce à quoi, malheureusement, s’apparentent ces compositions-examens. Une composition trimestrielle doit être l’évaluation pas seulement du niveau d’assimilation des élèves, mais aussi de la gestion du programme par les enseignants. Elle est relayée par des séances de correction collective/individuelle normalement suivies d’une remédiation ciblée. Malheureusement, dans les systèmes scolaires bureaucratisés, cette approche pédagogique cède la place à une vision administrative sans grand intérêt pour les phases de corrections et de remédiation ciblée. On cherche à trier les élèves. Le tri ! Voilà l’obsession de tout système scolaire inégalitaire ! Cette obsession contamine aussi tous les acteurs (administration, parents, élèves et enseignants).
En principe, quand des compositions sont placées sous le signe de la motivation aux études, l’élève n’éprouvera aucune angoisse ou peur. Il aura été conscientisé auparavant : il a pris conscience que s’évaluer périodiquement participe à sa réussite. La composition est une activité hautement pédagogique qui participe à l’amélioration du niveau des élèves. Et non à les juger, les classer, les mettre en concurrence ! Cette façon d’agir inhibe leurs potentialités en générant peur, démotivation, frustration et, souvent, des conflits.
Des situations démotivantes se nichent aussi dans les manuels scolaires. Voici un exemple consternant. En analysant les contenus de certains livres de langues (arabe et autres matières) du cycle primaire, on s’aperçoit que nos pauvres écoliers sont mis devant d’infranchissables difficultés syntaxiques et lexicales. Des difficultés qui déroutent l’enseignant lui-même. Ce cas précis de démotivation est le lot quotidien de l’écolier. Des parents universitaires nous affirment que, souvent, ils rencontrent des mots qu’eux-mêmes ne comprennent pas ! Ces textes, source de démotivation, alimentent chez leur enfant des sentiments négatifs qui le déstabilisent. Impact funeste s’il en est ! Sentiments amplifiés par les cris de colère ou les coups de l’enseignant(e) pressé(e) et impatient(e) de voir ses élèves comprendre …l’incompréhensible. Situation kafkaïenne préjudiciable. Que se passe-t-il dans la tête de cet écolier ? Un sentiment d’impuissance face à son enseignant(e) et à ces contenus démentiels. Ce qui lui fera dire «je suis incapable». Ainsi naissent la perte de la confiance en soi, l’image négative de soi, l’auto-dévalorisation. Ce processus de dépréciation de soi déclenche progressivement l’engrenage de la spirale de l’échec. Revenons au concept de motivation.
Empruntons à la sagesse pédagogique de nos aînés cette métaphore : on ne peut forcer à boire un cheval qui n’a pas soif. La seule démonstration du refus affichée avec force par l’animal dissuadera son propriétaire… de le forcer à boire. Celui-ci attendra que son cheval ait soif et qu’il «éprouve» ce besoin qu’il va satisfaire avec plaisir devant un seau d’eau. Idem pour cet écolier sur lequel on s’acharne à lui faire étudier des concepts et des notions inaccessibles à son esprit. À la différence du cheval, il ne possède pas la «force» pour alerter son maître de son incapacité naturelle à comprendre une telle situation pédagogique… inadaptée et inappropriée. Si les spécialistes en éducation considèrent la motivation comme étant le tremplin vers la réussite, il n’en demeure pas moins que ce concept doit être employé à bon escient. Il n’y a de vraie motivation que celle dite intrinsèque. Celle qui émane du for intérieur de l’élève. Une motivation qui mobilise son double potentiel, psychoaffectif et intellectuel. Il y a motivation pour un objet ou une activité quand il y l’expression d’un besoin qui fera naître un intérêt. Par exemple, le besoin de manger constitue une motivation suffisante pour chercher de la nourriture. D’où l’intérêt pour cette nourriture (pain ou autre aliment). L’intérêt de cet enfant pour la nourriture provoquera une certaine tension vers l’objet de son désir (le pain ou autre aliment). L’énergie mobilisée par l’enfant, ainsi mis «sous tension vers l’objet de son désir, constitue la motivation».
Parfois, les intervenants en pédagogie scolaire ignorent ou méconnaissent les fondamentaux de la psychologie de l’enfant. C’est que chaque élève porte en lui, dès sa naissance, un besoin aussi vital que celui de manger, boire ou dormir. C’est le besoin d’activité cognitive : il veut apprendre, découvrir, comprendre. Il suffit de lui offrir les conditions matérielles, psychologiques et pédagogiques qui provoquent son intérêt pour les études et répondent, ainsi à ce besoin vital. D’où l’exigence de la qualité dans l’élaboration des programmes, des contenus des manuels, des méthodes d’enseignement ; mais aussi dans le choix des rythmes scolaires et du recrutement/formation des enseignant(es)… Pour paraphraser le grand psychologue suisse Edouard Claparéde : «Toute activité imposée à l’élève (du primaire) et qui n’est pas liée à un besoin est une activité contre-productive.»
Ce qui signifie que toute action pédagogique doit intéresser l’élève : l’amener à donner un sens à sa présence à l’école, nourrir sa curiosité naturelle. En un mot, que la leçon et son contexte (les rapports enseignants/élèves, l’ambiance de travail dans la classe, dans l’école) soient assez attrayants pour provoquer chez l’enfant/adolescent ces faisceaux d’énergie qui le feront se concentrer. Là, il fournira l’effort nécessaire, mais… dans la joie d’une motivation bienfaisante.
A. T.
• Dans la prochaine livraison, toujours en rapport avec la motivation chez l’élève : «Une innovation inédite en Algérie».



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