L'autoroute Est-Ouest, la star des projets Plus de 1 200 km d'intrigues

Photo : S. Zoheir
Par Samir Azzoug
L'autoroute Est-Ouest est un ouvrage phare dans la série de mise à niveau des infrastructures de base prévues dans le programme présidentiel de l'ère Bouteflika. Star des médias, cette 'uvre qualifiée de «projet du siècle» a mis sous les feux de la rampe durant plus d'un quinquennat, des personnalités du monde, très sélect, de la politique et des travaux publics. Pas tous pour les mêmes raisons. Les uns sont glorifiés et présentés comme des Hercules des temps modernes à qui ont prédit le mont Olympe, comme le désormais futur ex-ministre (en suspens), Amar Ghoul. Les autres, voués au labyrinthe infini de la justice pour des affaires de corruption. Tous ces éléments dignes d'un film d'intrigues Bollywoodien, ont fait de l'autoroute Est-Ouest l'événement «prime-time» des médias et des discussions de cafés. Ce bitumage sur la largeur du pays a réussi à éclipser des réalisations plus importantes sur le niveau de vie de la population comme l'accès à l'eau ou à l'énergie. Mais, un Algérien heureux, est un compatriote assis au volant de sa nouvelle voiture brûlant du carburant et avalant des kilomètres. D'où la sympathie de la population pour ce projet et ses initiateurs et réalisateurs. Il ne s'agit pas ici de minimiser l'importance de cette route en 2x3 voies dans un pays où 85% des échanges commerciaux se font par route, mais juste histoire de relativiser un peu.Qu'est-ce que l'autoroute Est-Ouest ' C'est un projet long de 1 216 km doté de 60 échangeurs, 450 ouvrages d'art, 30 viaducs et 12 tunnels. Il est équipé de 60 aires de services, 12 centres d'entretien, d'exploitation, 42 stations-service et 70 gares de péage. Lancée en 2006, cette autoroute devait être réceptionnée en 2010. C'est un très grand chantier. Août 2012, ce mastodonte infrastructurel est quasiment fini (donc en retard). On met bien quelque quatre heures pour relier Alger à Constantine et un peu plus de 3h30 d'Alger à Oran, mais pour autant, on ne peut affirmer que cette réalisation fut un succès détonnant. Aucun projet, de quelque sorte qu'il soit, ne peut être déclaré réussite si son émergence dépasse de loin les objectifs en matière de coût, de qualité et de durée assignés au départ. Or qu'en est-il de cet argument de campagne électorale qu'est devenu le projet du siècle ' D'abord en termes de livraison. Deux années après l'échéancier, l'automobiliste marocain venu de la frontière ouest algérienne ne pourra relier la Tunisie exclusivement sur la nouvelle 'uvre ' de toutes les façons la frontière avec le Maroc est toujours fermée-. Il reste encore le tronçon reliant Constantine à Skikda (est) à livrer selon la énième déclaration des officiels en charge, en octobre prochain. Une vingtaine de kilomètres qui devaient être ouverts à la circulation en juillet dernier (ou plutôt en 2010) retardée pour des problèmes techniques. Quant à la qualité de l''uvre, il n'est pas difficile de se rendre compte dès qu'on l'utilise qu'on ne roule pas sur un «tapis». Certains tronçons ont dû d'ailleurs être refaits et des malfaçons sont signalées au niveau de Bouira par exemple. En termes d'équipements, c'est encore le Far West. Il est toujours préférable de faire le plein de carburant et remplir quelques jerrycans si on l'emprunte sur un long trajet. Car les stations-service sont très rares. L'éclairage est absent sur de longs tronçons et la sécurité fait défaut. Enfin, le coût. C'est toute une histoire. 8 millions d'euros le kilomètre affirmait Ghoul devant les sénateurs au plus fort de la polémique en décembre 2011. Beaucoup moins que les tarifs appliqués en Europe argue-t-il. Faux affirment des experts qui mettent en relief la qualité des autoroutes européennes et les tarifs moins chers concédés par les pays voisins. Des voix se sont élevées pour dénoncer un gouffre financier fait d'intrigues, de détournement, de commissions extravagantes et de mauvaise gestion. L'affaire de l'autoroute Est-Ouest est l'un des plus grands scandales de ces dernières années. Devant ces faits à chacun de juger de la réussite ou pas de ce projet du siècle.