Leila FERHAT use
de sa mémoire comme d'une réserve de nuances, de traits et de teintes qui
hissent le réel à l'ordre du rêve. Sa restitution du présent n'est fidèle qu'à
l'émotion que celui-ci dégage et à la féerie de ses couleurs; sa plate
constance ne l'intéresse pas.
Elle se défie de
la précision pour ne pas castrer l'imagination et invite l'Å“il à concourir à
l'accomplissement de sa géniale ébauche ; un exceptionnel mélange d'application
et de nonchalance. Quand la modestie atteint son comble, elle fleure le
raffinement.
Le rouge vif vire
rapidement à l'orange sous l'action d'un soleil absent mais qui se signale par
ses dards d'un jaune intense.
la lumineuse
atmosphère qu'il engendre est encombrée par une multitude de petits voiliers
dansant sur une houle, pourtant imperceptible. La surface de l'eau supporte
avec allégresse des coques légères et discrètes. Elle absorbe tranquillement
les éléments censés la bousculer et offre sa transparence à un monde qui ne se
lasse pas de s'y mirer.
Les voiles
blanches sont à peine éclaboussées par un bleu inattendu et dressent leurs
pointes vers le firmament pour y dessiner un arc-en-ciel désarticulé. La vie
vogue sur l'onde, ivre de sa force mais inquiète de l'incertitude de son
horizon. L'incertitude plane, aussi, sur le ciel d'un bleu serein qui accueille
le cavalier sur son fier destrier blanc, au bout d'une longue chevauchée.
L'homme dont aucun trait n'est distinct , est pourtant d'une grande élégance et
semble en quête d'un sens à un périple dont il a oublié le point de départ.
Vient-il d'une autre contrée ou d'un autre âge ?
Qu'importe, il
est toute la prestance d'un être qui maîtrise la fougue de sa monture et donne
la réplique aux premiers murmures d'une nature écrasante de force et de beauté.
Plus loin , bien
plus loin, un vent de grains dorés balaie, avec application, l'oasis qui vient
d'accueillir les frêles abris d'autres hommes. Les palmiers se plient à sa
volonté mais ne cèdent pas à des caprices qu'ils savent passagers. Le sable, en
transe, griffe le fond bleu du paysage et retombe lourdement sur la tente qui
lui offre son dos brun pour amortir sa chute. Dans ces lieux farouches et
généreux l'homme et la nature se mesurent avec vigueur mais finissent toujours
par conclure la paix.
Leila FERHAT
accompagne avec sensibilité cette rencontre et n'en retient que l'équilibre
nécessaire, en le sublimant dans l'harmonie des couleurs dont, elle seule, a la
clé.
Elle promène son
regard vert sur une nature rebrodée. Cette symbiose des couleurs nous dévoile,
avec aisance, une ville aux couleurs bigarrées et aux demeures cossues,
croisant leurs contours imprécis dans une parfaite entente. La cité semble
couver une épopée encore vive, à peine étouffée par une modernité de parade
sous le guet d'une tour sans assise.
Une tour, ou
plutôt le fragment entêté d'une tour, à la fois vestige d'un rêve inachevé et
jalon d'un avenir rêvé. Une féminité ambiguë, parée de tous ses atours, émerge
d'une mémoire torturée par sa propre richesse, incapable de se départir de la
moindre de ses parures. Elle se dresse fièrement, malgré le poids de ses
broderies et promet à ses admirateurs d'assouvir le plus avide de leurs
regards.
Mais Leila FERHAT
ne se laisse pas distraire par l'insouciance des souvenirs que la nostalgie
embellit à merveille. Elle sait que l'histoire, son histoire et celle des
siens, est encore grosse de lourds secrets, dont seule la liberté peut
accoucher. Elle en voit, alors, le message dans une féminité à la douceur
indicible, au visage d'un blanc marmoréen, que souligne des lèvres d'un rouge
discret et une chevelure aux embruns bleus. De sa crinière abondante et
fertile, une colombe, menue et apeurée prend doucement son envol vers le destin
du monde. Un monde qu'un filet de lumière entre les doigts inspirés d'une femme
sensible et délicate nous conte, avec délice, pour arracher à notre léthargie
un sourire à la vie.
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Posté Le : 13/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed ABBOU
Source : www.lequotidien-oran.com