Algérie

L?eau et le feu


La politique, soutient-on un peu partout, s?est bien accommodée du crime de toute antiquité. Le conquérant Alexandre le Grand (356-323) eut pour précepteur l?illustre Aristote (384-322) qui devait guider ses pas dans le monde de la réflexion, loin, affirment certains, des questions de stratégie militaire. Vint le jour où Alexandre éprouva le besoin d?enfourcher son cheval pour se lancer dans une campagne militaire qui n?a pas d?égale dans l?histoire des hommes. Le cours magistral d?Aristote ne put l?en détourner. Certes oui, on ne gère pas un empire avec de la philosophie, aussi fabuleuse soit-elle que celle d?Aristote. S?il fit édifier des villes, des bibliothèques et d?autres sites de civilisation, en revanche, il laissa des cadavres sur son passage, depuis son point de départ en Macédoine jusqu?aux confins de l?Inde. Al Ma?mun (786-833), l?illustre souverain abbasside, évoluait, lui, au sein d?une armada de penseurs, de savants et de poètes. Rien n?y fit, il lui fallait mettre une petite touche à ce tableau appelé « pouvoir ». C?est pourquoi il prit part à l?assassinat de son frère Al Amin pour s?installer sur le trône. La sublime « Maison de la sagesse » qu?il fit bâtir à Bagdad et qui devint, en un temps record, le lieu par excellence de toutes les activités intellectuelles en son temps, demeure, quand même, entachée du sang de son frère et de celui des autres opposants à son pouvoir. Au siècle dernier, Albert Einstein (1879-1955) et J. Robert Oppenheimer (1904-1967), se jetant à corps perdu dans leurs recherches sur la fission nucléaire, se plurent à obtempérer aux ordres des politiciens et des tenants du militarisme américain. Le Japon eut à subir, en 1945, les retombées de leur trouvaille scientifique fracassante. On répéta, tambour battant, que les deux compères regrettèrent leur geste, scientifique au départ, mais hautement politico-militariste. Dans le monde arabe, la situation n?est guère meilleure, en raison, d?un côté, de la botte militaire, et de la promptitude qu?affichent certains intellectuels à se mettre au pas, d?un autre côté. On pourrait même affirmer, dans l?état actuel des choses, que le statut de l?intellectuel ne risque jamais d?être clarifié. C?est que le feu ne s?associe jamais à l?eau, sauf si la composition chimique de ces deux éléments venait à changer un jour. Il est tout de même paradoxal qu?une institution hautement politique que celle de l?ONU ne se soit jamais penchée sur la question de la relation entre l?intellectuel proprement dit et le pouvoir politique à travers le monde. Habile pour exiger le respect des droits de l?homme pour des raisons purement politiques et stratégiques, elle se fait toute petite lorsqu?il est question de l?être humain en tant que tel, d?où son double jeu et ses déboires à la fois. Entre-temps, les admirateurs d?Alexandre le Grand tout autant que ceux qui continuent à s?émerveiller devant l??uvre d?Al Ma?mun feront encore les beaux jours d?une certaine classe de gouvernants. Ne peut-on pas gouverner sans verser le sang ? Pourquoi oublier cette abomination qui consiste à effacer pour recommencer sans aucune considération pour cette belle créature appelée être humain ?
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