«L'audit interne est au centre des enjeux économiques» Mohamed Meziane. Président de l'Association des auditeurs consultants internes algériens

Mohamed Meziane, juriste de formation, consultant-formateur depuis 1994, auditeur social et juridique ESSEC-Paris (1994), Titulaire du DPAI-2007 (diplôme professionnel de l'audit interne) IFACI-France, est le président de l'Association des auditeurs consultants internes algériens (AACIA). Il fait le point sur l'audit, une pratique incontournable dans les entreprises performantes'
- L'ancrage généralisé de l'audit interne en tant que pratique professionnelle pleinement assumée au sein des organisations nationales reste à faire. pourriez-vous nous dresser un état des lieux '

Le terme «audit» a surtout pour origine la pratique romaine de juger les plaintes devant une juridiction à partir de l'audition de témoins (aux dires : écouter). La généralisation de l'audit à tous les domaines de la gestion a amené l'IIA (qui est l'Organisation mondiale de l'audit interne) à adopter, en juin 1999, une définition qui fait référence, qui tire l'audit interne vers le «haut» en lui conférant, entre autres, un véritable pouvoir de changement au niveau des pratiques managériales. L'audit interne aide cette organisation à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle, et de gouvernement d'entreprise et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité. Il est clair que l'audit interne n'est plus focalisé sur la seule sphère financière et comptable, mais se trouve désormais sollicité de par «ses apports gagnants» en matière de bonne gouvernance, à élargir son spectre d'interventions à toutes les activités de l'organisation. Il est possible de constater en toute objectivité que l'audit interne, longtemps confiné au niveau de la fonction comptable et financière devenu obligatoire dès 1988 (article 40 de la loi 88/01 du 12 janvier 1988) dans toutes les EPE (Entreprises publiques économiques), obligation légale abrogée en 1995 puis devenue ensuite facultative, fortement recommandée par les professionnels, notamment les adhérents de l'AACIA, a réussi à créer les déclics d'intérêt nécessaires auprès des managers nationaux et à amorcer, de ce fait, une démarche de légitimation de ses rôles au seul service des entreprises de notre pays.
Ce nouveau regain d'intérêt, manifesté par les managers nationaux, s'explique par l'universalité de l'audit interne qui est avant tout une fonction normée et les retombées positives (évaluation et pertinence du contrôle interne, maîtrise des risques, valeur ajoutée engrangée) induites par la présence diffusée des bonnes pratiques de l'audit interne au niveau des différentes structures de l'entreprise. Les entreprises algériennes ont compris qu'elles ne peuvent se permettre le luxe de vivre en marge des évolutions mondiales, car l'audit interne est au centre des enjeux économiques. L'audit interne a tendance, depuis, à s'intégrer comme nouvelle donne dans la sphère gestionnaire des entreprises du pays. Il y a une réelle amorce de reconnaissance de cette fonction utile, au seul service de l'efficacité managériale.

- Le métier d'auditeur interne requiert des qualités humaines particulières ainsi que des compétences professionnelles avérées ; pourriez-vous nous en dire plus '

Etre auditeur interne ne relève guère de l'improvisation, car ce métier captivant, ouvert sur la diversité de situations professionnelles à vivre et qui est structurant dans l'art du déploiement de sa démarche méthodologique, représente sans aucun doute une sorte de synthèse des savoirs professionnels à acquérir pour être légitime, être dépositaire d'une autorité reconnue par les clients de l'audit interne. La professionnalisation de l'auditeur interne est devenue une exigence incontournable de par le fait, entre autres, que l'audit interne est en perpétuelle évolution. Cette évolution de l'audit interne est elle-même la résultante des changements caractérisant les organisations (les innovations techniques, la concurrence effrénée pour de nouvelles parts de marché, la modification des réglementations, les exigences accrues des actionnaires pour un comportement plus responsable des dirigeants).En référence au contexte algérien, cette professionnalisation des auditeurs internes est un enjeu de première importance pour les années à venir. Aux fins d'être un véritable acteur qui 'uvre à l'immortalité de son entreprise, l'auditeur interne doit vivre l'organisation, être imprégné de sa culture, se sentir concerné par tout ce qui la touche, ses succès comme ses difficultés ou ses échecs. Pour ce faire, l'auditeur interne doit se prévaloir, de manière permanente, d'une compétence fondamentale liée à son aptitude individuelle de comportement dans sa démarche relationnelle avec ses différents clients, en vue d'instaurer, de favoriser et de consacrer le dialogue permanent au travers d'une communication directe en tous temps avec ces derniers. Contrairement à l'image qu'en donne la profession, l'audit interne est un métier de contact et de communication. Son exercice requiert de l'auditeur interne des qualités humaines recherchées et des compétences spécifiques, étant entendu que toute compétence peut s'acquérir ou s'améliorer. Je ferai un emprunt à Louis Vaurs, ex-délégué général de l'IFACI, pour affirmer que l'audit interne est un métier difficile mais gratifiant qui donne rapidement une connaissance intime des forces et des faiblesses d'une organisation ; c'est un métier formateur, structurant les démarches et permettant une approche des problèmes de façon méthodique et systématique. C'est un métier qui favorise l'ouverture d'esprit, ouverture sur la diversité des risques d'une organisation, sur les approches croisées entre différents domaines : le financier, le juridique, le social, le comptable, le technique. La traduction sur le terrain de cette «compétence comportementale», qui devrait conférer réellement à l'auditeur cette dimension d'acteur de dialogue, requiert de ce dernier des qualités personnelles particulières En fait, l'auditeur interne n'est ni un juge, ni un coupeur de têtes, ni un censeur chargé de «taper sur les doigts des audités». L'auditeur est un acteur de l'apaisement des esprits. Michel Piaton souligne que le travail de l'auditeur consiste à faire parler les gens.

- L'AACIA perpétue son rituel d'utilité managériale en organisant son 2e Colloque international les 24 et 25 juin 2012, à Alger. Qu'attendez-vous de ce rendez-vous institutionnalisé des professionnels de l'audit interne '

L'engagement pris par le Bureau national de l'AACIA d'institutionnaliser, comme vous le dites, à juste raison d'ailleurs, ce rendez-vous pour réunir la famille des professionnels algériens de l'audit interne n'obéit pas à un effet mode, mais s'inscrit en droite ligne avec nos convictions associatives, à savoir rester en phase avec nos statuts en 'uvrant inlassablement au développement et à la promotion de l'audit interne au bénéfice des organisations de notre pays. La réussite souhaitée de ce rendez-vous ne saurait être anonyme, elle doit être partagée avec tous les responsables d'entreprises, d'institutions qui ont favorisé et facilité la participation de leurs cadres à cet événement si important. L'exigence de reconnaissance, qui est à mettre en évidence, m'interpelle en toute conscience pour adresser par l'entremise de votre quotidien les sincères remerciements des membres du Bureau national de l'AACIA aux responsables des entreprises (la Société des ciments de la Mitidja, Meftah, le groupe Sonelgaz, le groupe Annabib) et l'Institut de formation IS Avicenne Oran, pour leurs soutien et concours indéfectibles à la tenue de ce colloque international. De par la variété des thèmes qui seront abordés et qui seront encadrés par d'éminents spécialistes et professionnels de l'audit interne nationaux et étrangers (France, Belgique, Canada, Maroc, Tunisie, Suisse, Côte d'Ivoire, Burkina Faso), les travaux du colloque visent à identifier de nouvelles perspectives devant inciter à l'accélération de l'ancrage essentiel, déterminant, vital et surtout apaisé de l'audit interne et des règles de bonne gouvernance au sein des organisations de notre pays. Il se veut également une occasion propice pour les participants d'écouter et d'échanger avec ces spécialistes de renom de l'audit interne, qui seront chargés d'animer durant deux jours la conférence d'ouverture : cinq plénières et quatre ateliers programmés, soit l'équivalent de trente communications attendues.
Cette manifestation se décline aussi comme une nouvelle opportunité pour contribuer de manière effective à une mise à niveau en termes informationnels et de capitalisation de nouveaux savoir-faire de tous les acteurs intéressés par l'audit interne, la gouvernance et l'éthique. Enfin, ce colloque sera un espace où la devise de l'IIA, «le progrès par le partage», s'exercera pleinement et aura un véritable droit de cité, car elle devrait permettre à tous les participants (intervenants et séminaristes), forts des spécificités de leurs pays respectifs, de partager leurs expériences dans ce qui les unit : l'audit interne, qui est une fonction encadrée par des normes universelles, en perpétuelle évolution eu égard aux besoins changeants des entreprises. La mutation de l'audit interne n'est pas achevée, car elle est au c'ur d'enjeux économiques importants. Il est évident que la participation des auditeurs internes et autres acteurs intéressés algériens à ce 2e Colloque international ne pourrait être que bénéfique.