«N'applaudissez pas
sur les joues d'autrui».V. Hugo
Le déroulement
très agité des «révoltes», des «révolutions» ou des «complots ourdis par
l'impérialisme» que vivent les pays arabes constitue, pour eux, un tournant
décisif. Les mutations déjà visibles, avec l'irruption massive des populations
dans le champ politique, font que plus rien ne sera comme avant l'immolation
d'un jeune Tunisien. Les analystes et experts américains, européens et arabes
sont consensuels : les scénarios et les développements envisagés et envisageables
fragilisent les pouvoirs et font une grande place aux pressions extérieures et
aux demandes politiques internes de plus en plus pesantes. La démocratie, la
corruption, la gouvernance, le statut de la femme, la légitimité des urnes, la
liberté de communication, le rôle de l'Etat, l'alternance, les pluralismes et
d'autres problématiques sont devenues impérieuses, prioritaires.
Elles sont
brandies par les peuples arabes et opposées par les grandes puissances aux
dictatures les plus sanglantes et les plus folles qui ont très souvent sévi
dans la «Oumma» de toutes les violences.
Ceux qui ont les
mains pleines de sang et leurs coffres pleins à craquer, répètent que «rien ne
ressemble à rien», alors que les peuples arabes aspirent aux mêmes choses, au
point d'en mourir. Les citadelles assiégées par les «croisés» sont sommées de
lire les droits de l'homme, de ne plus considérer les citoyens comme des
sujets, d'ouvrir l'audiovisuel et de laisser le 4ème pouvoir s'exercer.
Entre la crise
cardiaque, l'hystérie collective officielle et la terreur à l'idée de perdre à
terme le joujou que sont les médias publics et les journaux amis insolvables,
les dirigeants arabes avancent autant de réponses qu'il y a de régimes. Le
délit de presse, les ingérences brutales du gouvernement, l'ouverture de
l'audiovisuel au privé, le foulard pour la photo du passeport (qui intéresse
aussi la police d'Europe et d'ailleurs, on l'oublie souvent) font débat en
Algérie. Dans la confusion, pour des intérêts évidents, en mélangeant les
genres et les situations, chacun y va de son analyse et de sa «proposition». En
signant d'un C.V. long comme l'âge des signataires, en collant à la manière du
crabe aux thèses officielles, l'amateurisme, l'approximatif caractérisent les
offres de services des conservateurs sans audace ni pertinence. Le statu quo,
«l'intéressement placement» ou l'espoir d'un retour sur investissement écrit,
sentent la manipulation d'appareils si sclérosés que leurs articulations se
font entendre à Hawaï. De la prudence, des généralités jusqu'à en devenir
ternes ! Tel est le credo new âge. Et c'est terne !
Pour les partis
au gouvernement, l'équation est simple. Experts dans l'art de se défausser sur
le «haut», ils espèrent la transition la plus longue pour avoir la mainmise sur
les médias qui leur appartiendraient tout naturellement. L'opposition, elle,
comme la majorité, méconnaît le cahier des charges en vigueur de la chaîne
unique, qu'elle a brûlé en son temps du moins par une partie de l'opposition
actuelle. Pour celle-ci, ne comptent que ses apparitions rarissimes au J.T., la
couverture de ses meetings, marches et conférences de presse. Le reste de la
programmation n'a jamais intéressé l'ensemble des partis. La majorité est
persuadée que seuls le J.T. et les émissions «spécialisées» lui donnent de la
légitimité, supérieure à celle des militants et des électeurs. L'opposition est
persuadée que le J.T. et les émissions en question remplacent l'ancrage
populaire dans le pays et la militance de proximité, et pour certains la T.V. serait un état civil qui
délivre le S12. L'audiovisuel est perçu comme un gibier dont on se dispute les
meilleurs morceaux. Mais dame parabole qui fait la véritable audience renvoie
tout le monde dans le noir. Sans trop s'éloigner du statu quo, sans rien
dévoiler des idées qu'ils n'ont pas et sans demander clairement l'abrogation de
la loi d'avril 1990 on fait référence, parce qu'un ministère à côté de la
plaque l'évoque, à une loi organique. Mots magiques ou panacée démocratique, on
croit que ce hochet, puisque l'exécutif en parle va régler le conflit
israélo-palestinien. On a même, parallèlement, réinventer les Conseils dont la
dissolution à l'époque n'a pas fait sourciller un cil chez ceux qui les
inventent aujourd'hui, en gardant bouche cousue jusque vers l'année 2007/2008
Les «créatifs» de
2011 ont des audaces sans limite ! Ils autorisent le capital privé national
pour la radio et le… partenariat étranger pour la T.V. parce que l'exécutif y a
fait une allusion aussi maladroite que peu réalisable nulle part. Le privé
étranger est le bienvenu qui investirait ses 49% dans l'idéologie, le culturel,
le culturel officiels et dans l'abîme des «constantes» ! Mais revenons un peu
au sérieux, au réel local violent dans ce pays qui n'arrive même pas à monter sa
chaîne unique sur satellite.
Les pouvoirs
publics ne peuvent plus différer les réformes dans l'audiovisuel, le cinéma au
vu de la captation de l'opinion (tous âges et niveaux confondus), par des
concurrents conquérants, performants présidés par des volontés politiques et
armés de tous les moyens technologiques et financiers. Il y a urgence.
Cependant, la réflexion sérieuse, dans des cadres sérieux hors allégeance et
bureaucratie, est indispensable. Les chantiers premiers sont évidents et
expérimentés depuis longtemps dans le vaste monde. Nous importons des
allumettes, alors ne faisons pas semblant d'inventer ce qui domine et vient de
l'espace. Les urgences sont connues.
-Mise en place
rapidement, après réflexion, d'un groupe public de T.V avec 3 ou 4 sociétés de
programmes avec des grilles réfléchies, modernes et surtout complémentaires et
concurrentes pour les niveaux d'audience, donc pour attirer les annonceurs.
-Ces chaînes
seront dotées d'actes de naissance juridiques avec le statut d'EPIC, des locaux, des budgets et des studios indépendants
les uns des autres et des cahiers des charges à l'image de celui en vigueur à
l'ENTV mis sous le coude depuis l'été 1991.
-Ces sociétés de
programmes en fonction de la
Constitution et des cahiers des charges seront indépendantes
de l'exécutif et des partis, sous la surveillance et la régulation du Conseil
supérieur de l'audiovisuel rétabli dans ses missions que d'aucuns hier
silencieux et bavards aujourd'hui.
-Le PDG et les DG
du groupe seront proposés, après audition, par le CSA et nommés par le chef de
l'Etat pour un mandat de 5 ans intouchable sauf faute grave.
Sans aller dans
le détail, le groupe public de T.V aura les lourdes missions de respecter la Constitution dans ce
qu'elle énonce et protège comme libertés, pluralismes, diversités des groupes
sociaux, égalité des sexes et des chances, droits de l'homme, exercices
syndicaux et politiques etc. A ce jour, les oppositions, à juste raison, et
aussi avec facilité, manifestent de la méfiance, de la défiance face à des
médias publics tenus par l'exécutif et des appareils indus dirigeants. Or dans
les textes en vigueur à ce jour, il y a de quoi rassurer tous les acteurs
politiques, sociaux, syndicaux, économiques quant à l'indépendance de la chaîne
unique. Si les textes sont défendus et respectés.
Dans le chapitre
2 relatif aux obligations particulières consignées
dans le cahier des charges du 20 avril 1990, il est clairement établi les
droits et devoirs de la chaîne :
-La communication
gouvernementale, les campagnes électorales, les débats à l'APN,
l'expression des partis politiques, des organisations syndicales et
professionnelles (au pluriel), les émissions religieuses (principaux cultes
pratiqués en Algérie), émissions culturelles, spécialisées etc. sont explicités
sans ambiguïté.
Implications,
financières entre autres pour la production audiovisuelle, la co-production, la
formation etc. A l'évidence le saut effectué dans les ténèbres est phénoménal,
et nombreux sont, surtout les charlatans dans les champs politique,
universitaire, syndical qui gagneraient à prendre le temps de (re) lire la loi relative à l'information, les cahiers des
charges et le contenu du statut d'EPIC des médias
lourds, les prérogatives des hauts conseils avant d'aller bavarder à droite ou
à gauche. La lecture en question serait hautement bénéfique pour tous les
partis, la saine critique, pour d'éventuels amendements et correctifs relatifs
à l'audiovisuel et la presse plutôt que de se gargariser de la potion magique
qu'est la loi organique. Une loi existe, évoquée régulièrement alors qu'elle
n'est ni appliquée, ni amendée et encore moins abrogée. Enfin le législatif
évite avec une rare prudence le maquis des lois et des trois centres nationaux
du cinéma (record unique au monde) qui brillent par une mystérieuse disparition
pour laisser les apprentis Kissinger radoter sans une seule idée et proposition
rendues publiques pour la production, l'exploitation, les industries
techniques, une banque spécialisée, l'éventuelle implication du privé etc. Comme
la culture ne dit rien aux partis et que les professionnels détestent
l'organisation, le désert avance.
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Posté Le : 14/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com