Restée de 1069 à 1144 sous la domination des Almoravides, Tlemcen continua à se développer avec les Almohades. Vers 1227, un gouverneur, Yarmorasen ben Zeiyan, se déclara indépendant. Tlemcen devint sa capitale et le siège d'une dynastie nouvelle (les Béni-Zeiyans ou Abdelouadites). Les successeurs de Yarmorasen restèrent sur le trône pendant près de trois cents ans, avec une interruption de vingt-cinq ans: l'entr'acte mérinide au XIVème siècle.
L'histoire de Tlemcen est dominée par une longue lutte contre les bandes arabes venues de l'Ouest et les rois mérinides de Fez. Ceux-ci, en 1299, investissent la ville. Pendant le siège qui dure huit ans, ils bâtissent en banlieue un camp fortifié, avec mosquée et édifices divers, dans une enceinte de remparts mesurant près de 4 kilomètres: c'est Mansoura. Tlemcen, cependant, demeura inviolée. Mais, en 1337, après un nouveau siège de deux ans, elle fut cette fois prise d'assaut par les Mérinides. Ils y restèrent jusqu'en 1359. Cette date marque la restauration des Abdelouadites. Leurs descendants occupent le trône cent quatre vingt-seize ans. En 1555, enfin, les Turcs s'empareront de la vieille cité.
Malgré ces luttes continuelles, les Abdelouadites, les premiers surtout, ne cessèrent d'embellir leur capitale. Eux et les Mérinides ont fait de Tlemcen la « perle du Maghreb », le pur diamant de l'art musulman algérien. Du wagon qui roule à travers tant de méandres, on attend avec fièvre Tlemcen. On la désire du cœur et des lèvres. Une dernière courbe: la voici enfin. Elle est toute féminité. Elle s'appuie nonchalamment à l'épaule des collines. Ses hanches frôlent de leurs tendres inflexions la campagne ardente. Et quelle envolée d'inspiration! Les panneaux des monuments grouillent d'arabesques: elles font comme un bruissement de formes agiles dans le silence odorant des mosquées. Ici, la matière docile s'est amoureusement pliée aux fantaisies de l'homme. Art voluptueux. Art mystique. Art de subtilité délirante.
Le paysage est un parterre de souvenirs. Comme à Tipaza l'histoire s'inscrit dans les fleurs. Elle a l'odeur de la verdure fraîche. Mais Tipaza reste somnolente; elle filtre, à travers ses yeux mi-clos, un regard mélancolique et lointain. Tlemcen n'a point voulu que le passé demeurât inerte. La nature anime les vieilles pierres. A Mansoura, elle leur verse ses ondes frémissantes. Le soleil met aux ruines un sourire. Secouées de frissons dans les pollens de l'aurore, toutes roses de chaudes carnations, elles désertent les temps révolus. Elles s'incorporent au siècle. Et ces mosquées bourdonnent encore de prières. Elles réconcilient le passé et le présent. Elles enlacent le rêve à la vie. L'heure n'a plus un timbre désuet; elle vibre des sonorités de l'actuel. Admirable leçon de Tlemcen : l'art ne doit pas être un cimetière; la fleur n'est rien sans le fruit, la pensée sans l'action n'est qu'une fleur stérile...
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Sous les Beni Zeiyans, Tlemcen devint un marché comÂmercial de premier ordre. C'est là qu'aboutissaient pour se croiser les courants d'affaires, allant de l'Occident à l'Orient, et du port voisin d'Honaïn, aujourd'hui ruiné, au Tafilalet et au Soudan. Cette position cardinale, les influx divers qui se mêlèrent à Tlemcen, expliquent bien des affinités artisÂtiques. Mentionnons aussi la présence de chrétiens, esclaves, soldats ou ouvriers et d'andalous qui vinrent d'Espagne, nous confie Ibn-Khaldoun, à la demande d'un abdelouadite. Petit fait, mais considérable. La Tlemcen de l'époque a, avec l'esthétique de Grenade, une étroite amitié.
Posté Le : 26/12/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : L'Art Antique et Art Musulman en Algérie, par A. BERQUE, Administrateur Principal de Commune Mixte détaché au Gouvernement Général de l'Algérie
Source : aj.garcia.free.fr