L'arrière-plan d'une colère patriotique

Dansle différend opposant le Maroc et l'Espagne à propos des enclaves de Ceuta etMelilla, l'Algérie a constamment soutenu la légitimité de la revendicationmarocaine du retour de ces territoires au Royaume chérifien, auquel ilsappartiennent géographiquement et sont liées par des liens humains,historiques, culturels et économiques impossibles à contester.Quenotre pays s'en tienne à cette position ne serait pas pour surprendre, même sipar ailleurs il est en profond désaccord avec son voisin de l'ouest au sujet deson autre revendication territoriale concernant le Sahara Occidental.L'Algérien'est pas en contradiction avec les principes qui fondent sa diplomatie ensoutenant le Maroc dans la première affaire et en lui refusant son appui pourla seconde. Elle fait au contraire montre d'une logique dont la cohérence nepeut être mise en cause. Dans les deux cas, notre pays a adopté en effet laposition qui est la sienne en refusant le fait accompli colonial que l'Espagneveut perpétuer en maintenant sa domination sur les enclaves marocaines de Ceutaet Melilla et celui de l'occupation par le Royaume chérifien du SaharaOccidental, dont les populations ont clairement démontré qu'elles s'y opposent.Ila pu apparaître, à l'occasion de la récente tension survenue entre le Maroc etl'Espagne provoquée par la visite du Roi Juan Carlos à Ceuta et Melilla, quel'Algérie ne se sentirait nullement concernée par l'affaire, voire pasmécontente de la brouille intervenue dans les rapports des deux pays. Ceux quiprêtent à l'Algérie ces deux intentions font mine de ne pas saisir que lesautorités marocaines n'ont nullement tenu en cette occasion à ce que leur«démonstration de mécontentement» donne lieu à une remise à plat et au fond surle plan international du contentieux historique opposant le Maroc à l'Espagne.Tousles observateurs ont été d'accord pour ne voir dans les réactions marocainesqu'un rappel de pure forme du droit historique du Royaume à la propriété desdeux enclaves, sans la réclamer franchement et fermement. Et pour cause, si lesautorités de Rabat en venaient à aller au-delà de leur protestation platoniqueen demandant à la communauté internationale d'arbitrer dans le différend, nuldoute qu'une grande partie de celle-ci leur rappellerait la propre position etle comportement de leur pays dans l'affaire du Sahara Occidental.Pouren revenir à l'Algérie, notre pays, et le mot est de circonstance, n'a pas à semontrer plus royaliste que le roi qui, finalement, ne tient pas tant que ça àrécupérer Ceuta et Melilla. Elle ne commettra jamais l'infamie de revenir sursa position en cette affaire qui est de reconnaître la légitimité de larevendication marocaine. Pour le reste, c'est au monarque chérifien et à sonpeuple qu'il revient de l'assumer. Ce qui n'est pas à l'évidence dansl'intention du Royaume, où l'on est manifestement acquis à l'abandon définitifde la revendication sur Ceuta et Melilla en contrepartie de l'appui espagnol àla thèse marocaine dans le dossier sahraoui.Cepourquoi le «coup de colère patriotique» de ces derniers jours contre lemonarque espagnol et son pays ne doit pas faire illusion et doit se décryptercomme préparatoire à la négociation d'un deal entre le Maroc et l'Espagne.