Le continent africain, berceau des sociétés matriarcales, a vu naître au fil des siècles des gouvernances exclusivement féminines, à l’image des Amazones citées dans la mythologie grecque et dont certains historiens comme Diodore de Sicile avancent la thèse d’une origine garamante-lybico-berbère du Fezzan (l’actuelle Libye).
Elles sont représentées agitant boucliers et haches à travers les figurations artistiques d’une Grèce hellénistique réfractaire à l’introduction de la femme aux cercles savants et aux champs de batailles, la réduisant au «simple» rôle de génitrice.
Du mythe de Tin Hinan à l’éthique de l’Ass’hak : imaginaire collectif et fondement d’une norme
Les femmes de la région tamasheq jouissent d’un statut privilégié, à l’image de leur reine d’antan, Tin Hinan, dont le nom signifie la voyageuse ou encore «celle qui vient de loin». La reine touareg, que la légende rattache à la lignée des Touareg nobles, aurait vécu au IVe siècle et fut décrite comme étant l’incarnation de la beauté et de la force souveraine. Elle demeure encore de nos jours source d’inspiration, comme l’affirme l’homme politique nigérien targui Mano Dayak dans son ouvrage Touareg, la tragédie. «La Targuia n’est pas une femme soumise», exprime-t-il. «Elle est gracieuse, et elle est forte aussi. Selon notre légende, le seul suzerain jamais accepté par tous les Touareg fut la reine Tin Hanan (Antinea) dans le Hoggar. Cela dit, beaucoup de choses…», ajoutait-il.
Il convient de préciser qu’au gré des mutations socioculturelles, et au fil des siècles, le matriarcat oligarchique mute, laissant place à un matriarcat social. Il s’agit d’une forme plus estompée de pouvoir, puisque les femmes ne l’exercent plus de façon directe mais le transmettent par leurs origines nobles.
Par ailleurs, le statut des femmes touarègues au sein de la société dépasse la sphère de la «simple» observation des mœurs et des traditions, transmises de façon orale. Il faut dire qu’il fut sciemment préservé et réglé depuis des générations grâce à un code éthique appelé l’«asshak». Il est enseigné aux garçons dès leur jeune âge par les mères, les tantes et les parentes en charge de leur éducation. Cette dernière comprend l’apprentissage du tifinagh, la gestion du campement ou encore l’art de se tenir en société. De la sorte, elles sont les garantes de la langue vernaculaire et des traditions séculaires.
Le code d’asshak octroie aux femmes leur autonomie dans la gérance de leurs biens qui comportent : tentes, terres, bétails et bijoux. L’époux peut intervenir dans la gestion du capital de sa femme mais, en aucun cas, le confondre ou l’assimiler à son propre patrimoine. Il devient en ce sens son vassal. Ainsi, le mariage chez les kel tamasheq est conçu comme une alliance égalitaire. Par ailleurs, les femmes ont le droit à la parole en public pour intervenir sur les questions qui touchent la communauté. De plus, elles affichent une aversion assumée envers la polygamie et, en cas de malentendu ou de violences physiques, l’homme est chassé de la tente qui demeure la propriété de son épouse. Il est à souligner que c’est elle qui fournit la tente lors du mariage. L’opulence matérielle et l’origine noble de certaines femmes lui confèrent encore plus de pouvoirs au sein de la confédération…
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Posté Le : 04/08/2023
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Leila Assas
Source : babzman.com