Algérie

L'art de concevoir et la manière de bâtir...


Tout un cheminement. Lors de sa dernière intervention devant les membres du conseil national du RND, le secrétaire général du parti et néanmoins chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a annoncé une prochaine révision de la Constitution.

Ceci n'a rien de surprenant en soi, mais ce qui l'est, cette déclaration relative au choix de la voie parlementaire, une première, sur la voie référendaire pour amender la loi fondamentale du pays. Le Président lui-même a toujours privilégié la seconde sur la première, pourquoi y déroger ? Quant à l'appui du RND à la réélection du Président, M. Ouyahia n'apporte rien de nouveau dans le volet, sinon à quoi servirait l'alliance présidentielle ? De toutes les manières et selon l'orateur, quels que soient les partis en lice, seuls leurs programmes influeront sur la décision du peuple. L'Algérie de 2008 n'est plus celle de 1999 ; il n'y a qu'à voir les réalisations de la décennie !

Sans prétention aucune de vouloir contredire notre respectable chef du gouvernement ou faire dans l'opposition politicienne, il y a lieu de revenir sur une ou deux choses de l'ambitieux programme décennal initié par le chef de l'Etat.

Véritable plan Marshall s'il en était, il n'a répondu que partiellement aux attentes, aussi bien des initiateurs eux-mêmes que de la population, des jeunes notamment ; le chef de l'Etat le reconnaissant lui-même lors du dernier regroupement des présidents d'APC.

Sans être grand devin ou spécialiste de la chose économique, la vision de départ aurait beaucoup plus tablé sur les moyens de réalisation que sur les capacités nationales de conception et de gestion. Il était clair au départ que cet ambitieux programme ne pouvait reposer sur la seule machine bureaucratique mise en place depuis la création de l'Etat, elle-même issue de l'archaïsme administratif colonial en déclin. Le chef du gouvernement a dû récemment rappeler à l'ordre les membres de son cabinet sur la maîtrise des dépenses publiques de l'Etat. N'était-ce pas un prérequis initial ? Cela étant, il y a donc incohérence entre les dépenses engagées et les résultats jusque-là obtenus. L'effet d'annonce de grands chantiers de portée indéniablement structurante au départ l'a souvent emporté sur la vision conceptuelle des projections sur l'avenir. C'est ainsi que de grands projets, lancés en grande pompe, peinent à émerger au grand jour à l'effet d'évacuer durablement les légitimes préoccupations dont les plus prosaïques d'entre elles. Où en est-on du million de logements ? Du métro ? Du programme des Hauts Plateaux et du Sud ? Les échéances sont constamment ajournées. Ces questionnements ne peuvent s'inscrire que dans les limites de la compréhension basique du profane.

Le rond à béton et le ciment posent alternativement d'épisodiques contraintes. Avait-on visionné au préalable le marché des matériaux de construction ? Il est indéniable que l'on a beaucoup construit, mais à la question de savoir comment l'a-t-on fait ? Là apparaît toute la problématique des villes sans âme. Mis à part le projet des 1.500 logements des Saoudiens à Chéraga, aucun autre nouveau conglomérat d'habitat ne peut se prévaloir, ni de fonctionnalité ni d'esthétique.

Il est maintenant aisé de reconnaître le produit chinois, qui à part les premiers logements de Aïn Naadja dont le style était recherché, se singularise par ses mornes bâtisses de couleurs criardes.

Passé maître dans l'art de détourner toute chose à son profit, l'Algérien lambda profite de l'ouvrier chinois pour lui faire faire des heures supplémentaires sur son propre chantier. Epuisé, ce dernier perdant sa «nia» fait du n'importe quoi, sur le chantier public. Tout le monde sait qu'une fenêtre allant plus dans la hauteur permet un meilleur ensoleillement interne, malheureusement la prévalence du génie civil l'a toujours emporté sur les règles de l'art architectural. Les nouvelles habitations longeant l'autoroute à l'ouest de Zéralda sont là pour étayer le propos. L'office public de gestion immobilière, promoteur du projet, s'est contenté d'apposer une enseigne lumineuse avec un slogan des plus creux.

En ce qui concerne ce grand secteur de l'Education nationale, sa perdition est à l'image de cette nouvelle école à la sortie de Koléa vers Douaouda.

A propos de cette dernière, une fortuite visite à son cimetière renseigne sur le peu de cas que fait la collectivité communale pour ce sanctuaire de la mémoire. Envahi par les herbes folles, il semble faire le bonheur des galopins et du cheptel ; sa clôture éventrée ne protège apparemment plus rien. Pour revenir à l'école précitée, cette «chose» est révélatrice d'une décadence dans l'acte de bâtir ; elle allie tous les styles de construction sauf le nôtre. Les deux colonnes à l'entrée, recouvertes de plinthes en marbre mal posées gagneraient à être simplement peintes. Les exemples de ce genre sont légion dans le pays, ne dit-on pas que les petits rus font les grands fleuves ?

La nécessité ne doit jamais justifier la négation du beau. L'absence de vision prospective a fait que dès cette année scolaire, les jours de classe vont s'alterner dans le moyen, nous qui prétendions être définitivement débarrassés de la double vacation ! Que dire encore de ces tableaux décolorés et de ces tables écorchées du siècle dernier. Où sont les rétroprojecteurs, les tableaux magnétiques et les gros feutres... on en est encore à la rustique craie.

Le secteur des Ressources en eau n'a pas encore livré tous ses secrets. Mis à part le barrage de Béni Haroun, qui n'est d'ailleurs qu'une reprise, les autres grands barrages annoncés tardent quelque peu à venir étancher la soif des régions déficitaires. Et ce n'est qu'en fin de programme qu'on annonce le puisage dans l'albien pour satisfaire aux besoins de quelques wilayas en manque pluviométrique. A ce titre, la vision libyenne était-elle plus pertinente que la nôtre ?

Les transports sont probablement le talon achilléen de toute notre politique de développement. Le fourgon Karsan a de beaux jours devant lui avant d'être éradiqué. Probablement tout indiqué en rase campagne, sa tolérance en milieu urbain a fait le lit de l'humiliation collective. Les régies de transport urbain ne sont malheureusement pas partout. Nos décideurs ont préféré privilégier les chefs-lieux de wilaya comme à l'accoutumée. Quant à l'hécatombe qui saigne le pays plus que tout autre calamité, les accidents de la circulation, il vaut mieux ne rien en dire par respect pour les victimes expiatoires.

La Solidarité nationale semble prendre du plomb dans l'aile. Désintéressée de l'emploi au profil du secteur du Travail et de la Sécurité sociale, ses grands projets annoncés ne semblent pas avoir atteint les objectifs escomptés. L'opération «100 locaux par commune» destinés aux jeunes et déjà réalisée n'a pas encore arrêté le mode définitif d'attribution. Lestée de la communauté nationale à l'étranger, il confirme sa fonction intérimaire ou saisonnière, c'est selon : couffin du Ramadhan, retour migratoire, rentrée scolaire ou calamités naturelles. L'opération Alger la Blanche n'a pas encore convaincu. Les détritus sont toujours là et les modes opératoires sont décidément surannés. Des groupes de jeunes en salopette s'échinent à ramasser les ordures à main nue.

Où sont passées l'inspection et la médecine du travail pour laisser ces jeunes livrés à tous les dangers de la contamination chimique et biologique générée par ces détritus. Il est loisible de voir ces travailleurs au rabais sans gants, ni godillots encore moins de masques ou de couvre-chefs. Le secteur stratégique de la Santé, éternel annonceur de réformes, quant à lui, il n'a pas encore quitté les arcanes de la contractualisation et des urgences médico-chirurgicales. Une énième commission vient d'être récemment installée pour plancher sur les urgences. Le secteur chargé de la Privatisation et de l'Industrie n'a pas beaucoup convaincu dans sa politique en matière d'investissements directs étrangers (IDE). Tout le monde se rappelle le changement de cap de Renault et son choix sur notre voisin de l'ouest. Il est sans doute des raisons objectives qui ont fait détourner le projet, mais la frilosité nationale doit y être pour beaucoup. Les seuls IDE qui semblent réussir chez nous sont ceux de la téléphonie mobile et de la cimenterie à qui on reproche pourtant d'avoir fait de substantiels gains en devise forte.

Qu'espérait-on en voyant venir s'installer ces vendeurs de palabre ? Le tintamarre (sans jeu de mots) enclenché depuis la libéralisation tous azimuts du secteur industriel semble s'estomper pour revenir au remembrement de celui-ci en 13 grandes entreprises étatiques. Est-ce à dire qu'il y a eu erreur d'aiguillage sur le trajet ? Si le département des Technologies de l'Information et la Communication a connu des avancées notables, celui des Postes, en dépit des efforts consentis, demeure encore insuffisant, surtout dans la distribution du courrier. Les quittances de téléphone ne sont plus rendues à domicile. Cette prestation est confiée au client qui doit lui-même réclamer sa quittance. Pourtant l'entreprise chargée de l'électricité et du gaz plus implantée s'acquitte bien de cette mission.

Dans l'immatériel, nous ne sommes pas mieux lotis, le jeune secteur de la communication, au propre et au figuré, peine à s'affirmer sur le plan médiatique devant le tentaculaire Boulevard des Martyrs. Le programme télévisuel, consistant en une fade soupe populaire servie à tous les menus, pousse le téléspectateur à suivre ceux de nos voisines «2 M monde» et «Tunisie 21» du fait de la langue et des us. Y a-t-il un scénariste dans la cabine ? Et dire qu'il n'y a pas si longtemps, nos voisins, éblouis par l'ouverture démocratique, frappaient au portillon de la Télévision algérienne. A peine «Hadj Lakhdar» évacué, voilà qu'on nous fourgue «Hal ou Ahoual» ou ce ridicule sketch de vieux chantant du rap.

Telle une froide Kalantita, «le restaurant» du jeudi 18 septembre est resté à travers le gosier. On pouvait s'enfout... de la risée à l'époque de la terrestre, plus maintenant, les satellitaires nous ont mis à nu ! Notre télévision nationale est probablement la seule au monde dont les génériques comportent des noms de chauffeurs !




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