Algérie

L'autre appel au maquis Poésie révolutionnaire amazighe



Prendre le maquis pour défendre sa patrie n'est pas la conséquence directe du seul mépris ou humiliation subis, mais aussi des chants et dictons proférées par ces mêmes humiliés et qui, au fur et à mesure de les répéter et véhiculer, incitent l'individu, voire toute communauté offensée, à passer à l'acte de révolte. Un acte irréversible qui résume, à lui seul, le degré de conscience et de maturité atteint. C'est du moins ce qu'on peut déduire des communications données par des enseignants universitaires et autres intervenants dans la culture a­­­­­mazighe, à la maison de la culture de Tamanrasset, qui abrite, ces jours-ci, la 5e édition du Festival culturel n­­­ational de la musique et la chanson amazighes. Une journée d'étude dédiée exclusivement à la poésie révolutionnaire amazighe, organisée dans le sillage des activités du festival. Les conférenciers représentant différents dialectes amazighs (chaoui, kabyle, m'zab et chenoui entre autres), ont été unanimes à reconnaître l'apport de la poésie et chants amazighs dans l'incitation des gens à se révolter contre l'ennemi colonial.Tarek Boudraa, producteur à la radio nationale chaîne II, insiste sur la source dans l'étude de la poésie orale pour mieux définir le contexte. Parlant de la chanson et la poésie chaouies, il dira que celle-ci garde jusqu'à présent une référence révolutionnaire. « Il n'y a pas actuellement un jeune chanteur chaoui qui n'a pas fait ses preuves dans la poésie révolutionnaire. Même lors des fêtes familiales, il y a toujours des passages où on évoque le chant révolutionnaire », note-t-il. Pour lui, « à l'époque de la révolution, la poésie était un moyen de communication mais aussi et surtout de sensibilisation ». M. Boudraa déplore l'absence au pays d'un institut spécialisé dans la poésie amazighe à même d'exhumer un tant soit peu la matière : « Les rares travaux d'étude entrepris jusqu'ici dans ce sens restent timides ». Le même constat est dressé par Mme Nadjia Bouridj, enseignante de tamazight à l'université de Tizi-Ouzou. « Faute de collecte qui s'explique par l'absence de livres, les rares poèmes révolutionnaires restant sont transmis par voie orale », fera-t-elle remarquer. Elle regrette le retard dans l'introduction des dialectes amazighs, en particulier le chenoui et le m'zab, à la radio nationale, « créneau favorable pour la sauvegarde du patrimoine ». Pour elle, ces deux dialectes ne sont introduits à la radio qu'à partir des années 1990. Mme Bouridj, productrice également à la radio chaîne II, cite un poème révolutionnaire chenoui, sous forme de discours d'un couple, qui relate les méfaits du colonialisme qui exploitait sa terre et le chassait des plaines vers la montagne. La poésie révolutionnaire kabyle incitait beaucoup à prendre le maquis, soutient M. Azzedine Kinzi, enseignant de Tamazight, lui aussi, à l'Université de Tizi-Ouzou. Il note que la poésie révolutionnaire kabyle appelait même les gens à ne pas se comporter et s'habiller comme les colons français. « Ce sont des messages transmis aux gens pour rejoindre la révolution », a-t-il commenté. Citant comme exemple la célèbre chanson de Farid Ali « a yemma azizen ur tsru » (ma chère mère ne pleure pas), une intervenante au débat a estimé que cette chanson n'était pas pour consoler la mère parce qu'elle a perdu son fils, mais parce que ce n'est pas n'importe quel fils : un chahid. « On accompagne, d'ailleurs, les martyrs par des youyous », a-t-elle soutenu. Autre manière de pousser les gens à défendre leur patrie.


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