Algérie

L'autre visage des Al Saoud



L'autre visage des Al Saoud
Son portrait a envahi les médias, toutes catégories confondues. Ce n'est pas pour lui déplaire. A trente ans à peine, l'homme court depuis des années pour émerger, coûte que coûte, de l'ombre. Son ambition est sans limite, tant il rêve d'incarner une véritable «Révolution», le mot n'est pas pour rire, dans l'alcove prude et plus que méfiante des Al Saoud. Il ne s'en est, d'ailleurs, jamais caché. Mais dans la course à la succession de son père, le roi Salmane, 80 ans bien trempés, Mohammad ben Salmane a clairement résolu de mettre le turbo. C'est ainsi qu'il vient d'officialiser sa «Vision du royaume à l'horizon 2030», un plan auquel il travaillait depuis deux ans, grâce à la mansuétude du roi Abdallah qui l'avait, un temps, interdit de séjour au ministère de la Défense avant de céder aux sollicitudes familiales pour le réhabiliter. L'ambition effrénée du jeune ministre de la Défense et vice-prince héritier est, d'abord, de propulser le pays dans l'après-pétrole. Elle est aussi, et surtout, de prendre date pour le duel qui ne manquera pas de l'opposer à son rival, Mohammad ben Nayaf, premier dans l'ordre successoral et volontiers reconnu comme le candidat préféré de la vaste tribu des Al Saoud. L'arme fatale du jeune Salmane sera donc sa stratégie de réformateur, pourtant à peine suffisante pour effacer son aventurisme désastreux au Yémen et sa volonté de puissance qui plane sur un Monde arabe disloqué, en attendant plus. Là, il en est convaincu, avec une arrogance que n'ébranlent ni les doutes ni les sarcasmes: sans «sa» réforme, l'Arabie court à la banqueroute! Et en sa qualité de président du Conseil des affaires économiques et du développement, voilà qu'il lance son pays dans une course effrénée au fonds souverain de 2000 milliards de dollars - une folie, disent ses détracteurs - qui permettra, promet-il, de s'affranchir d'un pétrole représentant toujours 90% des recettes fiscales du pays. Prenant acte de la perte de 50% des revenus pétroliers depuis avril 2014, le roi Salmane a dû imposer la réduction de multiples subventions, et donc la hausse brutale des carburants, de l'électricité et du gaz, au risque de subir les foudres des tribus mécontentes. Son fils, lui, surfe sur la notoriété désormais acquise, grâce notamment à la Légion d'honneur décernée par la France pour célébrer un juteux contrat d'armement, et il se risque même à évoquer la possibilité d'autoriser les Saoudiennes à conduire un véhicule, pour peu que la société le permette. Le message est limpide. A lui la modernité, le cap sur un vingt et unième siècle proprement saoudien, à son rival Mohammed ben Nayef, les servitudes du temple. Mais les jeux sont encore loin d'être faits. A dire vrai, ils commencent à peine et bien malin qui saurait prédire dans quel sens va souffler le vent du désert d'Arabie.




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