Algérie

L'autre choix de Morsi EVENEMENT D'EGYPTE


L'autre choix de Morsi                                    EVENEMENT D'EGYPTE
Morsi était loin de douter qu'il ferait l'unanimité contre lui
Le président égyptien est coincé entre faire marche arrière ou alors persister et allumer la flamme qui va embraser son pays.
En annonçant sa dernière «déclaration constitutionnelle» par laquelle il s'est octroyé un pouvoir absolu, le président Morsi était loin de se douter qu'il allait mobiliser contre lui une grande partie du peuple égyptien. Mal conseillé par les siens ou entraîné dans un piège par ses adversaires' Pour l'instant, l'heure pour le raïs n'est plus à la compréhension de la manière dont il s'est jeté dans cette boue, car l'urgence est de trouver une solution, non pas pour lui, mais pour l'Egypte qui risque un nouvel embrasement. Il est donc vital que quelque chose vienne dégoupiller la situation avant ce dimanche.
Malheureusement, de solutions, il n'en existe pas beaucoup et le président égyptien n'a plus assez de choix. Il est coincé entre faire marche arrière et revenir sur ses dernières déclarations ou alors persister et allumer la flamme qui va embraser son pays.
Seul Dieu connaît et apprécie les intentions des hommes
Les mortels, entre eux, se jugent selon les actes. Seul Dieu connaît les véritables intentions qu'avait Morsi en annonçant sa décision de prémunir la commission chargée de l'élaboration d'une nouvelle Constitution pour le pays, de limoger le procureur général et accaparer des prérogatives judiciaires en plus de celles déjà entre ses mains de l'exécutif et du législatif. Quant à l'acte en soi, aussi bien ses compatriotes, que les observateurs de tous bords l'ont condamné sans ambigüité et sans aucune hésitation.
Il n'est pas difficile de comprendre qu'en ramenant à sa disposition les trois pouvoirs de l'Etat, le nouveau raïs égyptien fait glisser la République sur une pente dangereuse, celle de la dérive, de la dictature, de l'oppression et de tous les maux pour l'abolition desquels l'humanité lutte depuis qu'elle a compris que les dictateurs ont beau avoir des appellations différentes, des apparences nuancées et des idéologies différentes, ils finissent toujours par s'en prendre aux nuques de leurs compatriotes, à leurs droits, à leur existence même. Les égyptiens qui viennent à peine de sortir d'une révolution sanglante de laquelle ils ont éjecté l'ancien président, se sentant trahis dans leurs ambitions et dans leur révolution par celui qu'ils ont élu malgré une grande réticence vis-à-vis de son appartenance idéologique, ont pris peur. «Qui s'est fait piquer par un serpent s'enfuit à la vue d'une corde», dit un proverbe de chez nous. Les Egyptiens ont souffert le martyre sous l'ère Moubarak et ils ne souhaitent certainement pas y retourner. Alors, dès qu'ils ont senti un danger pointer avec la fameuse déclaration constitutionnelle de Morsi, ils ont investi la rue.
Il faut dire, tout de même, que l'on sent la main d'une certaine opposition là-dessous. Une opposition à l'image d'El Baradaï ou Amr Moussa par exemple, aux idées bien ancrées dans l'occident et dont la capacité de nuisance, on s'en doute un peu, ne s'arrête pas au fait de pouvoir juste provoquer la mobilisation de milliers d'égyptiens un jour de colère.
L'opposition qui guettait, dès le début du mandat présidentiel, les erreurs de Morsi, n'a pas raté l'occasion qu'il a lui lui-même donnée. Aussitôt que l'annonce du président avait été faite, certains - et à leur tête El Baradaï - en exigèrent le retrait pur et simple. Les déclarations à la presse que ce dernier fit, suivi immédiatement par celles de Amr Moussa qui ne veut pas rester en retrait, étaient claires. L'annulation de toutes les déclarations constitutionnelles et la dissolution de la commission constitutionnelle.
Par fierté, ou peut-être parce qu'ils croyait le gain retiré du cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens assez grand pour absorber les critiques de l'opposition, le président égyptien persista et ne revint pas sur sa décision. En installant le nouveau procureur général et en invalidant de fait toutes les démarches visant à dissoudre la commission constitutionnelle formée, rappelons-le majoritairement par son parti, il crut monter la pression sur ses opposants, mais en réalité, il les stimula plus à s'organiser et à se coaliser contre lui. Mardi, c'est le rassemblement du million, ainsi appelé, qui eut lieu à la fameuse place Tahrir et les Frères musulmans, en annonçant l'organisation de contre-manifestation, allaient précipiter le chaos qui pointait à l'horizon d'un pays encore affaibli. Heureusement qu'ils se rétractèrent à la dernière minute. Le président égyptien tenta de jouer l'apaisement en faisant lire par les services de la Présidence et par certains ministres quelques communiqués que plus personne en Egypte, les yeux rivés sur place Tahrir, n'entendait déjà. Les opposants et le peuple ne veulent plus rien entendre. Leurs demandes sont désormais multiples et variées et l'ultimatum pour que leur président se rétracte estfixé à dimanche. Dimanche, sera la journée fatidique pour Morsi car s'il ne retire pas ses déclarations, le mot d'ordre qui a déjà résonné ces derniers jours, «le peuple veut la chute du régime», est prêt à être lancé sur toute l'Egypte.
Seule porte de sortie honorable: la démission
Que fera Morsi d'ici dimanche' Deux solutions s'offrent à lui. La première, c'est de revenir sur sa décision et reprendre les choses là où elles étaient, c'est-à-dire un président qui va pouvoir rejuger, comme l'exige la rue, les coupables de crimes lors de la révolution, certes, mais un président sans Parlement et obligé de laisser tomber son parti à un moment crucial où ce dernier allait pouvoir enfin peser de son poids dans l'écriture de la nouvelle Constitution. Mais a-t-il les mains libres pour pouvoir renoncer aussi facilement' Les Frères musulmans sont-ils en train d'exercer des pressions sur lui pour qu'il tienne tête à la rue' Ont-il idée de ce que cela pourrait provoquer comme situation' Tout dépend des rapports que Morsi veut bien avoir avec les «siens» dans sa gouvernance du pays. Il peut décider, par exemple, de tracer une ligne entre son pays et son parti, une ligne au-delà de laquelle il cessera de mélanger entre les Frères musulmans et l'Egypte, car on ne peut pas être président de tous les Egyptiens et d'un parti en même temps. Mais, encore une fois, le pourra-t-il'
La deuxième solution, c'est que Morsi persiste dans son obstination et là, il n'y a pas d'autre alternative pour l'opposition que de libérer les places publiques et retourner au travail ou alors, et c'est le plus probable, passer à un niveau supérieur d'exigences et demander le départ de Morsi. L'expérience égyptienne est assez proche et assez forte pour que l'on comprenne qu'ils sont capables de le faire. La seule question qui se posera dans ce cas, sera celle de la réaction des Frères musulmans. S'opposeront-ils à la volonté du peuple comme ils ont, un moment, voulu le faire mardi dernier avant d'y renoncer' Il y aura danger sans doute.
Morsi sait que s'il revient sur sa décision, sa réputation en subira un sérieux revers et son mandat en prendra un sérieux coup. Il perdra beaucoup de sa crédibilité et de son aptitude à gérer le pays. Plus jamais sa gestion ne sera la même. Il sait aussi qu'il ne peut pas s'obstiner, car on ne va plus à l'encontre des peuples de nos jours. La seule porte de sortie honorable qui lui reste, est la démission. En démissionnant, le président égyptien ne reviendra pas sur sa décision. Il aura défendu sa conviction jusqu'au bout et il aura respecté le choix du peuple. Ceux qui défendent leurs convictions sont toujours gagnants. De Gaulle l'avait fait en 1969 avec cette annonce restée célèbre «Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi». Il en est sorti grandi. Est-ce que Morsi le fera aussi'
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