Des combats ont éclaté hier entre les forces azerbaïdjanaises et la région séparatiste du Nagorny Karabakh soutenue par l'Arménie. Ainsi, Bakou et Erevan se retrouvent encore une fois au bord de la guerre. Un conflit majeur impliquant l'Azerbaïdjan et l'Arménie pourrait entraîner l'intervention des puissances qui convoitent la région du Caucase, à savoir la Russie, la Turquie et l'Occident.L'Azerbaïdjan peut compter sur le soutien d'Ankara, qui considère l'Arménie comme une menace pour la stabilité du Caucase. L'Arménie, bien plus pauvre, est par contre plus proche de la Russie, qui y dispose d'une base militaire. Erevan appartient aussi à une alliance politico-militaire dirigée par Moscou, l'Organisation du traité de sécurité collective.
Après l'annonce des premiers combats hier matin, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a décrété «la mobilisation générale» et l'instauration de «la loi martiale», tout comme les autorités du Karabakh. «Soutenons fermement notre Etat, notre armée (?) et nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne !» a-t-il écrit sur Facebook, cité par des médias.
Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a lui aussi promis la victoire. «L'armée azerbaïdjanaise combat aujourd'hui sur son territoire, défend son intégrité territoriale, porte des coups dévastateurs à l'ennemi. Notre cause est juste et nous allons vaincre», a-t-il dit, dans un discours à la télévision. Moscou a appelé «à un cessez-le-feu immédiat». «Nous appelons les parties à cesser immédiatement le feu et à entamer des négociations afin de stabiliser la situation», a déclaré le ministère des Affaires étrangères russe dans un communiqué, précisant que «des bombardements intenses se produisent le long de la ligne de contact des deux côtés».
Le ministre turc de la Défense a affirmé hier qu'Ankara soutiendra Bakou «avec tous ses moyens» et a appelé l'Arménie à «cesser son agression». «Nous allons soutenir nos frères azerbaïdjanais avec tous nos moyens dans leur lutte pour protéger leur intégrité territoriale», a déclaré Hulusi Akar dans un communiqué. «La plus grave menace à la paix et à la stabilité dans le Caucase est l'agression menée par l'Arménie, et elle doit cesser cette agression qui risque de mettre le feu à la région», a-t-il ajouté.
Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a «fermement» condamné les affrontements au Karabakh et affirmé que l'Arménie a «une nouvelle fois violé les lois internationales et montré qu'elle ne souhaitait pas la paix et la stabilité». Il a appelé sur Twitter la communauté internationale à «dire non à cette dangereuse provocation». «L'Azerbaïdjan n'est pas seul, il a le soutien total de la Turquie», a-t-il ajouté.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a eu hier un entretien téléphonique avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, et les deux hommes ont évoqué «l'agression arménienne», a indiqué une source diplomatique turque.
L'Union européenne (UE) a appelé à la cessation des combats et à un «retour immédiat aux négociations». «L'action militaire doit cesser, de toute urgence, pour éviter une escalade supplémentaire», a indiqué sur Twitter Charles Michel, le président du Conseil européen, institution représentant les Etats membres. «Un retour immédiat aux négociations, sans conditions préalables, est la seule voie possible», a ajouté l'ex-Premier ministre belge. «L'Union européenne appelle à une cessation immédiate des hostilités, à la désescalade et à une stricte observation du cessez-le-feu», a déclaré le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, dans un communiqué. Il a aussi relevé l'urgence de relancer les négociations sur le conflit au Nagorny Karabakh sous les auspices du «Groupe de Minsk», créé par l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), qui inclut la Russie, la France et les Etats-Unis.
Situé dans le Caucase, le Nagorny Karabakh est une région sécessionniste d'Azerbaïdjan, peuplée majoritairement d'Arméniens et soutenue par Erevan. Elle a été le théâtre d'une guerre au début des années 1990 qui a fait 30 000 morts, et depuis lors, les autorités azerbaïdjanaises veulent en reprendre le contrôle, par la force si nécessaire. Des pourparlers de paix sont dans l'impasse depuis de longues années.
Des combats opposent régulièrement séparatistes et Azerbaïdjanais, mais aussi Erevan et Bakou. En 2016, de graves heurts ont déjà failli dégénérer en guerre au Karabakh, et des combats meurtriers ont aussi opposé en juillet 2020 Arméniens et Azerbaïdjanais à leur frontière nord.
Plus de deux siècles de conflits
Le Karabakh est intégré à l'Empire russe en 1805. En 1828, Erevan et le Nakhitchevan passent sous domination russe. De février à août 1905, des combats opposent Arméniens et Azéris dans plusieurs villes, dont Bakou. En mai 1918, l'Azerbaïdjan et l'Arménie proclament leur indépendance et des combats au Karabakh entre les deux pays. En 1920, l'Azerbaïdjan, le Karabakh et l'Arménie sont intégrés à l'Union soviétique (URSS). L'année suivante, le bureau caucasien du parti bolchevique décide le rattachement du Karabakh à l'Azerbaïdjan. En juillet 1923, est créée la région autonome du Haut-Karabakh.
Heurts
Les événements se précipitent en 1988. En effet, en février, le soviet du Haut-Karabakh vote son rattachement à l'Arménie. Des heurts se déclenchent à Askeran. En mars, un groupe d'intellectuels crée en Arménie le comité Karabakh qui devient le porte-parole des aspirations de la population à la démocratisation et à la souveraineté nationale.
En juin, le Soviet suprême d'Arménie adopte, à son tour, une résolution demandant le rattachement du Haut-Karabakh à la République socialiste soviétique d'Arménie.
Le mois d'après, le Parlement d'Azerbaïdjan s'oppose au rattachement à l'Arménie de la région du Haut-Karabagh. En juillet, les députés arméniens de la région autonome du Haut-Karabagh proclament le rattachement de leur région à l'Arménie. Moscou envoie des troupes soviétiques à Stepanakert et interdit tout rassemblement. Le 12 janvier 1989, Moscou place le Haut-Karabakh sous sa juridiction jusqu'en novembre 1989.
En 1991, après l'échec du coup d'Etat à Moscou, l'Azerbaïdjan et l'Arménie proclament leur indépendance.
Le 10 décembre de la même année, le Nagorny Karabakh proclame son indépendance de Bakou avec le soutien d'Erevan. Après l'éclatement de l'URSS, l'armée soviétique quitte la région. La tension ne cesse d'augmenter entre Erevan et Bakou pour se traduire par deux offensives des forces arméniennes en 1992 et 1993.
En avril 1993, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) demande le retrait des forces arméniennes des territoires azerbaïdjanais occupés. Le 17 mai 1994, un cessez-le-feu négocié par Moscou entre en vigueur. Les Arméniens contrôlent alors environ un cinquième du territoire de l'Azerbaïdjan, dont le Nagorny Karabakh. La guerre a fait près de 30 000 morts.
La même année, l'OSCE crée le «Groupe de Minsk», chargé de promouvoir un règlement et constitué des Etats-Unis, de la France et de la Russie. Malgré cette médiation et plusieurs cycles de pourparlers, aucune solution n'est trouvée : Bakou et Erevan ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le statut de ce territoire dont la population est dans sa majorité arménienne que la communauté internationale considère toujours comme azerbaïdjanais. A ce jour, aucun traité de paix n'a été conclu.
En décembre 1994, sont organisées les premières élections présidentielles au Haut-Karabakh : Robert Kotcharian est élu président. En mars 1995, conformément à un accord signé pour une durée de 25 ans, Moscou et Erevan conviennent du stationnement d'une base militaire russe dans la ville arménienne de Gumri. En août 1997, le «traité d'amitié, de coopération et d'entraide» entre l'Armé-nie et la Russie permet aux deux pays d'utiliser les installations militaires de l'autre en cas d'agression extérieure pour 25 ans.
En février 1998, le président arménien, Levon Ter-Pétrossian, démissionne après un désaccord avec le Premier ministre, Robert Kotcharian, et le ministre de la Défense.
En avril 2001, après les accords sur le Haut-Karabakh, conclus à Paris par les présidents arménien (Robert Kotcharian) et azerbaidjanais (Heidar Aliev), un plan de règlement est adopté à Key West sous l'égide des Etats-Unis. Plan rejeté par Heidar Aliev dès son retour à Bakou. Fin janvier 2002, création d'une force bilatérale de sécurité commune entre Erevan et Moscou. En décembre 2006, le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, déclare que son pays ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Haut-Karabakh.
En novembre 2008, l'Arménie et l'Azerbaïdjan signent une déclaration appelant à un «règlement pacifique» du conflit, mais les accrochages se poursuivent. Le 12 novembre 2014, les forces azerbaïdjanaises abattent un hélicoptère militaire arménien au Nagorny Karabakh, provoquant la mort des trois membres de son équipage, selon les médias arméniens. Les incidents se multiplient, les deux camps s'accusent d'y déclencher des attaques.
En décembre 2015, le président arménien de l'époque, Serge Sarkissian, et son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, se rencontrent sans parvenir à une issue. Début avril 2016, d'intenses combats opposent forces azerbaïdjanaises et arméniennes, laissant craindre une guerre ouverte.
Un cessez-le-feu négocié par la Russie met fin aux combats, mais les tirs et les affrontements meurtriers sur la ligne de front restent fréquents. En 2017, à l'issue d'un référendum, 87% des électeurs approuvent le changement du nom Haut-Karabakh en Artsakh, en référence à son passé arménien.
Le 12 juillet 2020, des combats éclatent à la frontière nord entre les deux pays, loin du Nagorny Karabakh, peu après la menace du président azerbaïdjanais de quitter les pourparlers de paix, jugeant que Bakou avait le droit de chercher «une solution militaire au conflit». La Russie se dit prête à servir de médiateur.
Les affrontements baissent en intensité à partir du 17 juillet, mais des heurts sont signalés quotidiennement.
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Posté Le : 28/09/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Amnay Idir
Source : www.elwatan.com