Quand les bruits
de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les
faire parvenir. Musique.
Un air de défaite
a marqué le dernier Conseil justice et affaires intérieures de l'UE, celui qui
réunit les ministres de l'Intérieur des 27 Etats membres, tenu jeudi dernier à
Bruxelles. Une défaite de l'Europe politique face à la pression des partis
nationalistes et populistes qui usent, depuis l'apparition de la crise
économique et sociale en Europe, les avantages de liberté, de démocratie et de
modernité acquis aux prix d'énormes efforts de générations précédentes
d'Européens.
Jeudi dernier, les eurosceptiques ont porté
symboliquement un coup dur à la principale conquête européenne, celle de la
liberté de circuler dans l'Union, l'acquis de Schengen. Comment cela a-t-il été
possible ? Non, ce n'est pas en raison des 25.200 migrants sud- méditerranéens
fuyant les affres de la violence et de la guerre. Non ! Parce que dans les
années 1990, et plus particulièrement lors de la guerre en Bosnie en 1994, ainsi
que lors de l'embrasement du Kosovo, des dizaines de milliers de réfugiés ont
fui vers cette Union européenne qui comptait 15 pays, sans que l'acquis de
Schengen ne soit remis en cause ! Mieux, la Commission et le
Conseil européens ont édicté, dans l'urgence et à juste titre, la fameuse
directive de « protection temporaire des réfugiés ». Des dizaines de milliers
de réfugiés de l'ex-Yougoslavie ont trouvé accueil, aide et protection dans
l'espace Schengen. Une partie d'entre eux y vit à ce jour sans poser de
problème « d'intégration ». Pourquoi 25.200 migrants désespérés provenant
d'Afrique du Nord et subsaharienne posent-ils tant de problèmes dans une Europe
qui s'est élargie à 27 pays ?
Est-ce en raison de leur origine, leur culture,
leur religion ? Une telle explication serait trop facile et démagogique et
verserait de l'eau au moulin de l'extrême droite, autant que l'extrémiste arabe,
y compris celui religieux.
La vraie raison du lamentable spectacle auquel
se livrent les dirigeants européens tient à la destruction des principes de
solidarité entre Européens eux-mêmes. La montée des nationalismes et la dispute
entre Européens existaient bien avant l'arrivée des migrants africains. Les
flottilles provenant de Tunisie et de Libye sont un prétexte sur lequel surfent
les eurosceptiques. Rappelons comment le président français Nicolas Sarkozy (comme
par hasard) a lancé les premières salves contre les fondements de la solidarité
et de la construction européennes, alors qu'il présidait l'UE entre juillet et
décembre 2008. Il divisa l'Europe entre pays de l'euro-zone
et les autres pour répondre à la crise qu'il disait, par ailleurs, concernant
toute l'Union. Rappelons les échanges « saucés » entre lui et le président de
la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Junker. Sarkozy a fait adopter au
forceps le texte pour une immigration choisie pour l'UE.
Et puis ses réunions en aparté avec la chancelière allemande pour imposer à
l'UE des lignes de conduite face à la crise. Sarkozy a marginalisé et affaibli
les institutions européennes.
C'est donc tout naturellement qu'aujourd'hui, c'est
lui qui est à l'origine de la tentative de démantèlement de l'espace Schengen. L'Italien
Silvio Berlusconi a eu le mérite de délivrer des titres de séjour de 6 mois à
une majorité de migrants africains. C'est le président français qui leur a
fermé la frontière. A une année de la prochaine élection présidentielle, Nicolas
Sarkozy chasse encore sur le terrain du Front national.
A Bruxelles, le ministre danois a saisi
l'opportunité pour « défier » à son tour la Commission européenne, gardienne
des traités de l'Union, en déclarant que son pays va immédiatement réinstaurer
les contrôles à ses frontières. Ainsi, le parti populaire danois anti-immigration,
partie prenante au pouvoir au Danemark, lèvera son veto sur le programme du
Premier ministre actuel.
C'est pourquoi établir un lien de causalité
entre le printemps arabe et la « crise Schengen » est une grossière
manipulation politique. Autrement dit, la volonté de remettre en cause l'acquis
de Schengen n'a aucun lien avec les 25.200 migrants africains, dont une partie
a été rapatriée par ailleurs. Le coup est plus bas : il tient à des
considérations électoralistes internes. La question est aujourd'hui de savoir
quel autre acquis européen sera dans le viseur des eurosceptiques. Parions que
ce sera la monnaie unique, l'euro. Car, ce sont les deux conquêtes de l'Union
européenne : Schengen et l'euro. Sans ces deux acquis, l'UE n'existe plus.
Pour les eurosceptiques, l'affaiblissement des
institutions européennes passe par des attaques continues contre tous les
segments de la construction européenne. Une terrible dérive, alors que les
textes fondateurs de l'Union sont bâtis sur la solidarité, le consensus
politique et l'ouverture au monde. Jeudi dernier à Bruxelles, constatant
l'incapacité de la
Commission européenne à faire respecter l'ordre et la
légalité des procédures, les députés européens ont dénoncé la dérive franco-danoise au sujet du traité de Schengen et averti
qu'ils n'abandonneraient pas l'âme et l'esprit de l'Union. Ils ont cité les
exemples tunisien et égyptien qui, malgré le défaut de moyens, accueillent plus
de 500.000 réfugiés. Sans espace de liberté.
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Posté Le : 15/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com