Un collectif éponyme demande solennellement au président François Hollande de requalifier ces évènements en les désignant comme un crime d'Etat. Il a décidé de lui adresser une demande d'audience. Pour la seconde année consécutive, le Collectif "L'autre 8 Mai 1945" se donne rendez-vous à Paris pour commémorer à sa façon la fin de a Seconde Guerre mondiale.À l'ombre des festivités officielles qui seront organisées pour célébrer le 71e anniversaire de la victoire des alliés contre Hitler, des anonymes se réuniront pour tenter de braquer l'attention sur des faits de colonialisme gravissimes que l'Etat français a expulsé de son histoire et de la mémoire collective.Ces évènements font référence aux massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, que l'Algérie conserve encore aujourd'hui comme une profonde blessure de guerre. Pour forcer leur pays à regarder son passé en face, des militants anticolonialistes français ont décidé d'occuper la place publique et de se faire entendre. Comme en 2015, le collectif "L'autre 8 Mai 1945", tiendra une série de rassemblements. D'abord à Paris, sur le parvis de l'hôtel de ville et devant la mairie de Nanterre, une ville qui avait accueilli les premières vagues d'immigrés algériens. Ailleurs, dans l'Hexagone, des sit-in similaires seront organisés, à Nantes, à Lyon et à Marseille. "Il est impossible de célébrer l'anniversaire de la victoire contre le fascisme sans vouloir arracher à l'oubli ce qui s'est passé en Algérie ce même 8 mai et les jours suivants", fait savoir le collectif en guise de mot d'ordre et en revenant avec précision sur les évènements incriminés. "Des manifestations pacifiques à Sétif, Guelma, Kherrata et dans la région ont été réprimées dans le sang ; des dizaines de milliers de civils algériens ont été massacrés par la police, la gendarmerie, les milices armées par les autorités locales, l'armée française, agissant sur ordre de l'exécutif. C'est au cours de cette répression massive qu'on a déploré à Sétif et aux alentours une centaine de victimes européennes", rappellent les initiateurs des manifestations de commémoration.L'un d'eux est Olivier Le Cour Grandmaison, enseignant en sciences politiques, maître de conférences à l'université d'Evry-Val d'Essonne et militant anticolonialiste infatigable. Il a participé en mars 2015 avec le sociologue Mhamed Kakou (voir entretien ) à la création du collectif et au lancement d'une pétition pour la reconnaissance des massacres. "Cette pétition a accueilli un écho très favorable", fait-il remarquer très enthousiaste. Outre des académiciens et des historiens comme lui, des élus et un certain nombre de syndicats et d'associations ont rejoint la cause, dont celle des anciens appelés du contingent qui se sont positionnés contre la guerre d'Algérie, les pieds-noirs progressistes, des organisations des droits de l'homme, comme le MRAP et de défense des travailleurs immigrés maghrébins.Le collectif compte en outre des représentants de partis politiques, à l'instar du PCF, le Front de gauche et les écologistes. Ces formations sont parvenues l'année dernière à faire voter des mentions dans les conseils communaux de leurs villes respectives, demandant au chef de l'Etat français de reconnaître officiellement la pleine responsabilité de la France dans les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. C'était le cas notamment à la mairie de Paris, sous l'impulsion de Danielle Simonet, élue du Front de Gauche. Son v?u a été approuvé à l'unanimité par les membres du conseil, au grand dam des groupes nostalgiques de l'Algérie francaise, qui se sont élevés contre le vote et à la grande satisfaction des partisans de cette initiative. "Imputer notre histoire commune par l'occultation de ce crime d'Etat ne permet pas à la France d'en finir avec la page coloniale de son histoire", souligne M. Grandmaison.Selon lui, la réaction hostile d'une partie de la classe politique représentée notamment par l'extrême droite n'est pas une surprise. Il rappelle à ce propos la polémique observée il y a quelques semaines, quand le président François Hollande a décidé de commémorer le cessez-le-feu de la guerre d'Algérie. Pour sa part, il estime que ce geste somme toute symbolique, reste très insuffisant. "Si, le 19 mars, le président de la République a reconnu que le système colonial en Algérie était ?injuste' et ?niait les aspirations des peuples à décider d'eux-mêmes', il faut qu'il aille plus loin en disant la vérité sur les massacres du 8 mai 1945", affirme en substance l'historien. Des critiques similaires sont adressées au secrétaire d'Etat chargé des Anciens combattants et de la Mémoire. En mai 2015, Jean-Pierre Todeschini se rendait en Algérie pour une visite inédite, à l'invitation de son homologue algérien, Tayeb Zitouni. Au cours de son déplacement dans la ville de Sétif, le représentant de l'Etat français avait rendu hommage aux victimes des massacres, s'abstenant néanmoins de désigner l'Etat pour ce qui c'était passé. Pour M. Grandmaison et ses amis du collectif, une telle démarche est très en deçà de la demande de reconnaissance. L'universitaire regrette qu'un certain déni subsiste encore concernant la nature abjecte. Il déplore à cet égard le fait que la France ait été le seul Etat démocratique à trouver à travers une loi-celle de 2005 en l'occurrence-, des bienfaits à son entreprise coloniale. Selon lui, il est temps aujourd'hui que les faits soient restitués avec exactitude et que les coupables soient désignés. Pour y parvenir, il demande que vérité soit faite, à travers "l'ouverture de toutes les archives, l'inscription dans la mémoire nationale de ces événements par le biais de gestes forts des plus hautes autorités de l'Etat et un soutien à la diffusion des documentaires relatifs aux événements dans l'Education nationale comme dans les médias publics".S. L.-K.
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Posté Le : 07/05/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Samia Lokmane Khelil
Source : www.liberte-algerie.com