Algérie

L'autre Maréchal !


Le dernier discours du Ma réchal Hocine Tantaoui, chef du «HCM», (Haut Conseil militaire égyptien) a été une grande déception, presque pour tout le monde.

 Avec une indifférence qui frôle le mépris, un air d'assurance non justifié par l'échec du conseil qui a pris le pouvoir suprême après la chute de Moubarak, Tantaoui, a parlé pendent neuf minutes sans évoquer l'essentiel. L'homologue vivant de «Philipe Pétain» s'est montré froid, amorphe et non convaincant, donnant l'impression qu'il n'est, lui-même, pas bien convaincu. On en sort avec une certitude que la direction politique égyptienne est loin de pouvoir dire aux jeunes révoltés: je vous ai compris !

Une fissure s'est créée entre le peuple égyptien et sa direction militaire, qui semble bénéficier d'une complicité tacite de certains dirigeants islamisants, assoiffés de pouvoir. Ces dirigeants ont boycotté le rassemblement contestataire de jeunes, avec l'arrière-pensée que ça conduirait à l'échec de la manifestation, ce qui prouverait que les « pseudo salafis » sont LE facteur incontournable dans l'équation politique égyptienne. Au lieu de suivre l'exemple tunisien, en commençant par l'élection au suffrage universel d'une «Assemblée Constituante», ils ont mis la charrue avant «la mule», et ont préféré commencer par des élections législatives, dans l'espoir d'arracher une majorité bien confortable, voire… absolue. C'était comme acheter du poisson en pleine mer, un jour de tsunami. Les jeunes de la Place «Tahrir» n'étaient pas convaincus de cette procédure, notamment après l'attaque virulente des islamisants contre une feuille de route qui traçait les grandes lignes de la nouvelle constitution. La démarche adoptée, approuvée ou orchestrée par le «HCM», devait commencer par les législatives, puis les présidentielles et enfin la constitution.

Ce n'était pas le premier faux calcul du Conseil militaire, qui, encore une fois, n'a pas appris la leçon tunisienne.

Bien que l'armée tunisienne ait joué un rôle déterminant dans la chute de Ben Ali, elle est restée la véritable Grande Muette. Son chef d'état-major, Rachid Ammar, n'a fait que deux apparitions médiatiques, d'ailleurs très discrètes.

Mais en Egypte, le Conseil militaire a accaparé le devant de la scène. Il a formé un gouvernement très docile, timide et maniable, au point qu'il était traité, avec un sourire peu discret, du «secrétariat» du Maréchal. Certains membres du HCM sont devenus de véritables vedettes médiatiques.         Des anciens généraux en retraite se sont précipités aux chaînes de télévision et ont inondé les petits écrans par une diarrhée verbale qu'ils qualifiaient d'«analyses stratégiques» ! Le contenu était presque toujours, une rumination «des louanges à l'armée», une armée qui n'avait pas vraiment besoin de louange. C'était la confusion malsaine entre le rôle du HCM et la mission nationale de l'institution militaire. Aussi, chaque critique d'une démarche du conseil est rapidement considérée comme une insulte à l'armée. La négligence la plus grave du HCM était l'impunité des tortionnaires de la police politique, qui a terni l'image de marque de la police égyptienne toute entière, image de marque méritée à juste titre, le 25 janvier 1952 par sa résistance contre l'occupation anglaise. La police politique, élève de la police coloniale depuis «Danchouï» en 1906, a poursuivi la même pratique tortionnaire qu'elle a exercée depuis des décennies, en faisant appel, comme à son habitude, aux «baltadjia» (voyous et repris de justice, chargés de matraquer les manifestants, comme faisaient les «chebbiha en Syrie»

Le résultat ne s'est pas fait attendre longtemps. C'est la deuxième explosion de la rue, qui est restée toujours, avec une prise de conscience remarquable, vigilante et attentive aux tractations politiques. La scène politique vit une véritable crise de confiance entre la quasi-totalité de la classe politique et l'ensemble des jeunes, à travers le territoire national, au point où il semble que les deux côtés ne parlent souvent pas le même langage. Le gouvernement en place n'a pas pu jouer son rôle de «fusible», encore moins, de pare-chocs, et la colère populaire a frappé le Conseil militaire de plein fouet et en plein cÅ“ur. Le discours du Maréchal est passé à côté de la crise, qui a fait une quarantaine de morts en à peine trois jours. On dit toujours que gouverner c'est prévoir, mais le «HCM» n'a rien prévu de concret, simplement, parce que il n'a pas essayé de voir les vérités en face. Certes, nul ne doutait de la bonne foi des généraux, mais… la voie de l'enfer est pavée de bonnes intentions. A une imminente journaliste égyptienne qui m'a demandé mon avis, j'ai dit par téléphone : le «timing» ma chère, toujours le timing. Une décision politique c'est comme du poisson en plein jour d'été, s'il passe la nuit, il devient bon à jeter.


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