Algérie

L’avenir démocratique de l’Algérie est-il compromis ?



L’avenir démocratique de l’Algérie est-il compromis ?
Lorsque le peuple algérien s’est libéré du joug colonial, un système de domination inhumain, tout le monde s’attendait à ce que les libertés soient inscrites en lettres d’or dans les futures institutions de l’État algérien. Hélas, au moment où le pays a accédé à l’indépendance, les troupes stationnées aux frontières, sous l’égide de Boumediene, ont décidé de replonger le peuple algérien dans une autre ère de sujétion. Ainsi, malgré le progrès observé dans le monde, le même système prévaut, cinquante ans plus tard, en Algérie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que dans cet intervalle de temps, entre les hommes stoïques de novembre 1954 et ceux d’aujourd’hui, on dirait qu’on a affaire à deux peuples distincts.
Incontestablement, si cette différence n’existait pas entre les deux générations, on aurait du mal à comprendre pourquoi le peuple algérien accepte en ce moment d’être assujetti. Cela dit, bien que la violence vienne principalement du pouvoir, le peuple algérien n’est pas pour autant exempt. Et c’est sa soumission qui fait la puissance de ce régime. D’ailleurs, comment peut-il assister impuissant à la destruction de son pays sans qu’il manifeste son marasme, pourrait-on se demander. Car les vrais hommes, épris de justice, ont eu le courage d’affronter un système colonial au faîte de sa puissance. Bien que ce système colonial recoure à tout bout de champ à la violence, cela n’a pas empêché les hommes de novembre de lui tenir tête. Hélas, l’enlisement de la guerre a fait disparaitre les justes et a fait émerger les assoiffés de pouvoir.
D’une façon générale, bien que les nouveaux seigneurs aient détourné la révolution algérienne de son objectif initial, les Algériens ont cru, dans le premier temps, que cette période d’instabilité allait se terminer rapidement. Mais, la manière dont est pris le pouvoir à l’été 1962 éloigne très vite la perspective d’un retour à la légalité. En tout cas, cette période, censée être transitoire, dure malheureusement jusqu’à nos jours. Déployant ses forces contre le gouvernement provisoire évanescent et les maquis intérieurs exsangues, le duo Houari Boumediene-Ahmed Ben Bella impose au pays une direction illégale, car non choisie par le peuple algérien et non prévue par les statuts de la révolution. Bien qu’ils disposent, à eux deux, de pouvoirs incommensurables, Ben Bella et Boumediene transgressent les lois qu’ils ont imposées au peuple algérien. Ainsi, privant l’Assemblée nationale constituante d’accomplir sa mission, dans un style digne du régime stalinien, ils dotent le pays de la première constitution en septembre 1963. Celle-ci, pour rappel, a été concoctée en dehors de l’hémicycle. En tout cas, cette entorse devient une règle. Leurs successeurs suivent à la lettre leur modèle.
Du coup, chaque président promulgue sa propre constitution sans tenir compte des attentes du peuple algérien. Et en dépit du renouvèlement des générations [70% de la population algérienne a moins de 30 ans, mais gouvernée par des grabataires], le régime refuse de lâcher du lest. Hélas, pensant faire tomber le régime en recourant au même modèle de violence, l’opposition islamiste radicale a hypothéqué les espoirs d’un changement pacifique dans les années 1990. Là aussi, le peuple algérien a une responsabilité devant l’histoire. Au lieu de choisir une voie pouvant déboucher sur une alternative démocratique, la majorité des électeurs en décembre 1991 ont fait un choix par dépit. C’est comme si entre les deux tendances nuisibles à l’épanouissement de l’Algérie, il n’y avait pas une voie médiane, une voie consistant à bâtir une Algérie libre, juste et égalitaire.
Quoi qu’il en soit, ce radicalisme religieux va donner l’occasion au haut commandement militaire [et non pas à l’ANP en général] de revenir sur les acquis d’octobre 1988. Bien que commandement nourrisse une aversion maladive envers la démocratie, certains généraux, dont le maintien au pouvoir procure des intérêts financiers colossaux, s’autoproclament porte-parole de la démocratie. Et c’est dans cette atmosphère que Bouteflika arrive au pouvoir. Grand tribun dans le style des années 70, Bouteflika, pour se faire une petite place, développe un discours trompeur. De toute façon, cette agitation stérile n’améliore en rien le statut des Algériens. Méprisant le peuple, Bouteflika ne se considère pas comme le représentant élu du peuple algérien, mais celui qui doit être craint et respecté comme au temps colonial. En 2008, bien qu’il soit diminué physiquement, il annule la seule loi, restée encore en vigueur depuis la moitié des années 1990, faisant apparenter le système algérien à une démocratie. Réunissant des parlementaires, dont leurs intérêts sont placés au dessus de ceux de l’Algérie [en témoigne l’augmentation de leur salaire avant le vote de la loi], Bouteflika abroge le fameux article 74 limitant le nombre de mandats présidentiels à deux.
Par ailleurs, malgré la fin des dictatures en Afrique du Nord, le régime algérien use de subterfuge en vue de court-circuiter les velléités de changement en Algérie. Alors que les conditions qui ont présidé à la chute de Benali, Moubarak et Kadhafi sont les mêmes qu’en Algérie [à la différence que le pouvoir réel en Algérie n’est pas incarné uniquement par Bouteflika], grâce à la rente pétrolière, le pouvoir a élargi sa clientèle en vue de se pérenniser. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le peuple, là aussi, ne s’est pas montré à la hauteur des enjeux. Et pour cause ! Malgré la gestion catastrophique du pays depuis l’indépendance, le régime s’est maintenu sans ambages lors des élections du 10 mai 2012.
Certes, le régime a promis plus de transparence et plus de liberté en mettant fin à l’État d’urgence, mais, sur le terrain, le champ politique reste bridé, voire hermétiquement fermé. « En 2012, les autorités ont inculpé plusieurs militants des droits humains et dirigeants syndicaux de diverses infractions pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté de réunion ou avoir témoigné leur soutien à des grèves ou des manifestations », peut-on lire dans le dernier rapport annuel de « Human Rights Watch » sur la situation des droits de l’homme en Algérie.
En somme, à 13 mois de l’élection présidentielle, la situation demeure toujours ambigüe. Bien que le bilan de Bouteflika à la tête de l’État soit catastrophique [il se contente de gérer la rente pétrolière et de modifier la loi fondamentale en vue de se maintenir au pouvoir], on ne peut émettre, pour l’heure, la moindre hypothèse sur l’issue de cette joute électorale. En fait, dans les pays où le pouvoir émane du peuple, les candidats affichent leurs intentions le plus tôt possible. Et leurs propositions tiennent évidemment compte des doléances de leurs concitoyens. En Algérie, un demi-siècle après le recouvrement de l’indépendance, le président est choisi de sorte que le groupe au pouvoir se maintienne indéfiniment. Et si l’Algérie continue à être gérée dans le style Bouteflika, son avenir sera sérieusement compromis. Enfin, en dépit des promesses de réformes politiques, deux ans après les révolutions nord-africaines, l’Algérie est soumise à un verrouillage tous azimuts. Et là où le bât blesse, c’est que le peuple algérien s’accommode de cette situation. Quel avenir pour un peuple docile ? L’histoire a montré que « les peuples faibles » sont asservis sans scrupule. Et pourtant, c’est ce même peuple qui a enfanté la génération de novembre 1954, celle qui a affronté le pire système que l’humanité ait connu. Mais, parait-il, les bons gènes ne se transmettent pas.
Ait Benali Boubekeur




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